Par un jugement du 29 juillet 2003, le juge des enfants a pris une série de mesures ayant trait à l'assistance éducative de deux mineurs X et Z, enfants des époux B. Le magistrat du siège du tribunal de grande instance a ainsi prononcé le renouvellement du placement de ces deux mineurs au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) de l'Ariège, suspendu le droit de visite des parents et autorisé le maintien de leur scolarisation en instituts spécialisés.
Puis par une ordonnance du 5 février 2004, le juge des enfants a rejeté la demande des époux B relatif au droit d'hébergement de leurs enfants X et Z.
Ayant interjeté appel, la Cour d'appel de Montpellier a rendu le 28 juillet 2004 un arrêt confirmatif des décisions de 1ière instance, excepté celle relative au droit de visite des époux B, qui pourra être exercé sous certaines conditions (à raison de 2h par mois, et en présence d'un éducateur, etc.).
Non content de ces solutions, les époux B ont décidé de former un pourvoi en cassation, motivé par de nombreux moyens, dont seul le premier relatif à la procédure de consultation du dossier d'assistance éducative retiendra notre attention.
Les époux B reprochent ainsi à l'arrêt attaqué de n'avoir pas respecté le principe du contradictoire et l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (ConvEDH) en écartant leurs demandes de délivrance d'une copie intégrale du dossier d'assistance éducative.
Dès lors, peut-on considérer qu'un jugement pris dans le cadre de l'assistance éducative doit être censuré pour violation du principe du contradictoire et de la ConvEDH (article 6-1) si la partie défenderesse n'a pu se faire remettre une copie intégrale du dossier d'assistance éducative ?
Autrement reformulé, est-ce que les parents d'enfants faisant l'objet de mesures d'assistance éducative ont un droit à se faire remettre l'intégralité leur dossier ?
La 1ière chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt de rejet du 28 novembre 2006, répond par la négative à ces questions de droit.
La haute Cour affirme que, conformément à l'article 1187 du nouveau code de procédure civile (NCPC), les époux B ont eu à plusieurs reprises la possibilité de»consulter le dossier au greffe». Dès lors, cette procédure de consultation, tendant à «assurer la protection due à l'enfant», ne viole pas le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable résultant de la ConvEDH (article 6-1).
Si les autres moyens de cet arrêt présentent un intérêt résiduel , celui relatif à la conformité de l'article 1187 du NCPC à la ConvEDH soulève une problématique qui a déchaîné les passions de la doctrine, et qui pourrait bientôt déchaîner les foudres de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CourEDH) : à savoir l'application du principe du contradictoire dans la procédure d'assistance éducative.
Il parait d'ores et déjà nécessaire de rappeler l'esprit de l'assistance éducative qui, dans la gradation du contrôle de l'exercice de l'autorité parentale effectué par l'état, s'avère la moins sévère.
En effet, contrairement au retrait de l'autorité parentale, l'assistance éducative n'a pas pour finalité de sanctionner la faute des parents, mais de les aider en les associant aux mesures prises dans l'objectif de reprendre en main l'éducation d'un enfant dans une situation de danger.
Ainsi, si la procédure de consultation du dossier d'assistance éducative a été jugée conforme au droit à un procès équitable de par les spécificités qu'elle requiert (I), elle n'en n'est pas moins incohérente et ne demeure pas à l'abri d'une future sanction par la Cour de Strasbourg (II).
[...] La solution posée par la haute juridiction n'est donc pas dénuée de toutes justifications, et la singularité des mesures d'assistance éducative peut pousser à s'interroger sur l'opportunité d'appliquer les règles procédurales de droit commun à une instance qui est moins un jugement du comportement des parents qu'une évaluation de la situation d'un enfant. Dès lors, la spécificité des mesures d'assistance éducative et la protection due à l'enfant qui en découle sont considérées, par la haute Cour, comme un motif légitime ne s'opposant pas au principe du contradictoire et à l'article 6-1 de la ConvEDH. Pourtant la doctrine demeure encore dubitative quant à la pertinence de l'article 1187 du NCPC, et par voie de conséquence, de la solution posée par l'arrêt du 28 novembre 2006. [...]
[...] Mais la CourEDH n'est pas dupe et risque bel et bien de sanctionner la non- conformité de l'article 1187 du NCPC à l'article 6-1 de la ConvEDH. En effet, le décret du 3 décembre 2002 et le droit de consulter les pièces du dossier qu'il admet, met la partie défenderesse dans une situation d'infériorité manifeste en la privant du droit à un débat contradictoire équitable. Or comme l'article 6-1 de la ConvEDH l'indique «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement». [...]
[...] Si une telle supposition n'est pas acquise[10], elle n'en demeure pas moins incohérente. Pourquoi s'opposer à ce que des parents puissent disposer d'une copie dudit dossier alors qu'il est parfaitement admis qu'ils puissent le consulter au greffe du tribunal de grande instance ? Si la lecture du dossier peut réellement mettre en péril l'intérêt de l'enfant, il faudrait logiquement interdire, de manière générale, l'accès à ces informations. Il serait d'ailleurs, dans cette hypothèse, d'autant plus opportun de rendre la représentation par un avocat obligatoire. [...]
[...] 1ière, rejet novembre 2006[1] Par un jugement du 29 juillet 2003, le juge des enfants a pris une série de mesures ayant trait à l'assistance éducative de deux mineurs X et enfants des époux B. Le magistrat du siège du tribunal de grande instance a ainsi prononcé le renouvellement du placement de ces deux mineurs au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) de l'Ariège, suspendu le droit de visite des parents et autorisé le maintien de leur scolarisation en instituts spécialisés. [...]
[...] - Soit la partie demanderesse aura recours à un avocat, ce dernier se fera alors remettre une copie du dossier d'assistance éducative en vertu de l'alinéa 1ier de l'article 1187 du NCPC. Il pourra alors prendre le temps d'étudier les faits reprochés à son client et mettre au point une défense plus à même de répondre à ses intérêts. D'autre part, rien ne l'empêchera, en pratique, de passer outre l'interdiction prévue au même alinéa de lui communiquer ces pièces. - A contrario, une personne faisant l'objet d'une mesure d'assistance éducative peut, pour diverses raisons notamment pécuniaires, se trouver dans l'obligation de se défendre par ses propres moyens. [...]
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