Si l'article 220 du Code civil affirme l'existence entre les époux d'une solidarité pour les dettes ménagères, en disant dans son premier alinéa que chacun d'entre eux a « pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants », et que « toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement », il apporte cependant deux réserves à ce principe.
Ainsi, son alinéa 2 dispose que « la solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant ». Et, par ailleurs, son alinéa 3 précise qu'elle n'a pas non plus lieu, « s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux (…) pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante ».
C'est cette dernière réserve qui fait particulièrement l'objet de l'arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation le 3 juin 2003, que nous devons étudier.
En l'espèce, les faits étaient les suivants : monsieur X, tandis qu'il était marié avec madame X, avait contracté, auprès de la société GMF banque, deux prêts destinés à financer deux automobiles. Mais, puisqu'il ne pouvait apparemment pas effectuer seul les remboursements, la GMF avait attaqué madame X en justice de façon à ce qu'elle soit solidairement tenue, avec son époux, à rembourser ces emprunts
La Cour d'appel, face à ce litige, a décidé de condamner madame X a rembourser solidairement les prêts contractés par son mari, et nonobstant de faire application de l'alinéa 3 de l'article précité en affirmant seulement « qu'eu égard aux revenus du ménage et à la modicité des prêts », ces achats n'apparaissaient pas « manifestement excessifs et relevaient incontestablement du domaine domestique ».
Mais Madame X, mécontente de cette décision, a formé un pourvoi en cassation contre cette décision. La juridiction suprême a donc du se demander si un emprunt modeste et présentant un caractère ménager conclu par un seul des conjoints pouvait entraîner la solidarité des deux époux sans que le caractère de nécessité pour les besoins de la vie courante ne soit déterminé.
Elle a, dans son arrêt du 3 juin 2003 rendu au visa des alinéa 1 et 3 de l'article 220 du Code civil, cités précédemment, cassé l'arrêt précédemment rendu par la Cour d'appel, reprochant à cette dernière d'avoir privé sa décision de base légale en condamnant solidairement les époux X et Y au remboursement des emprunts contractés par monsieur X « sans expliquer en quoi les sommes empruntées étaient nécessaires aux besoins de la vie courante ».
Elle a ainsi rappelé la nécessaire réunion des différents critères posés par l'article 220 du Code civil pour que deux époux puissent être solidaires pour les emprunts qu'ils ont contracté (I), tout en montrant implicitement le caractère à géométrie variable de cet article (II), qui entraîne nécessairement des conséquences très différentes selon les diverses espèces.
[...] Commentaire de l'arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation en date du 3 juin 2003 Si l'article 220 du Code civil affirme l'existence entre les époux d'une solidarité pour les dettes ménagères, en disant dans son premier alinéa que chacun d'entre eux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants et que toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement il apporte cependant deux réserves à ce principe. [...]
[...] Si l'on est donc forcé de constater que dans son arrêt du 3 juin 2003, la Première Chambre civile s'est tout particulièrement attachée à l'exigence de la réunion de tous les éléments nécessaires à la reconnaissance de la solidarité entre époux pour un prêt contracté par un seul de ces derniers, posés par l'article 220 du Code civil, et notamment à celles explicitées par l'alinéa 3 de celui-ci, il nous est également possible, en étudiant la décision concernée, de remarquer que cet arrêt met également en exergue le caractère a géométrie variable de ce texte. [...]
[...] Une intervention législative ou jurisprudentielle nécessaire en ce qui concerne les emprunts ménagers non modiques Si l'on sait désormais quels gages sont offerts aux créanciers ménagers dans les différentes hypothèses envisagées par l'alinéa 3 de l'article 220 du Code civil, grâce à des arrêts de la Cour de cassation telle que celui étudié, il faut faire remarquer qu'une intervention du législateur, ou tout du moins une évolution jurisprudentielle, semblent nécessaires, puisque le système en place actuellement risque d'entraîner quelques injustices. [...]
[...] Il semble donc que l'alinéa 3 du Code civil fasse l'objet, peut être à cause d'un manque de compréhension de son texte, d'une mauvaise application récurrente de ses principes par les juges du fond, toujours sanctionnée par la Cour de cassation. Mais si cette dernière s'attache visiblement à ce que tous les éléments de l'alinéa 3 nécessaires à ce que la solidarité entre époux pour un emprunt soient réunis, elle n'en tient pas moins pour autant spécifiquement à ce que le critère de la nécessité du prêt pour les besoins de la vie courante soit respecté, puisque celui est en lui-même particulièrement important. [...]
[...] En effet, en exigeant que soit déterminé le caractère de nécessité pour les besoins de la vie courante alors même qu'elle n'avait pas par ailleurs contesté le caractère ménager du prêt accordé à monsieur elle a nécessairement opéré une distinction entre les deux notions, et montré implicitement qu'elle considérait la première d'entre elles comme plus restrictive que la seconde (ce qui correspond à l'esprit de l'alinéa 3 de l'article 220, qui avait été rajouté dans le Code civil de façon à permettre la reconnaissance d'une solidarité pour les prêts modestes et répétés contractés par un des conjoints seulement mais visant à faire face quotidiennement aux besoins urgents du ménage. Il faudra donc à l'avenir tenir compte de cette nouvelle précision dans les litiges où l'on cherchera à condamner solidairement un époux à rembourser un emprunt contracté par son conjoint. [...]
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