La question du port de signes religieux s'est d'abord posée dans le cadre de l'enseignement public ; « secteur sensible compte tenu de la place centrale qu'occupe l'instruction dans l'idéal laïque » (E. Kolbert, commissaire du gouvernement). Mais cette question a été étendue à d'autres secteurs publics que celui de l'enseignement, comme c'est le cas en l'espèce.
Melle Ben Abdallah, contrôleur du travail affectée à la subdivision d'inspection du travail des transports de Lyon, s'est présentée à son service, la tête revêtue d'un foulard ; malgré les demandes répétées de son chef de service de retirer cet accessoire vestimentaire, la fonctionnaire lui a opposé un refus, et a par conséquent, refusé d'obéir à sa hiérarchie, au motif que cette coiffe constituait, selon ses propres termes, «une exigence de la conscience religieuse individuelle ».
Son administration a par conséquent, pris 2 décisions en date du 25 Janvier 2002 et du 30 Mai 2002, par lesquelles elle s'est vue infliger, une première fois, une suspension de ses fonctions avec conservation de son traitement, puis une seconde fois une exclusion temporaire de 15 jours avec sursis.
Mlle Nadjet Ben Abdallah conteste ces 2 décisions et demande au Tribunal administratif de Lyon l'annulation de ces deux arrêtés litigieux, au motif qu'ils seraient contraires à sa liberté de conscience; ces mesures étant justifiées, selon l'Administration, par son refus d'ôter le voile islamique qu'elle portait pendant le service, et ce, en dépit des demandes répétées de sa hiérarchie.
Dans son jugement du 8 Juillet 2003, le Tribunal Administratif de Lyon déboute la requérante de sa demande, et estime que ce fait est non seulement fautif, mais est aussi constitutif d'un manquement à l'honneur et refuse, pour cette raison, de faire bénéficier la fonctionnaire de l'amnistie.
Elle saisit alors la CAA de Lyon, et lui demande l'annulation du jugement du TA de Lyon la déboutant de sa demande d'annulation des arrêtés.
[...] Sur quelles bases le JA va pouvoir apprécier la nature et le caractère ostentatoire ? En l'espèce, on serait tentés de croire que c'est par sa nature très visible, que le port du foulard islamique, a un caractère très ostentatoire. Cela reviendrait à apprécier le caractère ostentatoire en fonction du degré de manifestation du signe religieux ; ainsi, plus le signe religieux est visible et plus il est ostentatoire, et inversement. Il convient de préciser que certains signes religieux auront nécessairement un caractère très ostentatoire, c'est le cas notamment du foulard islamique ; indirectement, les agents publics de confession musulmane se verront nécessairement sanctionner par une faute plus importante que les agents qui sont par exemple de confession catholique. [...]
[...] Il convient de constater que la CAA adopte une conception beaucoup plus restrictive de la liberté religieuse, que celle la CEDH ; en effet, cette dernière considère que la liberté religieuse consiste d'abord, en l'adhésion d'une opinion religieuse, puis, en la possible manifestation matérielle et extérieure de cette opinion; en d'autres termes, la CEDH estime que la liberté religieuse englobe à la fois, la liberté de conscience et la liberté d'expression (CEDH 2001 Dahlab contre Suisse). On perçoit bien, la distinction avec la CAA, qui ne voit dans la liberté religieuse que la liberté de conscience. Comment définir la liberté religieuse lorsque le JA et la Cour adoptent des conceptions divergentes ? [...]
[...] Il convient également de préciser que la liberté religieuse est reconnue de manière beaucoup plus large aux agents de droit privé qu'aux agents publics ; cela s'explique notamment par le fait que les agents publics sont soumis à un certain nombre d'obligations, dans le cadre de leur fonction, auxquelles ne sont pas soumis les agents du secteur privé ; c'est le cas notamment, dans l'hypothèse qui nous intéresse, du principe de laïcité et de son corollaire, le principe de neutralité. [...]
[...] Le raisonnement de la Cour conduit d'une part, à reconnaître l'existence d'une faute de service et d'autre part, la présence d'un manquement à l'honneur professionnel (II). La reconnaissance d'une faute de service Il convient de préciser, à titre liminaire, que la liberté religieuse est une liberté fondamentale au sens de l'article 9 2 de la CEDH : toute personne a droit à la liberté de pensée, conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé ( ) Etant une liberté fondamentale, elle en principe un caractère absolu, et les Etats se doivent de la respecter, seules des circonstances exceptionnellement graves pouvant restreindre l'exercice de cette liberté. [...]
[...] L'agent public est tenu de respecter des principes inhérents à la fonction publique, tels que les principes de laïcité et de neutralité. Il convient de préciser que le principe de laïcité est un principe de valeur constitutionnelle car il est explicitement inscrit dans l'article 1er de la constitution française ; le principe de neutralité, d'abord consacré en principe fondamental du SP (Conseil Constitutionnel 18 Septembre 1986), fait désormais parti des principes constitutionnels régissant le service public (Conseil Constitutionnel 23 Juillet 1996). [...]
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