Dans l'arrêt de rejet rendu le 23 juin 1993, la première chambre civile de la Cour de cassation se place de façon intéressante sur le terrain de l'extinction d'une obligation, et plus précisément sur la date d'appréciation de l'effectivité d'un paiement réalisé par virement.
En l'espèce, Mlle Nicolas vend un immeuble que l'acheteur paie au moyen d'une rente annuelle et viagère. Une clause du contrat prévoit qu'à défaut de paiement d'un terme de la rente à son échéance, une mise en demeure devra être prononcée pour rappeler cette clause et 30 jours après cette mise en demeure, la crédirentière pourra demander la résiliation du contrat. Les acheteurs ayant failli au paiement d'un terme de la rente, un commandement de payer leur a été délivré. Ceux-ci ont ordonné le virement de la somme litigieuse un jour avant l'expiration du délai de 30 jours qui leur été accordé. Cependant, le compte des époux qui avait reçu mandat par la créancière de recevoir cette somme n'a été crédité qu'après l'expiration du délai. La créancière a alors demandé la résiliation du contrat de vente. La cour d'appel de Nîmes, dans sa décision rendue la 11 mai 1989 a accédé à la demande de la crédirentière et a constaté la résolution de la vente. Les acheteurs se pourvoient en cassation contre cette décision. Ils fondent leur pourvoi sur la violation de l'article 1239 du code civil. Selon le pourvoi, ayant ordonné le virement un jour avant l'expiration du délai convenu, les acheteurs avaient satisfait au commandement prévu dans le contrat et, en outre, la date d'acquisition de la dette doit s'examiner en fonction de l'ordre de virement uniquement.
La Cour de cassation se trouve alors confrontée au problème suivant : l'obligation s'éteint-elle et le virement vaut-il paiement lorsque l'ordre de virement a été donné ? La Cour de cassation répond par la négative à cette question et rejette le pourvoi en estimant que le paiement était tardif car le virement ne vaut paiement que lorsque le compte du créancier, ou de celui ayant pouvoir de lui, est crédité.
La Cour de cassation prend uniquement en considération l'inscription du montant du virement au compte du bénéficiaire pour définir la date de paiement (I), dans un arrêt dont la portée peut être discutée au regard de l'adéquation de la solution retenue (II).
[...] Le paiement doit alors intervenir avant échéance. Cependant, ce principe connaît des atténuations dont la première est mise en avant dans cet arrêt : en effet, l'arrivée du terme ne constitue pas de plein droit le débiteur en demeure, celui-ci n'est juridiquement en retard qu'après mise en demeure. En l'espèce, la mise en demeure du débiteur a été prononcée, celui-ci est alors juridiquement en retard. Cependant, la clause résolutoire prévue au contrat ne peut être mise en œuvre que si le délai de 30 jours après la mise en demeure s'est écoulé. [...]
[...] La clause résolutoire du contrat de vente prévoyait que la crédirentière pouvait faire prononcer la résiliation de la vente. Une résiliation aurait conduit à supprimer le contrat pour l'avenir et aucune restitution n'aurait alors eu lieu. En revanche, la résolution efface rétroactivement les obligations nées du contrat et le créancier doit restituer ce qu'il a reçu, comme en dispose l'article 1183 du Code civil. Le choix de la résolution permet ainsi pour le débiteur de ne pas avoir à assumer le poids de la perte des prestations qu'il avait déjà payé en plus de la suppression du contrat de vente. [...]
[...] La Cour de cassation adopte peut-être cette solution stricte en considération du fait qu'il s'agit en l'espèce d'une rente viagère, qui demande un encadrement rigoureux spécifique. La solution retenue met néanmoins le débiteur dans une position délicate, celui-ci devant à l'avenir s'assurer que le compte du créditeur sera crédité avant l'expiration des délais prévus. Cette solution rigoureuse est d'autant plus étonnante que la jurisprudence tend à protéger les plus faibles, et devrait dans ce sens protéger le débiteur qui se trouve dans une position de faiblesse face au créancier. [...]
[...] Cette solution mène la Cour de cassation à suivre la décision de la cour d'appel et à souligner que le paiement étant tardif, la créancière a pu se prévaloir de la clause résolutoire contenue dans le contrat de vente. II/La portée de l'arrêt : une solution adéquate ? L'adéquation de la solution peut être discutée au regard de son caractère rigoureux qui connaît cependant des atténuations A/Une solution rigoureuse La solution adoptée par la Cour de cassation paraît rigoureuse pour le débiteur. [...]
[...] La prise en compte exclusive de l'inscription du montant du virement au compte du bénéficiaire pour définir la date de la réalisation du paiement La Cour de cassation souligne la nécessité de payer dans les délais prévus et affirme que le paiement n'est réalisé que lors de l'encaissement effectif Un rappel de la nécessité de payer dans les délais prévus En l'espèce, le couple débiteur ordonne le virement de la somme réclamée vers le compte du bénéficiaire, qui avait reçu mandat de percevoir cette somme. Celui qui paie, comme celui qui reçoit, est donc un mandataire. En principe, celui qui reçoit le paiement, l'accipiens, est le créancier, mais celui-ci peut, comme en l'espèce, habiliter un tiers à recevoir le paiement en lui donnant un mandat. De même, celui qui paie est en principe le débiteur, mais il peut aussi s'agir d'un mandataire, comme en l'espèce, lorsqu'on se trouve dans une indication de paiement. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture