Commentaire d'arrêt, 26 mai 2010, nantissement de créances, droit des sûretés, cession de créances
Contraire à la volonté des parties, il convient d'examiner les fondements avancés par la Cour pour justifier sa solution. Les juges du fond avaient effectivement constaté que la cession de loyers avait été conclue « en garantie de remboursement du prêt consenti » et avait « été signifiée aux locataires », conformément aux dispositions de l'art. 1690. Ça n'a alors pas appliqué la jurisprudence du 19 déc. 2006 et elle n'a pas vu, dans la cession de loyer, une sûreté, mais une simple modalité de remboursement. La Cour de Cassation a cassé en tirant les conséquences de sa jurisprudence de 2006. L'arrêt s'inscrit donc dans la continuité de sa jurisprudence antérieure, pourtant très critiquée par la doctrine. La volonté des parties est claire : la cession de créance.
On peut estimer que la solution étudiée dénature la volonté des parties. En effet, si cette volonté était contraire à une règle impérative, il fallait anéantir la convention (art. 6 C.civ.) et non la maintenir en modifiant simplement sa nature. Ce type de procédé se rencontre parfois afin de faire produire à des actes frappés de nullité certains effets, à condition qu'ils soient semblables à ceux qu'auraient produit l'acte invalidé. Or le droit de préférence du nantissement se distingue du droit exclusif que confère la cession de créance.
[...] Elle met en effet fin à la réciprocité des qualités de débiteur et créancier qui est nécessaire pour que la compensation puisse se produire. Dans le cas du nantissement en revanche, le constituant de la sûreté étant demeuré propriétaire de la créance nantie, la constitution de cette sûreté ne porte pas atteinte à la réciprocité des créances susceptibles de se compenser. Le débiteur pourra donc toujours opposer une exception de compensation au bénéficiaire du nantissement (RTD Civ p P. Crocq). B. [...]
[...] Non, exemple : droit de rétention conventionnel. L'article 2073 du CCiv dispose quant à lui que les effets du gage, ne joue pas en la matière. L'article 2075 du CCiv enfin n'apporte rien à cet égard et n'a sans doute été effectué que dans la mesure où, d'une part, avant la réforme de 2006, il constituait le seul article que le code civil consacrait au nantissement de créance et où, d'autre part, c'était ce texte qui affirmait que la signification du nantissement de créance était une condition de validité de celui-ci. [...]
[...] Une solution faisant du nantissement une sûreté extrêmement efficace. En conférant au créancier nanti un droit exclusif de recevoir paiement, c'est un droit de rétention que la Cour de cassation accorde en réalité. Le créancier dispose en effet alors d'un pouvoir de blocage. Sur le site internet de la Cour de cassation, on peut d'ailleurs lire parmi les mots clés relatif à l'arrêt : droit de rétention (oui) Cela octroi une grande force au nantissement qui peut ainsi échapper à la concurrence des autres créanciers en cas de procédure collective, alors même que le créancier nanti n'est pas propriétaire de la créance. [...]
[...] En instituant l'article 2363 du code civil, l'ordonnance de 2006 prévoit qu' après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement le paiement de la créance nantie tant en capital qu'en intérêt Certains auteurs comme le professeur Théry (Defrénois 2008, p.414) avaient estimé que ces dispositions n'auraient pour effet que de régler les rapports du débiteur de la créance nantie avec les parties au contrat de nantissement et qu'en conséquent, certains créanciers pourraient exercer leur droit sur la créance, au moins ceux dont les privilèges priment sur le droit de gage. Mais un autre courant doctrinal, dont les membres de la commission Grimaldi, soutenait que l'on pouvait déduire du texte qu'en notifiant le nantissement, le créancier a le pouvoir de bloquer à son profit le paiement de la créance. Cela lui confère un droit exclusif de recevoir le paiement de la créance. [...]
[...] C'est précisément ce que l'arrêt affirme ici. Cette interprétation audacieuse s'inscrit dans un mouvement jurisprudentiel plus vaste qui tend à faire échapper au droit des PC les créanciers bénéficiant d'une situation d'exclusivité sur des créances nées de contrats à exécution successive. Il y a admission qu'une saisie-attribution antérieure à l'ouverture d'une PC à l'encontre d'un bailleur puisse produire effet sur des loyers échus après cette ouverture (Ch. Mixte nov. 2002). En outre, affirmation que l'ouverture d'une PC à l'encontre du cédant n'affecte pas l'efficacité d'une cession Dailly antérieure ayant pour objet une créance née d'un contrat à exécution successive (Com nov. [...]
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