Il est traditionnellement admis qu'un contrat ne peut porter sur une liberté fondamentale reconnue à l'homme. Toutefois, certains problèmes se posent, relativement à l'exercice des professions libérales. C'est d'ailleurs sur ce point que la Cour de cassation a rendu, en sa première chambre civile, l'arrêt du 16 janvier 2007.
En l'espèce, le 7 juillet 1989, a été conclu un contrat septennal, renouvelable tacitement, entre la société gestionnaire de la maison de retraite privée « Les Cèdes » et la société civile professionnelle d'infirmières « X et autres… », aujourd'hui dénommée « Les Oliviers ». Aux termes de ce contrat, la SCP s'engage à exercer sa profession d'infirmier sur les pensionnaires de la maison de retraite nécessitant ce genre de soins. Tandis que l'autre partie s'engage à ne pas faire appel à d'autres infirmiers, sauf accord de la SCP ou volonté contraire du patient ; en contrepartie de quoi la SCP verse en dépôt la somme de 1 080 000 francs et s'engage à lui verser une redevance égale à 10 % de ses honoraires -redevance qui sera plus tard fixée à 13 500 francs mensuels. Suite à la conclusion de ce contrat, la SCP contracte un prêt de 1 080 000 francs à la CMPSM et verse cette somme en dépôt à son cocontractant. Enfin, les parties ont cessé toute collaboration en 1998.
[...] En effet, les choses contraires à l'éthique ou à la morale sont exclues du domaine du commerce juridique. Les choses portant atteinte aux droits fondamentaux sont ainsi exclues du commerce juridique. Or, on considère traditionnellement que la liberté, pour un client, de choisir son praticien, dans le cadre d'une profession libérale, fait partie de ces libertés dites fondamentales. En l'espèce, il s'agit de la pratique de la médecine. Étant une profession libérale, on considère logiquement qu'aucune convention ne peut porter sur cet exercice. [...]
[...] La Cour de cassation semble donc, par cet arrêt, élargir sa jurisprudence concernant la cession de clientèle libérale à des situations proches. Il conviendra donc de suivre cette évolution, afin de voir si cet arrêt initie un élargissement des hypothèses prises en compte par la Cour de cassation en ce domaine, ou si cet arrêt se révèle simplement un arrêt d'espèce, où la Cour de cassation assimile à une cession de clientèle une hypothèse extrêmement proche de celle-ci. [...]
[...] Droits fondamentaux et commerce : La nécessaire confrontation entre droits fondamentaux et commerce dans l'espèce soumise à la Cour de cassation, qui est relative à l'exercice de la profession médicale, pose le problème de l'atteinte au droit fondamental de choix du professionnel libéral Toutefois, ce problème n'invalide pas les conventions de cession de clientèle libérale Le problème de l'atteinte au droit fondamental de liberté de choix du professionnel libéral : L'article 1108 du Code civil impose, pour qu'un contrat soit valable, qu'il soit un objet ; mais aussi que celui-ci soit conforme aux lois et aux bonnes mœurs. En un mot, qu'il soit licite. Il convient donc de s'interroger sur la licéité, en l'espèce, de l'objet de la convention, qui est l'exercice privilégié des soins pratiqués par les infirmiers. Au sujet de la licéité, l'article 1128 impose que l'objet du contrat fasse partie du commerce juridique. L'exercice de la médecine appartient-il au commerce juridique ? C'est sur cette question que la Cour de cassation a dû se prononcer. [...]
[...] Par l'application de la jurisprudence de 2000, un tel objet du contrat est donc licite. C'est-ce que confirme la Cour de cassation, en affirmant qu'est valable la convention par laquelle une maison de retraite concède à titre onéreux l'exercice privilégié, dans ses locaux, des actes infirmiers sur ses pensionnaires Elle s'oppose ainsi à la Cour d'appel qui considérait que la cause, étant une cession de clientèle, était nulle par nature. La décision de la Cour de cassation parait à cet égard justifiée, puisqu'en accord avec sa jurisprudence récente. [...]
[...] Ces conventions consistaient, en quelque sorte, à contourner le droit. Face à ces pratiques, la jurisprudence a dû s'adapter ; et la Cour de cassation a dû revenir sur sa position historique, dans un arrêt, en sa première chambre civile, du 7 novembre 2000. En effet, dans cet arrêt, la Cour de cassation admet la cession de la clientèle libérale. Cependant, en l'espèce, la convention ne porte pas sur une quelconque cession de clientèle. Comme le remarque à juste titre la Cour d'appel, une maison de retraite n'est pas un établissement de soins Toutefois, il parait évident que l'on peut rapprocher, le fait de conférer une priorité d'exercice à une cession de clientèle. [...]
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