La responsabilité n'est pas rattachée aux choses elles-mêmes mais à leur garde d'après une jurisprudence constante depuis un arrêt rendu en chambres réunies le 13 février 1930, dit arrêt « Jand'heur », posant ainsi une « présomption de responsabilité » du fait d'une chose. Depuis l'arrêt Franck rendu en chambres réunies par la Cour de cassation le 2 décembre 1941, le gardien se trouve défini comme celui qui a « l'usage, la direction et le contrôle de la chose ».
Cette considération objective a eu tendance à se subjectiver au cours de la jurisprudence, notamment par l'arrêt Trichard de la deuxième chambre civile du 18 décembre 1964, qui a considéré que l'obnubilation passagère des facultés mentales ne saurait, faute d'extériorité par rapport au gardien, constituer une cause étrangère exonératrice. Dès lors qu'il est considéré que le dément peut être gardien, qu'en est-il de l'infans, c'est-à-dire du jeune enfant pas encore pourvu de discernement ? L'arrêt de principe de l'assemblée plénière du 9 mai 1984, dit arrêt Gabillet, consacre la notion d'infans gardien, effectuant ainsi un revirement de jurisprudence considérable.
[...] La jurisprudence a également apporté une autre distinction au sein de la notion de gardien,d'abord doctrinale avec les propositions des frères Henri et Léon Mazeaud, puis avec l'arrêt Oxygène Liquide du 10 juin 1960, où la deuxième chambre civile a distingué entre la garde de la structure de la chose et la garde du comportement, ou encore entre la garde du contenant et la garde du contenu. En l'espèce une bouteille métallique contenant de l'oxygène liquide a explosé lors de son transport blessant deux employés. La Cour de cassation a considéré que le transporteur n'avait pas la possibilité d'empêcher la réalisation du préjudice et que dès lors le responsable était le fabricant. [...]
[...] L'article 1354-2 de l'Avant projet Catala, de portée uniquement doctrinal, propose de définir le gardien comme celui qui a la maitrise de la chose au moment du fait dommageable et précise que le propriétaire est prénommé gardien : l'arrêt Gabillet semble malheureusement bien encrer dans notre droit positif et il ne semble être question de revenir dessus. [...]
[...] Il ne fait pas de doute qu'un mineur adolescent puisse être gardien, mais ici la solution semble bien sévère vis-à-vis de l'infans. Vive l'assurance comme se sont exclamés les doyens Terré, Simler et Lequette. La conception du gardien s'objectivise dans le but d'une meilleure indemnisation des victimes. II. La conception objective du gardien dans une perspective d'indemnisation des .victimes L'arrêt Gabillet marque l'abandon de la conception subjective du gardien en considérant que un infans peut être gardien au profit d'une conception objective L'abandon de la conception subjective du gardien, au fil de diverses distinctions au sein même de la notion Petit à petit, la jurisprudence a considéré que l'enfant pouvait être responsable des dommages qu'il cause , puisqu'en général c'est en réalité l'assurance des parents qui indemnise la victime, alors que si sa responsabilité n'était pas retenue, le dommage de la victime ne pourrait pas être réparé. [...]
[...] Toutefois, la conception du gardien restait subjective, c'est-à-dire subordonnée à la condition du discernement du gardien de la chose. L'arrêt de la chambre civile du 28 avril 1947; dans un cas où un dément a blessé mortellement par balle un tiers, la Cour a considéré dans un célèbre attendu de principes que tant l'usage et les pouvoirs de direction et de contrôle, fondement de l'obligation de garde au sens de l'article 1384 alinéa 1er , que l'imputation d'une responsabilité présumée, impliquent la faculté de discernement ».Néanmoins, un premier revirement a été effectué en la matière avec l'arrêt Trichard de la deuxième chambre civile du 18 décembre 1964, où un homme au volant de sa voiture a blessé un autre, alors qu'au moment du dommage il était atteint d'une crise d'épilepsie, ce qui lui a permis d'être relaxé au plan pénal . [...]
[...] Ce qui paraît étrange, c'est que cette solution, certes plus avantageuse pour les victimes, a été consacrée en 1984, c'est à dire 13 ans avant l'arrêt Bertrand du 19 février 1997 qui a considéré que la responsabilité des pères et mères du fait de leurs enfants mineurs était de plein droit. Une enfant de 3ans devra-t-il payer toute sa vie une faute commise involontairement à cause d'une chose en sa possession au moment du fait dommageable? L'arrêt Gabillet est donc une bonne illustration du mouvement jurisprudentiel d'objectivation de la responsabilité. [...]
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