Traditionnellement, la faute civile non intentionnelle devait comprendre un élément objectif (une erreur de conduite) et un élément subjectif (la faculté de discernement permettant à une personne de comprendre la portée de ses actes). Ainsi, deux types de personnes étaient souvent déclarés irresponsables civilement, car inconscients de leurs actes : les déments et les jeunes enfants. Cependant, l'objectif d'indemnisation des victimes a entraîné une objectivation de la faute civile, par le législateur en ce qui concerne les déments (Loi du 3 janvier 1968) et par la jurisprudence en ce qui concerne l'infans (par un revirement de jurisprudence en 1984).
Dans quelle mesure cet arrêt de la chambre criminelle du 14 juin 2005, témoigne-t-il des conditions d'application de la jurisprudence de 1984 relativement à la responsabilité personnelle de l'infans, retenue pour diminuer son droit à réparation ?
Cet arrêt s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence constante depuis 1984 en retenant la faute objective de l'infans sans discernement. Cependant, en utilisant l'appréciation du lien causal entre la faute de l'infans et le dommage, la Cour de cassation parvient à écarter la responsabilité personnelle de l'infans retenue pour réduire son droit à réparation.
[...] Dans quelle mesure cet arrêt de la chambre criminelle du 14 juin 2005, témoigne- t-il des conditions d'application de la jurisprudence de 1984 relativement à la responsabilité personnelle de l'infans, retenue pour diminuer son droit à réparation? Une enfant âgée de 3 ans et demi, qui s'était introduite dans le tunnel d'un appareil de lavage de véhicules automobiles dont l'accès était interdit par un panneau, a eu le pied gauche arraché par un engrenage. La Cour d'Appel d'Aix en Provence avait partagé la responsabilité du dommage entre l'infans, qui avait commis une faute objective en pénétrant dans un tunnel en présence d'un panneau d'interdiction, et le gérant de la société exploitant l'appareil qui n'avait pas pris les mesures de sécurité nécessaires pour éviter le dommage ; et condamne donc le gérant à réparer pour moitié seulement le dommage résultant de l'infraction. [...]
[...] Dans l'une des espèces, la faute d'un garçon de 13 ans qui s'était électrocuté, est retenue contre lui afin de diminuer la réparation due par le tiers responsable. Dans l'arrêt du 14 juin 2005, la cour d'Appel d'Aix en Provence n'a donc fait qu'appliquer cette jurisprudence établie en 1984. Cette jurisprudence est par ailleurs constante, comme le démontre un arrêt de la chambre civile du 28 février 1996 qui réaffirme dans son chapeau l'indifférence du discernement pour établir la faute d'un jeune enfant. [...]
[...] En effet, selon la théorie de l'équivalence des conditions, tout évènement sans lequel le dommage ne serait pas survenu est considéré comme cause. Dans cette perspective, le dommage ne se serait pas produit si le gérant avait mis en service un matériel conforme aux normes de sécurité. Mais le dommage ne se serait pas non plus produit si la jeune victime ne s'était introduite dans le tunnel marqué d'un signe d'interdiction. Ces deux évènements, qui semblent être des conditions sine qua non de la réalisation du dommage, pourraient donc être considérés comme des causes du dommage. [...]
[...] Esmein, les juges établissent souvent le lien causal par sentiment (Le nez de Cléopatre ou les affres de la causalité D.1964) Il paraît possible de penser que la chambre criminelle, dans cet arrêt du 14 juin 2005 a également apprécié le lien causal en équité afin de permettre à la jeune victime une entière indemnisation. Cependant, la chambre criminelle aurait pu également se baser sur le terrain de la caractérisation de la faute pour censurer l'arrêt. En effet, vu le très jeune âge de la victime, la Cour de cassation aurait pu retenir l'argument du deuxième moyen du pourvoi pour soutenir que le comportement de l'infans ne constituait pas une faute in abstracto par rapport au comportement d'une autre enfant du même âge et permettre ainsi son entière indemnisation. [...]
[...] C'est en se fondant uniquement sur ce troisième moyen que la Chambre criminelle casse et annule l'arrêt de la Cour d'Appel. Ainsi, cet arrêt s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence constante depuis 1984 en retenant la faute objective de l'infans sans discernement Cependant, en utilisant l'appréciation du lien causal entre la faute de l'infans et le dommage, la Cour de cassation parvient à écarter la responsabilité personnelle de l'infans retenue pour réduire son droit à réparation La responsabilité personnelle de l'infans sur le fondement de la faute objective La CA avait jugé que la faute d'un mineur peut-être retenue à son encontre même s'il n'est pas capable de discerner les conséquences de son acte ou le caractère dangereux d'une chose reprenant ainsi la jurisprudence établie par les arrêts d'Assemblée Plénière Lemaire et Derguini du 9 mai 1984 La Cour de Cassation ne remet pas ici en cause cette appréciation de la faute civile de l'infans qui fait pourtant l'objet de virulentes critiques doctrinales Une jurisprudence bien établie depuis 1984 La jurisprudence concernant la responsabilité personnelle de l'infans avant 1984 Traditionnellement, afin d'établir la faute du jeune enfant, il fallait la réunion d'un élément objectif (un acte illicite) et un élément subjectif (le discernement permettant de comprendre la portée de ses actes). [...]
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