Summum jus, summa injuria. Ce vieil adage, signifiant que le droit dans sa raideur peut conduire à une injustice flagrante, semble trouver à travers l'arrêt du 2 octobre 2002 de la 1ère chambre civile de la cour ce cassation, une nouvelle jeunesse.
L'arrêt concerne une société en formation, la société Inho. Afin qu'elles interviennent à une délibération de l'assemblée générale de la société Inho pour voter un prêt immobilier qui allait plus tard lui être consenti, M. Gouzien et les autres associés avait spécialement mandaté deux personnes. Le 20 janvier 1991, M. Gouzien donne procuration à Mme Fayon, qui n'est ni l'associée ni la gérante de la société, de se porter caution solidaire et d'intervenir à l'acte consentant le prêt.
Une semaine plus tard, le 28 janvier 1991, la BIE consent un prêt bancaire d'une somme de 5 300 000 Francs, au taux de 12, 4994% par an à la société Inho pendant sa période de formation, selon un acte authentique reçu par M. Vicens, notaire associé membre de la société civile professionnelle Vicens et Garrigue. Néanmoins, il apparaît que la personne ayant contracté le prêt au nom de la société n'était pas celle ayant reçue le mandat de la part des associés, Mme Fayon, mais son mari, M. Fayon gérant associé de cette société. D'autre part, le remboursement de ce prêt a été garanti par un engagement de caution solidaire souscrit par M. Gouzien, associé, a hauteur de 1 113 000 francs.
Une fois immatriculée, la société Inho entreprend de rembourser les premières échéances et approuve les comptes sociaux du premier exercice, ces derniers prenant en compte le prêt consenti par la Banque Immobilière européenne (BIE).
Par la suite, la société Inho se retrouve dans l'impossibilité de faire face aux échéances et interrompt le remboursement du prêt.
En raison de la défaillance du débiteur principal (qui selon la banque créancière était la société Inho), la BIE, demandeuse et créancière, a assigné M. Gouzien, défendeur, en paiement de sa créance qu'il doit en sa qualité de caution et a appelé en garantie la SCP Vicens dont la responsabilité a également été recherché par M. Gouzien, devant un tribunal de première instance inconnu. Ce dernier ayant rendu son jugement, le plaideur mécontent interjeta appel.
Le 19 octobre 1999, la cour d'appel de Montpellier a fait droit à la demande initiale et a condamné M. Gouzien à exécuter son engagement de caution. Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation.
Le 2 octobre 2002, la 1ere chambre civile de la cour de cassation, rend un arrêt de cassation partiel avec renvoi devant la CA de Nîmes.
Cette affaire illustre le fait que parfois l'activité sociale de la société débute avant l'immatriculation : entre la signature des statuts et l'immatriculation au RCS une période s'écoule pendant laquelle des dépenses sont susceptibles d'être engagées, en l'espèce un prêt a été contracté. Or, faute d'immatriculation, la société n'a pas de personnalité juridique et à défaut de capacité juridique elle ne peut pas contracter.
La banque immobilière européenne demande le paiement de la créance qu'elle détient en vertu de la conclusion d'un contrat de prêt à la caution de la société Inho, M. Gouzien. Pour exiger ce paiement, elle prétend que la société a conclu le prêt régulièrement dans le respect des formalités exigées et qu'elle l'a repris à son compte, en se fondant d'une part, sur le décret du 3 juillet 1978 qui énonce que la reprise des engagements souscrits par les personnes qui ont agi au nom de la société peut découler d'un mandat donné par les associés, et d'autre part, sur la reprise tacite de ces engagements, le commencement d'exécution de l'acte étant interprété comme une ratification implicite de ce dernier. De fait, si l'on suit les prétentions de la banque demandeuse, ce qu'a fait la cour d'appel de Montpellier, la caution s'étant engagé à poursuivre le remboursement du prêt en cas de défaillance du débiteur principal, elle a l'obligation de le rembourser.
Le problème juridique se posant en l'espèce est double : Le contrat de prêt a-t-il été conclu et repris dans le respect des formalités exigés par l'article 1843 du code civil et le décret du 3 juillet 1978 ? En cas de méconnaissance des formalités exigés par les textes, qui est engagé au titre du contrat de prêt contracté au nom d'une société en formation ?
