Selon Pierre Sirinelli, Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), « Certaines solutions jurisprudentielles contribuent indiscutablement à la progression de la réflexion relative à la propriété littéraire et artistique ». Parmi ces solutions se trouve celle de l'arrêt du 13 juin 2006 de la Première Chambre civile de la Cour de cassation, relative à la protection de la fragrance d'un parfum.
En l'espèce, une conceptrice de parfum (Madame X) revendique, après son licenciement, une indemnisation pour les parfums qu'elle a élaborés pour son employeur, sur le fondement du droit des brevets ou, subsidiairement, sur celui du droit d'auteur.
La Cour d'appel de Versailles, par un arrêt du 5 mars 2002, rejette cette prétention au motif que les « inventions » dont elle se prévaut ne relèvent pas de la protection du droit d'auteur.
Devant cette décision, Madame X décide de se pourvoir en cassation. Elle estime d'une part « que les dispositions du Code de la propriété intellectuelle protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite, la destination » et, d'autre part, que « le même code prévoit une liste non exhaustive de ce qu'il considère notamment comme des oeuvres de l'esprit ». La fragrance d'un parfum (c'est-à-dire son odeur), création intellectuelle, peut donc, sous réserve d'être originale, être considérée comme une oeuvre de l'esprit protégée par le droit d'auteur (...)
[...] Il semble en effet que pour créer une œuvre dans ces différentes catégories, une part de savoir-faire soit indispensable (MM Lucas, Traité de la Propriété Littéraire et Artistique 2ème édition, LITEC n°67). Dès lors, le fait pour la Cour de cassation de ne pas reconnaître à la fragrance d'un parfum la protection du droit de l'auteur, sous prétexte qu'elle ne procède que de la simple mise en œuvre d'un savoir-faire ne serait pas réellement concevable. Toutefois, aussi attirante soit elle, cette théorie doit être relativisée. [...]
[...] Cette remarque est d'une importance certaine, puisque l'arrêt de principe du 13 juin 2006 refuse fermement que la fragrance d'un parfum puisse être considérée comme une œuvre de l'esprit et donc qu'elle puisse être protégée par le droit d'auteur. Mais ce refus catégorique de la Première Chambre civile ne sera pas forcément la position tenue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Aussi convient-il d'attendre la position de cette dernière pour savoir si les juges de la Haute Cour iront tous dans le même sens, ou si des distorsions jurisprudentielles se dessineront sur cette question épineuse de la protection des fragrances de parfum. [...]
[...] Si la Cour de cassation, par son arrêt du 13 juin 2006, a refusé de reconnaître un droit d'auteur sur une fragrance de parfum, il est possible que ce soit pour des raisons pratiques. Ainsi, si les juges avaient décidé que cette fragrance était une œuvre de l'esprit qui était donc protégée par le droit d'auteur, le premier problème aurait été de prouver l'originalité de l'œuvre. Cette originalité peut être définie comme l'expression de la personnalité de l'individu créateur dans l'œuvre (en ce sens : J-M Mousseron, J. [...]
[...] Toutefois, malgré ces diverses possibilités offertes aux nez pour protéger leurs fragrances, et malgré une jurisprudence claire qui estime que la fragrance d'un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d'un savoir-faire, ne constitue pas [ ] une forme d'expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l'esprit par le droit d'auteur certains juges du fond ont décidé de prendre à contre pied le principe édicté par la Cour de cassation dans cet arrêt du 13 juin 2006. B Le refus de certains juges du fond de se conformer à la décision de principe de la Cour de cassation. Depuis l'arrêt du 13 juin 2006, quelques décisions de fond font montre d'une vraie résistance face à la position de principe retenue par la Cour de cassation. [...]
[...] Ce n'est pas la première fois qu'est abordée par la doctrine et les juridictions nationales, la question concernant la protection de la fragrance d'un parfum. L'idée de protéger une telle odeur est parvenue devant la Cour d'appel de Paris en 1975 (CA Paris juillet 1975). A l'époque cette idée fût rejetée par les juges du fond qui estimaient qu'« une technique industrielle permettant d'obtenir un produit ne peut, même si elle n'est pas brevetable, bénéficier d'un droit de propriété artistique Cette décision, la première du genre, a rapidement été critiquée par une partie de la doctrine et plus particulièrement par Jean- Pierre Pamoukdjian (Jean-Pierre Pamoukdjian, Le droit du parfum L.G.D.J, 1982). [...]
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