Depuis la consécration du principe général de responsabilité du fait des choses et en particulier depuis l'arrêt fondamental de 1930, Jand'heur, la jurisprudence a constamment réaffirmé que cette responsabilité n'est pas attachée aux choses elles-mêmes mais à leur garde. Pour engager une action en responsabilité sur ce fondement, il est dès lors nécessaire de rechercher l'identité de l'agent exerçant le pouvoir de garde sur la chose qui a causé le dommage et contre qui l'action sera dirigée.
Les rédacteurs du Code civil, qui n'avaient pas envisagé la possibilité pour un sujet de droit d'être responsable du fait d'une chose que dans le cas très spécial des animaux ou des bâtiments en ruine, n'ont de fait pas défini cette notion de garde. Il est donc revenu à la doctrine et à la jurisprudence d'en proposer une définition et c'est celle qui a été proposée dans la décision Franck contre Connot qui nous est soumise, rendue par les Chambres réunies de la Cour de cassation en date du 2/12/1941, qui a été entérinée en droit positif.
En l'espèce, dans la nuit du 24 au 25/12/1929, une voiture appartenant au docteur Franck et qu'il avait confié à son fils Claude, alors mineur, a été soustraite frauduleusement par un individu demeuré inconnu, dans une rue de Nancy où Claude Franck l'avait laissée en stationnement. Au cours de la même nuit et dans les environs de Nancy, cette voiture a renversé et blessé mortellement un facteur, Mr Connot.
[...] Il convient de souligner que les fondements qui sous-tendent ces deux thèses sont à l'opposé les uns des autres puisque la garde juridique est fondée sur une responsabilité objective basée sur le fait, le risque : puisque le propriétaire a la jouissance d'une chose, sa responsabilité peut être engagée, du fait de cette qualité et en dehors de sa faute, pour le risque que cette chose fait encourir à autrui. La garde matérielle est fondée sur une responsabilité subjective, basée sur la faute: on fait peser la responsabilité sur celui qui est en mesure de surveiller la chose et sur lequel on peut raisonnablement faire peser une présomption de méconnaissance de son devoir de garde, une faute. Voyons maintenant pour quelle solution ont opté les Chambres réunies de la Haute juridiction. [...]
[...] Les Consorts Connot ont demandé réparation de leur préjudice du fait de la mort de Mr Connot au docteur Franck sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1. Une décision d'appel exonère le propriétaire, le docteur Franck, des conséquences de l'accident causé par sa voiture volée, car la garde a été transférée au voleur et que l'accident n'est pas la conséquence d'un abandon supposé fautif au sens de l'article 1382. Cette décision est cassée par un arrêt de la Chambre civile de la Cour de cassation du 3/03/1936 pour violation des articles 1382 et 1384 du Code civil et de l'article 7 de la loi du 20/04/1810 au motif que la CA a exonéré le propriétaire alors qu'il en reste le gardien et qu'il ressort des faits que le propriétaire n'avait pas pu se décharger de la garde juridique du véhicule qu'en manquant à son obligation de gardien et qu'il s'agit d'un quasi-délit. [...]
[...] Dans un arrêt de la 2éme Chambre civile de la Cour de cassation du 18/12/1964, il a été décidé que "une obnubilation passagère des facultés intellectuelles . n'est pas un événement susceptible de constituer une cause de dommage extérieure ou étrangère au gardien". Ultérieurement, la loi du 3/01/1968 qui a inséré dans le Code civil un article 489-2 sur la responsabilité des personnes atteintes de troubles mentaux, est venue retirer toute condition d'imputabilité de la faute, s'inscrivant ainsi clairement dans une perspective de responsabilité objective. [...]
[...] La conception matérielle de la garde fondée sur la responsabilité subjective est donc néanmoins maintenue. Ainsi, un préposé, le plus souvent un salarié, ne peut jamais être gardien, car la subordination à laquelle il est soumis l'empêche de prendre la direction de la chose, la garde est maintenue au commettant, le plus souvent un employeur ( Civ. 2éme, 1/04/1998 La direction représente le pouvoir de guider la chose, le fait de la toucher ou prendre appui sur elle n'établit pas la garde ( Civ. [...]
[...] Arrêt Franck contre Connot, Chambres réunies de la Cour de cassation décembre 1941 Depuis la consécration du principe général de responsabilité du fait des choses et en particulier depuis l'arrêt fondamental de 1930, Jand'heur, la jurisprudence a constamment réaffirmé que cette responsabilité n'est pas attachée aux choses elles-mêmes, mais à leur garde. Pour engager une action en responsabilité sur ce fondement, il est dès lors nécessaire de rechercher l'identité de l'agent exerçant le pouvoir de garde sur la chose qui a causé le dommage et contre qui l'action sera dirigée. [...]
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