Dans l'arrêt du 2 octobre 2002, la 1ère chambre civile de la cour de cassation répond à ces questions : « le prêt contracté au nom d'une société en cours de constitution n'engage, en cas de méconnaissance des exigences des deux premiers textes susvisés que celui qui se dit son représentant ; (que) l'obligation de restituer les fonds est dès lors à la charge d'une partie distincte de la personne morale prévue tant par le contrat de prêt que par le cautionnement garantissant l'exécution de celui-ci ; (que) le cautionnement ne peut fonder la condamnation de la caution à garantir la dette d'une personne autre que le débiteur prévu »
Dans cet arrêt, la haute juridiction fait une stricte application des textes encadrant les modalités de reprise des engagements et constate l'irrégularité du mandat ce qui rend logiquement irrégulier le contrat de prêt conclu au nom de la société : la cour sanctionne le non respect des formalités (I). La méconnaissance de l'accomplissement des formalités va avoir d'importantes conséquences juridiques : la banque aura un nouveau débiteur, le représentant de la société, qui se trouvera contraint de rembourser des fonds auxquels il n'a pas eu accès, ce qu'il pourra constater dans un second temps en invoquant les quasi-contrats (II).
[...] Fayon avait agi en tant que mandataire nous aurions été en présence d'un mandat tacite, prévu par le Code civil à l'article 1985. Néanmoins, ce mandat est impossible en l'espèce puisque les textes prévoient une formalité particulière pour les engagements souscrits après la signature des statuts, mais avant l'immatriculation. En effet, les associés donnent mandat à l'un d'eux de conclure un acte particulier dans les statuts ou par acte séparé. Si ces formalités avaient été respectées pour Mme Fayon, force est de constater qu'elles ne l'ont pas été pour M. [...]
[...] En effet, l'engagement pris par la caution, en l'espèce le demandeur au pourvoi M.Gouzian, est un engagement accessoire à l'obligation du débiteur principal ce qui entraîne des implications juridiques essentielles notamment quant à l'existence même du cautionnement : l'engagement de la caution n'existe que si l'obligation principale est valide. Force est de constater qu'en l'espèce, ce n'est pas le cas. Par ailleurs, il peut paraître surprenant que le cautionnement des dettes d'une société future soit approuvé par la jurisprudence. En effet, conformément à l'interprétation commune de l'article 1129 du Code civil, l'objet de l'obligation doit être déterminé ou déterminable à l'époque de l'exécution. Le cautionnement étant un accessoire, l'objet de l'obligation de la caution, à défaut d'être déterminé est déterminable par référence à l'obligation du débiteur principal. [...]
[...] En l'espèce, il semble que cela ait été le cas. Si la gestion d'affaires est admise en l'espèce, elle va produire un certain nombre d'effets juridiques notamment le fait que le gérant , M. Fayon, devra être remboursé des dépenses qu'il a effectuées. Qui plus est, il pourra aussi évoquer l'existence d'un préjudice et pourra être indemnisé par la société L'invocation éventuelle des règles de l'enrichissement sans cause L'enrichissement sans cause est le fait qu'une personne procure involontairement un avantage à autrui. [...]
[...] La réponse se trouve dans l'article 1843 du Code civil : seule la personne qui a agi au nom de la société est tenue des obligations nées de l'acte. II. Les conséquences plurales de l'irrespect des formalités prévues par les textes A défaut d'accomplissement régulier du contrat ainsi que par l'absence de modalités autorisant une reprise de ce dernier, la banque ne peut poursuivre la caution en remboursement du prêt et doit donc se retourner contre un autre débiteur Néanmoins, il sera possible pour ce dernier de poursuivre par la suite la société Inho en remboursement, mais sur un autre fondement que le contrat de prêt initial en invoquant l'existence d'un quasi-contrat A. [...]
[...] De fait, si l'on suit les prétentions de la banque demanderesse, ce qu'a fait la cour d'appel de Montpellier, la caution s'étant engagé à poursuivre le remboursement du prêt en cas de défaillance du débiteur principal, elle a l'obligation de le rembourser. Le problème juridique se posant en l'espèce est double : Le contrat de prêt a-t-il été conclu et repris dans le respect des formalités exigées par l'article 1843 du Code civil et le décret du 3 juillet 1978 ? [...]
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