Certaines situations favorisent des relations juridiques complexes : cumul de contrat, cumul des parties au contrat, et c'est ce que nous suggère l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation en date du 17 novembre 1982.
En l'espèce, une société s'engage auprès d'une autre société à se fournir exclusivement en produits pétroliers issus de la production de cette dernière, et ce, en contrepartie de deux prêts accordés à la société fournie par l'autre société.
Un particulier se porte caution du remboursement des prêts de la société débitrice. Plus tard, cette dernière vend son fonds de commerce à un particulier agissant pour le compte d'une société en formation. Cet acquéreur s'engage à se fournir exclusivement en produits issus de la production de la société créancière jusqu'à la date de retrait de l'autorisation administrative d'exploiter cette station service. La société débitrice a été mise en liquidation et la société créancière n'a touché aucun dividende lors de la clôture de la procédure collective. Celle-ci demande donc au particulier caution le remboursement des prêts. La caution appelle alors en garantie le représentant de la société en formation ainsi que cette société de la condamnation qui pourrait être prononcée contre lui envers la société créancière.
Le tribunal de commerce de Paris, le 18 juillet 1979, a prononcé la nullité du contrat de fourniture pour indétermination du prix et a condamné le particulier caution à rembourser à la société créancière le montant non amorti des prêts. De plus, il condamne les cessionnaires du fonds à garantir la caution de ses obligations.
La cour d'appel de Paris, le 6 novembre 1980, rend un arrêt confirmatif et précise qu'il y aurait enrichissement sans cause des cessionnaires s'ils ne remboursaient pas les prêts demandés à la caution.
Les cessionnaires forment donc un pourvoi en cassation.
Ils affirment tout d'abord que l'engagement de poursuivre l'exécution du contrat de fourniture n'implique pas l'engagement de rembourser un prêt, la cour d'appel aurait donc privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 1892 du code civil. De plus, le prix de vente doit être déterminé et désigné par les parties, ainsi si une cession de dette accompagne la vente du fonds de commerce, elle engendre une minoration du prix. La cour d'appel aurait alors violé l'article 1591 du code civil.
De plus, les juges du fond auraient violé l'article 2012 du code civil en affirmant que les cessionnaires doivent garantir la caution de sa condamnation alors que le contrat de fourniture, qui est l'obligation principale, est nul. La cour d'appel précise que le cautionnement est nul sur une obligation nulle mais les cessionnaires ne peuvent pas s'enrichir sans cause. Or, selon les demandeurs, si l'obligation est nulle, la caution n'est pas tenue de garantir les restitutions consécutives à l'annulation du contrat.
D'autre part, la cour d'appel aurait violé l'article 1371 du code civil en affirmant que l'enrichissement avait pour cause le contrat de vente.
Enfin, un lien de corrélation est nécessaire entre l'appauvrissement du demandeur et l'enrichissement de l'acquéreur, or l'appauvrissement de la caution résulte du fait qu'elle se soit laissée condamner à payer au créancier le solde des prêts anéantis, la cour d'appel aurait donc violé l'article 1371 du code civil.
La question se trouvait ainsi posée à la cour de cassation de savoir, d'une part, quelles relations y a-t-il entre un contrat de fourniture et un engagement à rembourser les prêts, d'autre part, de savoir dans quelles conditions le cautionnement couvre les obligations du contrat principal en cas d'annulation de celui-ci.
La cour de cassation rejette le pourvoi car, d'un part, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard des articles 1315 et 1892 du code civil puisque le contrat contient bien un engagement de fourniture mais aussi un engagement de rembourser les prêts et les cessionnaires s'étaient expressément engagés à exécuter le contrat souscrit par la société débitrice jusqu'à son terme. D'autre part, la cour de cassation affirme que, tant que les parties n'ont pas été remise en l'état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l'obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeure valable. Le cautionnement subsiste donc tant que l'obligation valable n'est pas éteinte.
Il convient d'analyser dans une première partie que le contrat de cautionnement nécessite l'existence d'une obligation valable (I), puis, nous verrons que la cour de cassation a su justifier une solution qui a vocation à s'étendre dans l'avenir (B).
[...] La cour de cassation a donc un raisonnement spécifique : comme l'obligation de restituer est une conséquence de l'existence du contrat de prêt, elle est donc elle aussi de nature contractuelle, c'est pourquoi la sûreté personnelle qu'est le cautionnement connaît un prolongement et s'étend à l'obligation de restitution. La cour de cassation retient donc une conception extensive de l'obligation en la qualifiant d' inhérente puisque cet adjectif semble correspondre à toutes les obligations qui naissent du contrat ou à l'occasion du contrat. Il faut d'ailleurs remarquer que l'ancien article 2036 évoque un autre effet du caractère accessoire du cautionnement. En effet, il dispose que la caution peut invoquer toutes les exceptions inhérentes à la dette du débiteur. [...]
[...] Un particulier se porte caution du remboursement des prêts de la société débitrice. Plus tard, cette dernière vend son fonds de commerce à un particulier agissant pour le compte d'une société en formation. Cet acquéreur s'engage à se fournir exclusivement en produits issus de la production de la société créancière jusqu'à la date de retrait de l'autorisation administrative d'exploiter cette station service. La société débitrice a été mise en liquidation et la société créancière n'a touché aucun dividende lors de la clôture de la procédure collective. [...]
[...] Une interrogation subsiste alors : la société cessionnaire pouvait elle se prévaloir de cet article ? En réalité, cet argument aurait certainement été voué à l'échec, en effet, l'obligation de restitution est de même nature que l'obligation principale qui était une obligation de prêt, de plus, les montants étaient également similaires. B. Une solution ayant vocation à s'étendre mais différente aujourd'hui Cet arrêt affirme pour la première fois qu'une caution doit répondre de l'obligation de restitution engendrée par l'annulation du contrat principal. [...]
[...] Ainsi, la cour de cassation s'est vue contrainte de procéder à un revirement de jurisprudence qui commencera avec un arrêt dit Alcatel du 29 novembre 1994 : les juges rejettent l'article 1129 et utilise l'article 1134, alinéa 3. L'aboutissement de cette évolution sera concrétisé par quatre arrêts de l'assemblée plénière de la cour de cassation du 1 décembre 1995 : la cour écarte toute référence à l'article 1129 et s'appuie sur la théorie de l'abus de droit. La jurisprudence considère donc que le prix n'est plus une condition déterminante de la validité du contrat mais qu'il reste un élément essentiel. [...]
[...] La cour de cassation répondra à ces critiques dans un arrêt du 11 octobre 1978. Bien qu'elle ne s'appuie plus sur le fondement de l'article 1591 du code civil, la cour continue d'annuler ces contrats pour indétermination du prix. Elle n'opère en réalité qu'un changement textuel puisqu'elle s'appuie désormais sur l'article 1129, elle affirme donc que il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quand à son espèce Cette solution a provoqué une controverse doctrinale, et c'est donc dans ce contexte qu'a été rendu l'arrêt du 17 novembre 1982 qui nous est soumis à étude. [...]
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