Cette décision relève du problème de l'application de la règle de droit dans le temps : en l'occurrence lorsqu'une loi, non appliquée à une instance en cours, amène à s'interroger sur le respect de la prééminence du droit et au regard de la notion de procès équitable.
Le principe de non rétroactivité de la loi est à la base de tout système juridique démocratique. Il est l'assurance pour tout justiciable de ne pas se voir imposer la fiction juridique, selon laquelle il « n'est pas censé ignorer la loi », pour rien. Pourtant, un conflit théorique oppose les juristes quant à la façon de respecter ce principe. Parfois, ils sont partisans d'une sécurité juridique assez affirmée pour faire prévaloir le droit acquis dans le passé, et parfois ils sont partisans de la doctrine dite « moderne », consistant en l'application immédiate de la loi nouvelle.
Cet arrêt rend compte de ce conflit, et en tranche l'un de ses aspects.
[...] Alors, on parle de survie de la loi ancienne. Cette affirmation est chapeautée par la théorie des droits acquis. Par ailleurs, elle semble tout à fait normale : il faut assurer l'unité de la législation, certes, mais un peu de souplesse ne fait pas de mal Roubier, dans Le droit transitoire, dit que le contrat est le moyen par lequel la diversité pénètre dans le monde juridique D'autre part, l'application de la loi ancienne répond à la volonté de sauvegarder la sécurité juridique : Or les considérations propres à celle-ci sont, en matière contractuelle, particulièrement pressantes : le contrat repose sur la volonté des parties, laquelle s'est exprimée en contemplation d'un certain état du droit positif (en vigueur, au moment de l'accord) . [...]
[...] D'ailleurs, au regard du droit positif entier, cette décision révèle un travail créatif. II) Critique de la décision Il semble qu'une analyse critique de la décision puisse être faite, tant sur le plan de sa comparaison au droit positif que sur celui de l'analyse de sa valeur et de sa portée La confrontation de la décision avec le droit positif Il convient pour ce faire d'exposé dans un premier quel est le droit positif en vigueur puis, de le confronter à la décision Exposé du droit positif L'article 2 du Code civil dispose que la loi ne dispose que pour l'avenir En ce sens, elle n'a pas d'effet rétroactif et ne saurait modifier ce qui fut instauré sous l'empire d'une loi antérieure. [...]
[...] les motifs de la décision La Cour de cassation a décidé de se démarquer de l'interprétation textuelle qu'on aurait pu faire de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle décide souverainement, en arguant qu'elle en élargit le sens, d'en faire une interprétation spirituelle : que l'Etat soit ou non partie au procès, pas d'immixtion. C'est là un raisonnement très proche de celui des légistes révolutionnaires de 1789 qui avaient décidé : -l'égalité de tous devant la loi (c'est-à-dire contre l'Etat, fût-il plus puissant mais a contrario également toute personne physique, fût-elle moins puissante -une séparation stricte des pouvoirs : en l'occurrence manifestée par une séparation stricte du pouvoir législatif dans le pouvoir judiciaire, en cours d'un procès, et ce même si la loi nouvelle est rétroactive par nature du fait de son caractère interprétatif ou correcteur. [...]
[...] Cet arrêt rend compte de ce conflit, et en tranche l'un de ses aspects. Le 11 janvier 1991, la société Le Bas Noyer a donné un bail à la société Castorama des locaux à usage commercial, pour une durée de douze années moyennant un loyer annuel de porté par le jeu des indexations, à F au 1er juillet 2000. La société Castorama a alors saisi le juge des loyers afin de voir fixer le loyer à la valeur locative, c'est-à-dire au prix initialement prévu. [...]
[...] Nous voyons ainsi que cet arrêt de la Cour de cassation, s'il ne fut pas aussi révolutionnaire qu'on aurait pu le considérer au regard de ses motivations souveraines, s'est au contraire aligné sur une jurisprudence externe et supérieure à elle. Cependant, sa position n'en est pas moins appréciable. Porté et valeur de la décision Sa porté Selon Vincent Heuzé, le 30 novembre 2004, un rapport était remis au premier président de la Cour de cassation sur les revirements de jurisprudence. Il préconisait, pour remédier à l'insécurité juridique pouvant résulter de ceux-ci, que la Cour de cassation puisse moduler dans le temps les effets qu'elle entend substituer à celle qu'elle suivait précédemment. [...]
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