Responsabilité du fabricant, lien de causalité, cause d'exonération, connaissance des risques, provisions ad litem, produits de santé, Benfluorex, Mediator, diabète, ONIAM Office national d'indemnisation des accidents médicaux, Laboratoires Servier, Tenuate Dospan, Isome?ride, commercialisation, prescription, article 1245-10 du Code civil, cause d'exonération pour risque de développement, état des connaissances scientifiques, Directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux
En l'espèce, une personne a suivi plusieurs cures de Mediator® de 1998 à 2008 pour traiter un diabète non insulinodépendant. Considérant que ce dernier produit est à l'origine d'une double insuffisance mitrale et aortique de grade II, elle saisit, par acte du 3 février 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'ordonner une expertise et de condamner les Laboratoires Servier à lui verser une provision couvrant les frais de l'instance et les dommages subis, lequel fait partiellement droit à sa demande en désignant un expert, mais en limitant la provision demandée à la somme de 10.000 € pour les seuls frais d'instance. En appel, la Cour d'appel de Versailles confirme l'ordonnance du juge des référés, sauf sur le rejet de la demande de provisions sur les dommages qu'elle fixe, au regard des conclusions du rapport d'expertise, à la somme de 50.000 €. Les Laboratoires Servier forment un pourvoi à l'encontre de cet arrêt arguant que son obligation d'indemniser est sérieusement contestable. La première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi dirigé contre la Cour d'appel de Versailles aux motifs que (i) la cour d'appel a pu déduire du rapport d'expertise, en ligne avec l'avis rendu par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) dans le cadre d'une procédure amiable antérieurement engagée par la plaignante, qu'un lien de causalité entre cette pathologie et la prise du Mediator pendant dix années, à hauteur de 80 %, n'était pas sérieusement contestable ; (ii) au visa de l'article 1386-4, alinéas 1er et 2, du Code civil, le produit est défectueux dès lors qu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, de toutes les circonstances, et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation, ce qui n'implique pas la nécessaire connaissance du défaut et des risques par le producteur lors de la mise en circulation du produit ou de sa prescription.
[...] Autrement dit, les laboratoires ne sont pas jugés d'avance coupables, mais sont invités à la plus grande prudence dans leur packaging et leur promesse. La difficulté ici est le risque de dissuader toute recherche en faisant peser une responsabilité trop lourde sur les laboratoires. Ainsi, la première chambre esquisse la possibilité d'une issue pour les laboratoires (B.). B. Une possible cause d'exonération pour risque de développement ? La défectuosité future, autrement dit sa découverte décalée dans le temps, est un risque propre au développement, le domaine de la santé étant le plus touché compte tenu des intérêts en jeu. [...]
[...] En France, cette clause a été transposée par l'intégration de l'article 1386-13 du Code civil, dans sa nouvelle version issue de l'ordonnance du 10 février 2016, article 1245-10 du Code civil. En l'espèce, la Cour de cassation retient que ce moyen mélangé de fait et de droit ne peut être soulevé pour la première fois devant elle, mais n'écarte pas son possible bien-fondé. Pour mémoire, il a été jugé que l'invocation d'une cause d'exonération de responsabilité objective du fabricant constitue une contestation dont le sérieux doit être examiné par le juge des référés sans que puisse être exigée à ce stade l'évidence de la réunion de l'ensemble des conditions de l'exonération (Civ. [...]
[...] Certes, la victime s'était vue prescrire deux autres médicaments également retirés du marché́, l'Isoméride et le Tenuate Dospan, mais un rapport d'expertise judiciaire impute la pathologie à la prise du Mediator® et écarte l'implication des deux autres médicaments. Ainsi, la première chambre civile ne contredit pas la nécessité du caractère non sérieusement contestable de l'obligation, mais recherche dans les faits les fondements du caractère certain de l'implication du produit. Toutefois, la complexité de l'environnement de la santé et pharmaceutique rend ardue la preuve du caractère certain de l'implication d'un produit (B.). [...]
[...] Est- il légitime de reprocher à un fabricant de ne pas avoir été devin ? Est-il du devoir du fabricant d'anticiper les avancées médicales et pharmaceutiques pour identifier les risques éventuellement liés à ces produits alors même que la communauté scientifique en est incapable au moment de la circulation ? En l'espèce, la première chambre précise que la constatation par le juge du défaut du produit n'implique pas que le producteur ait eu connaissance de ces risques lors de la mise en circulation du produit ou de sa prescription. [...]
[...] Cour de cassation, Chambre civile février 2016, 15-11.257 - La responsabilité du fabricant peut-elle être retenue ? Un mouvement d'assouplissement des conditions de mise en œuvre de la responsabilité a été instauré pour les victimes de produits de santé par la Haute Juridiction. Par un arrêt rendu le 25 février 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation semble s'inscrire dans ce mouvement et admet la possibilité pour le juge des référés d'allouer une provision ad litem aux victimes du Benfluorex commercialisé sous le nom de Mediator®. [...]
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