En ne permettant plus aux justiciables, à la suite d'une première décision, de saisir à nouveau un juge aux mêmes fins, l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation a érigé l'autorité de la chose jugée en gardienne de la célérité de la justice, bouleversant par la même toute la physionomie du procès civil.
Les faits à l'origine de l'espèce étaient remarquables par leur simplicité, il s'agissait en effet de deux frères héritiers de leur père, dont l'un se prétendant titulaire d'une créance de salaire pour avoir travaillé sans rémunération au service du défunt, avait assigné son frère co-héritier au paiement d'une somme d'argent sur le fondement d'un texte du Code rural. Après avoir été débouté par une décision passée en force de chose jugée au motif que l'activité professionnelle n'avait pas été exercée au sein d'une exploitation agricole, il avait formé une nouvelle demande sur le même objet mais sur le nouveau fondement de l'enrichissement sans cause.
Les juges du fond ont déclaré cette seconde demande irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée au motif que la cause est la même dès lors que les demandes successives tendent à obtenir une même indemnisation au titre du travail fourni pendant la même période, seul différant le moyen invoqué. Le demandeur soutenait dans son moyen qu'il n'y a identité sans cause que si les demandes successives sont fondées sur le même texte ou le même principe, ce qui n'était pas le cas en l'espèce de sorte que la cour d'appel aurait violé les articles 1351 du Code civil et 480 du Code de Procédure civile.
[...] Arrêt de l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation juillet 2006 En ne permettant plus aux justiciables, à la suite d'une première décision, de saisir à nouveau un juge aux mêmes fins, l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation a érigé l'autorité de la chose jugée en gardienne de la célérité de la justice, bouleversant par la même toute la physionomie du procès civil. Les faits à l'origine de l'espèce étaient remarquables par leur simplicité, il s'agissait en effet de deux frères héritiers de leur père, dont l'un se prétendant titulaire d'une créance de salaire pour avoir travaillé sans rémunération au service du défunt, avait assigné son frère co-héritier au paiement d'une somme d'argent sur le fondement d'un texte du Code rural. [...]
[...] L'Assemblée Plénière n'a sur ce point pas déçu en considérant sans ambiguïté dans l'arrêt d'espèce du 7 juillet 2006 que dans la mesure ou comme la demande dont elle était saisie tendait à obtenir le paiement d'une somme d'argent à titre de rémunération d'un travail prétendument effectué sans contrepartie financière la cour d'appel en a exactement déduit que le plaideur ne pouvait être admis à contester l'identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que la demande se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation L'Assemblée Plénière de la Cour de cassation vient ici rompre avec une traditionnelle assimilation de la cause au fondement juridique en l'élargissant à l'objet, elle semble prendre en compte une finalité, un but recherché par le plaideur sans se soucier du fondement juridique invoqué. La Cour de cassation fait donc prévaloir le moyen en englobant l'objet dans la cause de sorte à élargir la notion d'autorité de la chose jugée dans un but évident de célérité de la justice. [...]
[...] En élargissant la notion de cause et en imposant une concentration des moyens à la charge du demandeur, l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation par cet arrêt retentissant du 7 juillet 2006 pose un véritable renouvellement des critères de la chose jugée, bouleversant ainsi le procès civil. II/ La renaissance des critères de l'autorité de la chose jugée En étendant l'autorité de la chose jugée à la simple identité de la question litigieuse la Cour de cassation donne un nouveau visage au procès civil dans une logique contemporaine de responsabilisation des parties qui peut à certains égards cacher une véritable démission de l'office du juge De la suffisance d'une simple identité de la question litigieuse L'Assemblée Plénière de la Cour de cassation dans son arrêt du 7 juillet 2006 vient sans aucun doute renouveler les critères de l'autorité de la chose jugée en considérant la cause de l'article 1351 du Code civil comme l'ensemble des moyens invoqués par le demandeur. [...]
[...] Cette prééminence de l'objet que certains verront comme l'objet idéal de prophylaxie processuelle fait naître de facto une exigence de concentration des demandes à la charge des plaideurs. De l'exigence d'une concentration des moyens à l'obligation faite aux parties de fonder leurs prétentions en faits et en droit En retenant une conception extensive de la notion de cause qui engloberait en plus du fondement juridique l'objet de la demande, l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation impose aux plaideurs une concentration de leurs moyens. [...]
[...] Au fond, le principe posé par la Cour de cassation n'est pas illogique en ce qu'il oblige les conseils des parties à une analyse approfondie de la demande sous tous les aspects pour présenter aux juges sous la forme de demandes subsidiaires le cas échéant tous les moyens invoqués au soutien des prétentions du demandeur à l'instance. Ce qui a pu paraître en revanche surprenant et critiquable c'est la manière dont la Cour de cassation sous couvert d'interprétation s'efforce d'imposer cette concentration des moyens par le biais d'une Assemblée Plénière modifiant par la même le mode d'emploi de l'autorité de la chose jugée, mécanisme fondamental de la procédure civile. [...]
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