Le 12 août 1976, les époux X ont vendu aux époux Y, par acte sous seing privé, un immeuble avec paiement échelonné du prix. Le 2 juin 1988, ces premiers ont alors, par acte notarié, procédé a la donation de ce même immeuble au profit de leur fils, sachant que la réitération de la promesse de vente n'était toujours pas intervenue entre les propriétaires et les époux Y.
Ces derniers ont alors agi en annulation et en inopposabilité de la donation sur le fondement de l'action paulienne. C'est alors Mme A, suite au décès de son mari, M Y, qui a repris l'instance.
Par deux arrêts rendus le 26 avril 2001 et le 21 novembre 2002, la Cour d'appel de Versailles a débouté Mme A de sa demande fondée sur l'action paulienne, en se prévalant que l'article 1167, relatif a cette action, n'était pas applicable puisque Mme A n'était titulaire d'aucune créance et « que s'agissant d'un conflit qui n'oppose pas un créancier a son débiteur, mais qui a trait a la propriété d'un bien ayant fait l'objet de deux mutations successives de la part de son propriétaire initial, il doit se résoudre par application des règles régissant la publicité foncière».
Mme A décide alors de former un pourvoi en cassation pour obtenir l'annulation de ces deux arrêts reconnaissant la validité de la donation.
La question qui se pose est de savoir si l'action paulienne est recevable dès lors qu'elle a pour finalité de résoudre un conflit issu de la mutation successive d'un même bien de l part de propriétaire initial au mépris dune promesse de vente antérieure et cela alors même qu'aucune insolvabilité n'est à déplorer ?
Par l'arrêt d'espèce du 6 octobre 2004, la troisième chambre civile répond par la positive en considérant que, même si le débiteur est solvable, l'action paulienne peut être invoquée a partir du moment où la donation a « eu pour effet de rendre impossible l'exercice du droit spécial dont disposait le créancier sur la chose aliénée ».
[...] Il ressort de la solution rendue le 6 octobre 2004 que le critère d'insolvabilité du débiteur ne constitue pas un élément nécessaire pour admettre l'action paulienne cependant une condition existe puisque dans l'arrêt le créancier ne bénéficie pas d'un droit de gage général mais il bénéficie d'un droit spécial. L'absence d'exigence de ce critère n'est cependant pas nouvelle puisqu'en effet la chambre sociale avait déjà reconnu la possibilité d'écarter le critère d'insolvabilité en présence d'un droit spécial, dans un arrêt du 19 décembre 1941. [...]
[...] En effet la mise en œuvre de cette action dans un but de protéger les époux Y parait contestable du fait que ces derniers avaient omis pendant plus de douze ans de réclamer la réitération de la promesse de vente. Par ailleurs on aurait éventuellement pu appliquer les règles de la publicité foncière en admettant alors que la donation ayant été faite au profit du fils des propriétaires, ce premier avait surement connaissance, en tant que membre de la famille, de l'existence de la promesse passée auparavant a l'égard des époux Y. [...]
[...] La cour d'appel ne fait donc que mettre en pratique, par ses deux arrêts de 2001 et 2002, le droit qui fait de l'action paulienne un attribut du droit général de gage qui ne confère au créancier aucun droit réel sur les biens du débiteur. Le rejet de la demande de Mme A fondé sur l'action paulienne trouve ainsi sa raison dans la nature de cette action qui ne peut alors pas s'appliquer a un conflit qui a trait a la propriété d'un bien ayant fait l'objet de deux mutations successives de la part de son propriétaire initial c'est à dire portant sur un droit réel. [...]
[...] En d'autres termes, l'action paulienne suppose que le créancier ait a l'égard de son débiteur un droit personnel c'est-à-dire une créance. Le droit de spécial évoqué par la Cour de cassation ne peut, d'après la Cour d'appel de Versailles, constituer un droit personnel puisqu'elle précise que Mme A ne justifie d'aucune créance et que, de surplus, le conflit en l'espèce ne constitue pas un conflit opposant un créancier a son débiteur La cour de cassation, en supposant que la promesse de vente valait vente, met en avant le caractère réel et non plus personnel du droit détenus par les époux Y sur l'immeuble ce qui justifie alors leur refus d'admettre comme recevable l'action paulienne étant donné qu'elle doit nécessairement reposer sur un droit de créance du créancier sur son débiteur. [...]
[...] II Une mise en œuvre surprenante l'action paulienne La Haute juridiction fait donc droit a la demande de Mme A fondée sur l'action paulienne. Cette solution parait alors surprenante étant donné que le conflit aurait pu être résolu par l'application des règles de la publicité foncière ce qui reflète alors une dénaturation réelle mais aussi critiquable opérée par les juges du fond A La mise à l'écart des règles relatives a la publicité foncière critiquable Les juges du fond refusent donc la recevabilité de l'action paulienne en précisant que le conflit en cause est un conflit qui a trait a la propriété d'un bien ayant fait l'objet de deux mutations successives de la part de son propriétaire initial En effet, en donnant l'immeuble a leurs fils, les époux X ont consenti une donation portant sur un objet déjà cédé étant donné qu'une vente, par acte sous seing privé, a eu lieu le 12 aout 1976 au profit des époux Y. [...]
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