De nombreuses discutions existent quant à la place qu'il faudrait reconnaître ou non aux événements techniques imprévus dans les conventions légalement formées. Il est notamment possible, en pratique, que ces événements rendent, pour un entrepreneur, l'exécution de ses obligations beaucoup plus coûteuses que prévu, allant parfois jusqu'à lui retirer tout intérêt pour une convention antérieurement passée. La question qui se pose, dès lors, est de savoir si de telles sujétions imprévues seraient susceptibles de modifier, en cours d'exécution, le prix de la prestation conventionnellement fixé par les parties. Bien que la tendance, dans la jurisprudence française, soit au refus d'entériner un tel mécanisme, il est possible que cette tendance soit progressivement nuancée, ce que permet d'illustrer un arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 janvier 1999.
En l'espèce, une société ayant entrepris une construction immobilière suivant marché à forfait avait chargé un entrepreneur de la maîtrise d'oeuvre de conception et un second entrepreneur de la maîtrise d'oeuvre d'exécution, leurs honoraires étant forfaitairement fixés sur la base du marché de travaux. Les travaux se sont avérés nécessiter, en cours d'exécution du contrat, un montant de 26,5% de plus que ce qui était originellement prévu.
La société avait assigné ces maîtres d'oeuvre en remboursement d'un trop-perçu d'honoraires et en responsabilité. La Cour d'appel avait débouté la société de sa demande de restitution d'honoraires complémentaires. L'arrêt d'appel retient notamment que la société ne conteste pas l'existence de modifications affectant l'objet même du contrat et que le dépassement de 26.5% du montant des travaux supplémentaires constitue une modification substantielle de la base de calcul des honoraires. Dès lors, la Cour d'appel avait estimé que les coûts supplémentaires occasionnés par les travaux ne pouvaient être supportés par les maîtres d'oeuvre et pouvaient donner lieu à une modification du prix de la prestation tel que convenu par les parties.
Il s'agissait donc, pour la Cour de cassation, de déterminer si dans le cadre d'un contrat de construction immobilière suivant marché à forfait, une augmentation substantielle du coût de la prestation de l'entrepreneur était de nature à modifier le prix de ladite prestation fixé conventionnellement par les parties.
La Cour de cassation casse et annule l'arrêt attaqué, répondant ainsi par la négative à cette question. Elle ne nie pas que les modifications affectaient l'objet même du contrat, ni que le dépassement de 26,5% du montant des travaux supplémentaires constitue une modification substantielle de la base de calcul des honoraires, mais relève qu'aucun bouleversement de l'économie n'a été caractérisé, rendant impossible l'augmentation des honoraires dans le contrat qui suivait le régime de l'art. 1793 du Code civil (...)
[...] On peut donc estimer que la notion de bouleversement de l'économie du contrat est une première tentative de la jurisprudence pour reconnaître indirectement la prise en compte d'un événement technique imprévu dans la modification des stipulations contractuelles. Cette notion permettrait, par l'intermédiaire des travaux supplémentaires, d'ouvrir une brèche dans l'intangibilité du prix forfaitaire. On peut mettre cette progressive intégration des sujétions imprévues dans la jurisprudence française en parallèle avec leur place dans le droit américain. La force majeure de ce droit est dite practical impossibility et est très comparable à la nôtre. [...]
[...] En l'espèce, la Cour d'appel a relevé l'existence de modifications affectant l'objet même du contrat et le dépassement de 26,5% du montant des travaux supplémentaires, et la Cour de cassation refuse de qualifier ces modifications de bouleversement économique du contrat, alors même que 26,5% semble être un dépassement important. On semble donc face à une forme de pouvoir souverain des juges. Dès lors, la qualification de bouleversement économique du contrat pour accepter la modification du prix fixé conventionnellement semble compromettre la sécurité juridique des parties concluant un contrat soumis au régime de l'art du Code civil. [...]
[...] Dès lors, on peut relever qu'aucune disposition législative ne protège le maître d'œuvre. Le bouleversement économique du contrat doit donc s'envisager comme une exception visant à protéger le maître d'œuvre d'éventuels surcoûts démesurés et, surtout, s'apprécier strictement. Il convient donc de se demander comment est caractérisé un tel bouleversement. B. La nécessité de caractériser précisément un tel bouleversement pour modifier le prix Des modifications affectant l'objet même du contrat sont insuffisantes pour caractériser un bouleversement, selon l'interprétation de la Cour de cassation qui, pour casser l'arrêt d'appel qui rejetait la demande de restitution d'honoraires de la société Imhotep et acceptait l'augmentation des honoraires fixés conventionnellement par les parties, retient que la Cour d'appel aurait dû rechercher si les modifications affectation l'objet du contrat étaient de nature à caractériser un bouleversement de l'économique du contrat Les éléments relevés par la Cour d'appel ne seraient donc pas suffisants pour accepter la modification du prix fixé par la convention. [...]
[...] Il est notamment possible, en pratique, que ces événements rendent, pour un entrepreneur, l'exécution de ses obligations beaucoup plus coûteuses que prévu, allant parfois jusqu'à lui retirer tout intérêt pour une convention antérieurement passée. La question qui se pose, dès lors, est de savoir si de telles sujétions imprévues seraient susceptibles de modifier, en cours d'exécution, le prix de la prestation conventionnellement fixé par les parties. Bien que la tendance, dans la jurisprudence française, soit au refus d'entériner un tel mécanisme, il est possible que cette tendance soit progressivement nuancée, ce que permet d'illustrer un arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 janvier 1999. [...]
[...] La Cour de cassation casse et annule l'arrêt attaqué, répondant ainsi par la négative à cette question. Elle ne nie pas que les modifications affectaient l'objet même du contrat, ni que le dépassement de 26,5% du montant des travaux supplémentaires constitue une modification substantielle de la base de calcul des honoraires, mais relève qu'aucun bouleversement de l'économie n'a été caractérisé, rendant impossible l'augmentation des honoraires dans le contrat qui suivait le régime de l'art du Code civil. La Cour, dans son arrêt, rejette effectivement la révision de la convention du fait de travaux supplémentaires qui n'avaient été ni prévus, ni envisagés, faisant en cela application d'une solution classique en jurisprudence Elle n'exclut cependant pas de telles modifications contractuelles pour les cas où ces travaux entraîneraient un bouleversement économique du contrat (II). [...]
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