La caution n'ayant pas vocation à supporter la dette à titre définitif , elle doit bénéficier de recours efficaces. Elle est donc libérée lorsque le créancier, par sa faute, perd un droit qui ne pourra plus lui bénéficier dans le cadre de son recours subrogatoire , c'est le « bénéfice de subrogation » prévu à l'article 2037 du Code civil. Une question fait toutefois débat : le fait de ne pas exercer d'une faculté peut-il être qualifié de faute au sens de ce texte ? La question ayant reçu en jurisprudence des réponses divergentes, la Chambre mixte de la Cour de cassation fut amenée à se prononcer le 10 juin 2005.
Une banque accorde un prêt à une société pour qu'elle finance l'acquisition de matériel d'outillage et d'équipement. Afin de s'assurer du remboursement du prêt, la banque se fait consentir deux sûretés : un cautionnement et un nantissement sur le matériel acheté.
La société débitrice est placée en liquidation judiciaire, la banque assigne alors la caution en paiement. A cette demande, la caution oppose le bénéfice de subrogation. Selon elle, le créancier a accordé la mainlevée de son nantissement dans le cadre de la procédure de liquidation du débiteur, alors qu'il aurait pu demander l'attribution judiciaire des biens gagés. Il aurait donc commis une faute de nature à libérer la caution.
Les juges de première instance font droit à la banque, mais au stade de l'appel un arrêt infirmatif rejette ses prétentions en libérant la caution sur le fondement de l'article 2037 du Code civil.
La banque se pourvoit en cassation. Elle n'avait pas de droit de rétention sur les biens nantis, de sorte qu'elle n'a pas commis de faute en ne le faisant pas valoir lors de la procédure de liquidation du débiteur.
En outre, la banque soutient que le fait de ne pas demander l'attribution judiciaire des biens nantis ne constitue pas une faute puisqu'elle n‘avait pas d'obligation de le faire. Les juges du second degré auraient donc libéré la caution sans que l'existence d'une faute imputable au créancier soit établie.
La question qui se posait à la Cour de cassation était la suivante : Le créancier gagiste garanti par un cautionnement commet-il une faute envers la caution au sens de l'article 2037 du Code civil lorsqu'il ne demande pas l'attribution judiciaire de son gage ?
Dans un attendu particulièrement concis, les Hauts magistrats rejettent le pourvoi : en renonçant au bénéfice du gage, le créancier a bien commis une faute de nature à libérer la caution.
La question ici posée a reçu des réponses contradictoires en jurisprudence. La Chambre mixte a donc été saisie pour trancher et fixer la « doctrine » de la Cour. Sa décision, loin d'unifier de façon certaine la position des différentes chambres, suscite de profondes divergences d'interprétation. Celui qui y cherche une solution de portée générale sera déçu (I), mais pourra se risquer y rechercher quelques éléments de réponse et de réflexion (II).
[...] Et son préjudice est égal à la différence entre ce qui est payé au créancier et ce qu'il aurait obtenu en se faisant attribuer le bien. Les conditions de l'article 2037 sont réunies (reste la question de la faute du créancier). Si au contraire le créancier se fait attribuer le bien, la caution perd un droit, le gage, mais son obligation est corrélativement réduite de sorte qu'elle ne justifie d'aucun préjudice. Sa libération est alors exclue. Civ., 1ère 8 juillet 2003, inédit, de pourvoi 01-03177. P. Crocq, Droit des sûretés (chronique), D p.2087. X. [...]
[...] L'arrêt étudié ne dément pas cette explication (sans pour autant l'affirmer). La banque énonçait qu'elle n'avait pas, d' obligation de solliciter l'attribution judicaire Si la décharge de la caution est confirmée par la Chambre mixte, elle ne relève pas pour autant l'existence d'une obligation à la charge du créancier. Cependant, on doit noter que le fait d'admettre que le refus d'exercice d'une faculté puisse être fautif porterait atteinte à la spécificité de cette notion. Relativité des notions de faculté et d' obligation La seconde façon de sanctionner le refus d'attribution du gage est de considérer que la présence de la caution suffit pour ériger en obligation ce qui n'est qu'une simple faculté de sorte que le fait de ne pas demander cette attribution serait bien la violation d'une obligation, c'est- à-dire une faute. [...]
[...] Delpech, note sous Ch. Mixte juin 2005, D. Aff p.1773. Com octobre 1996, Bull. Civ. IV. n°255. Com décembre 2001, D Somm. p.342, note crit. D. R. Martin. [...]
[...] Delpech, note précitée. [...]
[...] Elle est antérieure au revirement de la Chambre commerciale du 13 mai 2003. Après que ce revirement ait reçu l'aval d'une Chambre mixte, on peut penser, apparemment en accord avec la doctrine, que la notification de la cession va s'imposer au créancier bénéficiant d'un cautionnement. La notification est en effet une formalité très simple, et selon certains, le créancier doit être sanctionné dès lors qu'il n'a pas agi au mieux des intérêts de la caution, alors que ne pesait sur lui d'autres contraintes que le mouvement de sa volonté Ainsi, la portée de l'arrêt étudié serait non négligeable. [...]
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