Les "affres de la causalité" sont toujours d'actualité et nourrissent un contentieux abondant. La recherche du lien de causalité est fondamentale dans la mise en œuvre de la responsabilité civile, mais elle peut s'avérer difficile lorsque plusieurs causes sont à l'origine du dommage; le juge est alors confronté à la délicate question de savoir laquelle il faut retenir. L'arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation illustre à nouveau l'acuité de ce problème.
En l'espèce, la victime d'un accident de la circulation avait dû, en raison des blessures corporelles qui en étaient résultées, subir plusieurs interventions chirurgicales et transfusions sanguines. Contaminée par le virus de l'hépatite C, la victime en a imputé l'origine au Centre Régional de Transfusion Sanguine de Montpellier, lequel a appelé en garantie l'auteur de l'accident de la circulation.
La Cour d'appel de Toulouse, confirmant en cela la décision rendue en première instance, a déclaré le CRTS seul responsable de la contamination par le virus et rejeté l'appel en garantie.
Comment déterminer la cause à l'origine de ce dommage? Est-ce l'accident ou bien uniquement les transfusions consécutives à l'accident qui sont la cause déterminante du dommage que constitue la contamination par le virus de l'hépatite C? La responsabilité repose-t-elle uniquement sur le CRTS ou bien celui-ci peut-il aussi agir contre l'auteur de l'accident?
La Cour de cassation affirme, sous le visa de l'article 1382 du Code civil, que les transfusions sanguines ayant entraîné la contamination avaient été rendues nécessaires par l'accident de la circulation, la Cour d'appel a dès lors violé le texte susvisé.
[...] Ce sera la loi 2002-303 du 4 mars 2002. Il ressort de l'arrêt commenté que lorsque deux ou plusieurs fautes expliquent le dommage, elles doivent être considérées comme pareillement causales. Il en est ainsi lorsque ces fautes ont été commises simultanément et dans l'exercice d'une même activité. Les auteurs du dommage seront dans ce cas responsables in solidum. D'après l'arrêt, il en est également ainsi lorsque ces fautes se sont succédées dans le temps, et se rapportent à des activités différentes. [...]
[...] Dans ce contexte, l'article 1147 du Code civil aurait sans doute paru plus pertinent. Ce n'est pas la première fois que la Cour de cassation admet la responsabilité de l'auteur initial. Elle l'a déjà retenu dans un arrêt de la Chambre criminelle le 15 janvier 1958 où un automobiliste a été tenu responsable de la mort de la victime due, non à une blessure, mais à un traitement malencontreusement pratiqué par le médecin. Ce qui est nouveau est que la Haute Juridiction reconnaisse au CRTS une action en garantie contre le conducteur. [...]
[...] S'il est incontestable que l'accident de la circulation a été une condition sans laquelle le dommage ne se serait pas produit, il apparaît néanmoins comme une cause indirecte du dommage. Ce relâchement de l'exigence posée pour caractériser le lien de causalité s'explique si on le situe dans la perspective de l'évolution du droit de la responsabilité civile qui a désormais pour centre de gravité la considération première de la victime et l'impératif de son indemnisation. "La causalité est affaire de sentiment" disait Esmein. [...]
[...] Il apparaît légitime de s'interroger sur les raisons qui ont conduit l'extension à l'extrême du lien de causalité. La consécration de la théorie de l'équivalence des conditions Par cet arrêt, la Cour de cassation admet l'action en garantie du Centre Régional de Transfusion Sanguine contre le co-auteur du dommage qu'est l'auteur de l'accident. De la sorte, la théorie de l'équivalence des conditions se voit consacrée pleinement au détriment de la théorie de la causalité adéquate. Le recours du CRTS contre l'auteur initial L'arrêt est rendu au visa de l'article 1382 du Code civil. [...]
[...] II) L'extension à l'extrême du lien de causalité Par cette décision, la Cour de cassation a voulu satisfaire un objectif d'indemnisation le plus large possible des victimes tout en maintenant le système de la réparation sur le fondement assurantiel La justification de l'indemnisation de la victime Dans l'arrêt commenté, le souci de la Cour de cassation n'était pas à proprement parler d'indemniser la victime qui avait déjà obtenu gain de cause. Le pourvoi portait en effet sur le jeu de l'appel en garantie. Il ne faut pas en déduire pour autant que toute idée de réparation fût absente dans l'esprit des magistrats. Il convient en effet de distinguer la solution du litige, de la portée jurisprudentielle de la règle dégagée par cet arrêt. En assouplissant l'exigence d'un lien de causalité, la Haute Juridiction facilite les chances d'indemnisation de la victime. [...]
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