Par deux arrêts du même jour destinés à une très large diffusion, signe des arrêts dit « de principe », la deuxième chambre civile clarifie enfin sa position sur le fait de la chose inerte en exigeant de celle-ci une « anormalité ».
Depuis quelques années, la Haute juridiction avait en effet fait naître des doutes sur sa volonté de maintenir la condition d'anormalité de la position ou de l'état de la chose pour admettre son « rôle actif » dans la production du dommage ou, pour reprendre une expression qui, en dépit de son obscurité, semble avoir sa préférence depuis quelques temps, pour décider que la chose avait été « l'instrument du dommage ». C'est d'abord avec des décisions relatives à des portes ou parois vitrées que l'incertitude est née, la Cour de cassation se contentant de la constatation du bris de la vitre, dont les juges avaient pourtant relevé l'absence de dangerosité et d'anormalité, pour engager la responsabilité du gardien (Civ. 2e, 29 avr. 1998 ; 15 juin 2000). Puis vinrent plusieurs arrêts qui plongèrent les commentateurs, dont le soussigné, dans la perplexité, concernant une boîte à lettre qui débordait sur un trottoir (Civ. 2e, 25 oct. 2001), puis un plot délimitant un passage pour piéton sur une aire des stationnement d'un magasin à grande surface dont tout portait à croire, eu égard aux constatations des juges du fond, qu'il était dans une position parfaitement normale (Civ 2e, 18 sept. 2003).
[...] Neuf jours plus tard, une personne, en plongeant, glissa du sommet du tremplin et se blessa en tombant au droit du tremplin où l'eau était peu profonde. Une cour d'appel débouta la victime directe et ses proches de leurs demandes d'indemnisation. Le pourvoi contre cet arrêt est rejeté : les juges du fond retenaient que le tremplin avait été installé sur la plage, en limite du plan d'eau, afin de permettre aux utilisateurs de prendre leur élan en roulant avec leur VTT avant de retomber dans l'eau à une distance éloignée ; que la présence d'un tel tremplin n'avait rien d'insolite et d'anormal dans un lieu d'animation sportive ; qu'il ne présentait lui-même aucun caractère de dangerosité alors qu'il était d'une hauteur de 1 m et d'une largeur de 1,20 m ; que la victime, qui connaissait parfaitement les lieux et savait qu'il n'existait aucune profondeur au droit du tremplin, a détourné sciemment l'usage du tremplin qui ne présentait aucun risque dans le cadre de son utilisation normale. [...]
[...] Devant l'embarras et les inquiétudes exprimées par une doctrine critique, la Cour de cassation se devait de réagir en levant toute ambiguïté sur le sens de sa jurisprudence et en renouant avec la condition d'anormalité de la chose inerte. Elle le fit d'abord de façon discrète. Plusieurs arrêts récents, annonciateurs de ceux ici commentés, ont en effet manifesté l'intention de la Cour de ne pas renoncer à la condition d'anormalité. Ainsi un arrêt avait-il déjà censuré une décision qui avait refusé d'admettre qu'un sol ciré glissant avait été, au moins pour partie, l'instrument du dommage (Civ. 2e déc. 2003). [...]
[...] Et l'on peut admettre qu'une baie vitrée ne doive pas se briser au moindre heurt d'une personne. On préférerait toutefois considérer qu'il n'y a là qu'une présomption et autoriser le gardien à prouver que, malgré le bris de la vitre, sa fragilité ne serait pas en cause. On terminera ces observations en s'interrogeant sur l'incidence du fait ou de la faute de la victime. On observe en effet que, bien souvent, les juges font état d'énonciations tendant à montrer que le dommage est dû au comportement de la victime pour écarter le fait de la chose. [...]
[...] 2e févr Consorts Thisong et autres AXA assurances et autres, et Dayde GAN assurances et autres Par deux arrêts du même jour destinés à une très large diffusion, signe des arrêts dit de principe la deuxième chambre civile clarifie enfin sa position sur le fait de la chose inerte en exigeant de celle-ci une anormalité Depuis quelques années, la Haute juridiction avait en effet fait naître des doutes sur sa volonté de maintenir la condition d'anormalité de la position ou de l'état de la chose pour admettre son rôle actif dans la production du dommage ou, pour reprendre une expression qui, en dépit de son obscurité, semble avoir sa préférence depuis quelques temps, pour décider que la chose avait été l'instrument du dommage C'est d'abord avec des décisions relatives à des portes ou parois vitrées que l'incertitude est née, la Cour de cassation se contentant de la constatation du bris de la vitre, dont les juges avaient pourtant relevé l'absence de dangerosité et d'anormalité, pour engager la responsabilité du gardien (Civ. 2e avr ; 15 juin 2000). Puis vinrent plusieurs arrêts qui plongèrent les commentateurs, dont le soussigné, dans la perplexité, concernant une boîte à lettre qui débordait sur un trottoir (Civ. 2e oct. 2001), puis un plot délimitant un passage pour piéton sur une aire des stationnement d'un magasin à grande surface dont tout portait à croire, eu égard aux constatations des juges du fond, qu'il était dans une position parfaitement normale (Civ 2e sept. 2003). [...]
[...] D'ailleurs dans l'affaire de la porte vitrée, la Cour de cassation s'appuie sur la seule fragilité de la vitre pour retenir son anormalité sans reprendre les motifs de l'arrêt attaqué qui caractérisaient la cause étrangère exonératoire. Cela confirme opportunément que l'exonération est autre chose que l'appréciation du fait de la chose ; et que si le fait ou la faute de la victime peuvent avoir une incidence sur l'appréciation de l'anormalité, ils doivent, pour exonérer le gardien, présenter les caractères de la force majeure. [...]
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