Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 28 janvier 2010 : La preuve du rapport de causalité
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Introduction
I) Le renversement de la charge de la preuve du rapport de causalité
A. Le rapport de causalité, multiple et fluctuant B. Le bouleversement induit par le choix de la causalité alternative
II) Le choix de l'équité au détriment de la responsabilité civile
A. La fin justifiant les moyens B. L'engagement dans un raisonnement répandu
Sommaire
En l'espèce, une molécule pharmaceutique commercialisée par deux distributeurs distincts était à l'origine d'un dommage chez une victime. La victime était dans l'incapacité de désigner la spécialité pharmaceutique qui lui avait été administrée. Elle assigne les distributeurs en réparation du préjudice subi sur le fondement de leur responsabilité collective. La Cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 12 juin 2008, déboute la victime de sa demande au motif qu'elle ne pouvait prétendre à une action collective étant donné que la preuve de l'administration des deux spécialités pharmaceutiques n'avait pas été apportée.
La victime forme un pourvoi en cassation. A l'appui de son pourvoi, elle soutient que la cour d'appel de Versailles aurait violée les articles 1382 et 1315 du Code civil en jugeant qu'il lui appartenait d'apporter la preuve de l'administration alors que la charge de la preuve contraire pesait sur les distributeurs. La Cour de cassation était alors appelée à répondre au problème juridique suivant :
Dans le cadre de la mise sur le marché d'une molécule litigieuse par des distributeurs pharmaceutiques, la charge de la preuve du lien de causalité entre le dommage et la distribution pèse-t-elle sur la victime ?
[...] Ce double rapport de causalité marque la différence entre causalité juridique et causalité matérielle. La causalité matérielle, concrète et souvent évidente, ne s'accorde pas toujours avec la notion dont il est question lorsque l'on parle de lien de causalité en responsabilité civile. La causalité juridique concerne en fait celle qui est considérée comme suffisante par le juge pour produire des effets juridiques (mise en jeu de la responsabilité,...). Elle implique donc nécessairement une part importante de subjectivité puisqu'elle reste soumise à l'appréciation du juge. Remarquons à ce sujet que c'est la Cour de cassation qui est compétente pour contrôler la notion de lien de causalité après avoir constaté les faits relevés souverainement par les juges du fond. C'est par exemple la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 5 décembre 2000, qui réaffirme ce principe (...)
En l'espèce, une molécule pharmaceutique commercialisée par deux distributeurs distincts était à l'origine d'un dommage chez une victime. La victime était dans l'incapacité de désigner la spécialité pharmaceutique qui lui avait été administrée. Elle assigne les distributeurs en réparation du préjudice subi sur le fondement de leur responsabilité collective. La Cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 12 juin 2008, déboute la victime de sa demande au motif qu'elle ne pouvait prétendre à une action collective étant donné que la preuve de l'administration des deux spécialités pharmaceutiques n'avait pas été apportée.
La victime forme un pourvoi en cassation. A l'appui de son pourvoi, elle soutient que la cour d'appel de Versailles aurait violée les articles 1382 et 1315 du Code civil en jugeant qu'il lui appartenait d'apporter la preuve de l'administration alors que la charge de la preuve contraire pesait sur les distributeurs. La Cour de cassation était alors appelée à répondre au problème juridique suivant :
Dans le cadre de la mise sur le marché d'une molécule litigieuse par des distributeurs pharmaceutiques, la charge de la preuve du lien de causalité entre le dommage et la distribution pèse-t-elle sur la victime ?
[...] Ce double rapport de causalité marque la différence entre causalité juridique et causalité matérielle. La causalité matérielle, concrète et souvent évidente, ne s'accorde pas toujours avec la notion dont il est question lorsque l'on parle de lien de causalité en responsabilité civile. La causalité juridique concerne en fait celle qui est considérée comme suffisante par le juge pour produire des effets juridiques (mise en jeu de la responsabilité,...). Elle implique donc nécessairement une part importante de subjectivité puisqu'elle reste soumise à l'appréciation du juge. Remarquons à ce sujet que c'est la Cour de cassation qui est compétente pour contrôler la notion de lien de causalité après avoir constaté les faits relevés souverainement par les juges du fond. C'est par exemple la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 5 décembre 2000, qui réaffirme ce principe (...)
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Extraits
[...] La causalité juridique concerne en fait celle qui est considérée comme suffisante par le juge pour produire des effets juridiques (mise en jeu de la responsabilité, Elle implique donc nécessairement une part importante de subjectivité puisqu'elle reste soumise à l'appréciation du juge. Remarquons à ce sujet que c'est la Cour de cassation qui est compétente pour contrôler la notion de lien de causalité après avoir constaté les faits relevés souverainement par les juges du fond. C'est par exemple la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 5 décembre 2000, qui réaffirme ce principe. De ce point de vue, le rapport de causalité semble modulable, fluctuant en fonction de l'appréciation donnée par la Cour de cassation. [...]
[...] Cette présomption est une fiction juridique qui écarte le raisonnement de la responsabilité civile et tend à le rapprocher d'avantage de l'équité. Or les parties ne s'étaient en rien mises d'accord sur un jugement en équité. La Cour de cassation était donc censée appliquer des règles de droit au fait, la pratique l'en a écartée. En outre, la haute juridiction place les distributeurs dans une situation particulièrement délicate qui revient presque à les condamner par défaut. L'exigence d'une preuve négative, aussi appelée preuve diabolique de part la difficulté à la produire, conduit à une condamnation in solidum des distributeurs. [...]
[...] Cette solution inaugurée en 2009 est confirmée dans l'arrêt. Elle constitue un revirement important étant donné que la solution qui précédait était la suivante : la seule solution juridique consiste à débouter la victime dont les intérêts sont alors sacrifiés au principe de causalité (P. le Tourneau). Il semblerait que l'exigence de fermeté du lien de causalité soit quelque peu mise à mal par cette jurisprudence qui prend des libertés par rapport aux principes traditionnels de la responsabilité civile. Une sorte de personne morale est constituée pour justifier la condamnation in solidum des distributeurs, qui ont été regroupés en raison de la similitude de leur fonction en l'espèce et de l'incertitude en ce qui concerne leur responsabilité respective. [...]
[...] Ce procédé jurisprudentiel (qui le distingue de l'obligation solidaire) permet une certaine garantie de la solvabilité. Cette obligation est reconnue par la Cour lorsqu'elle fait allusion à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché L'affranchissement de la Cour des principes du droit commun apparaît contestable mais se justifie en fait par un raisonnement téléologique Le choix de l'équité au détriment de la responsabilité civile Après avoir développé l'idée selon laquelle la Cour utiliserait un raisonnement ou la fin justifierait les moyens nous verrons que cette solution constitue un engagement de la jurisprudence française dans un raisonnement répandu La fin justifiant les moyens : C'est Brigitte Daille-Duclos qui se permet une telle formulation à propos de la responsabilité du fait des produits défectueux. [...]
[...] C'est sur la question de la preuve du rapport de causalité que la Cour de cassation a été appelée à se prononcer dans son arrêt de cassation du 28 janvier 2010 rendu au visa des articles 1382 et 1315 du Code civil. En l'espèce, une molécule pharmaceutique commercialisée par deux distributeurs distincts était à l'origine d'un dommage chez une victime. La victime était dans l'incapacité de désigner la spécialité pharmaceutique qui lui avait été administrée. Elle assigne les distributeurs en réparation du préjudice subi sur le fondement de leur responsabilité collective. [...]