« La vocation même de l'autorité de la chose jugée est d'éviter que l'on reprenne un procès terminé par une décision » (Henri Motulsky). Cependant la délimitation de cette autorité de chose jugée peut s'avérer problématique et donne libre cours aux interprétations fluctuantes d'une doctrine et d'une jurisprudence hésitantes.
L'arrêt de revirement rendu par l'assemblée plénière de la cour de cassation le 7 juillet 2006 en est une illustration.
En l'espèce, le demandeur assigne son frère en paiement d'un somme d'argent, et ce sur le fondement de l'enrichissement sans cause. La même demande faite sur le fondement d'une créance de salaire avait déjà donné lieu à un jugement.
La cour d'appel d'Agen, par un arrêt rendu le 29 avril 2003, accueille la demande de fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée estimant que la demande originaire et la demande dont elle était saisie était formées entre les mêmes parties et tendaient toutes deux au même paiement.
Le demandeur fait grief à la cour d'appel d'avoir admis la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au motif que l'identité de cause n'a lieu que si les demandes successives sont fondées sur le même texte ou sur le même principe.
Les juges de la cour de cassation vont donc avoir à trancher la question suivante: L'identité de deux demandes successives peut elle écartée par leur différence de cause?
La haute juridiction rejette le pourvoi en affirmant « qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. », et en reprenant la formule de la cour d'appel d'Agen elle tranche par la négative la question précédente.
La cour de cassation procède ainsi à une redéfinition de l'identité des demandes successives (I) qui a comme conséquence immédiate d'élargir la conception de chose jugée (II).
[...] Cependant la délimitation de cette autorité de chose jugée peut s'avérer problématique et donne libre cours aux interprétations fluctuantes d'une doctrine et d'une jurisprudence hésitantes. L'arrêt de revirement rendu par l'assemblée plénière de la cour de cassation le 7 juillet 2006 en est une illustration. En l'espèce, le demandeur assigne son frère en paiement d'un somme d'argent, et ce sur le fondement de l'enrichissement sans cause. La même demande faite sur le fondement d'une créance de salaire avait déjà donné lieu à un jugement. [...]
[...] La solution étudiée a ainsi le mérite d'éviter les demandes successives fondées chacune sur une règle certes différente mais ayant un même objet. Les justiciables mécontents sont ainsi incités à user des voies de recours qui leur sont offertes plutôt que de se créer des voies de recours sur mesure en relançant une action à chaque découverte d'un nouveau fondement. Pratique qui peut avoir comme effet secondaire de créer, au détriment des adversaires de ces demandeurs, un sentiment d'insécurité juridique non limité dans le temps car non soumis à un quelconque délais. [...]
[...] Or nous l'avons vu, l'arrêt étudié refuse d'appliquer cette interprétation, il pourrait sembler au premier abord que la cause à tout simplement été écartée de manière prétorienne du champ de l'article 1351 du code civil. Impression qui peut être écartée par l'attendu qui fait mention du fait que le demandeur ne pouvait être admis à contester l'identité de cause La notion de cause dans l'appréciation de l'identité des demandes survit par cette évocation. Plus que sur l'article 1351 du code civil, la cour de cassation semble en l'espèce s'appuyer sur l'article 6 du nouveau code de procédure civile qui ne fait aucune mention de la cause. [...]
[...] La définition restrictive de la cause opérée au moyen de l'article 6 du NCPC permet une caractérisation aisée de l'identité des demandes successives ce qui conduit logiquement à un élargissement de la conception de chose jugée dont il convient d'étudier les implications. II) Élargissement de la conception de chose jugée L'élargissement de la conception de la chose jugée entraîne naturellement un élargissement de l'autorité de la chose jugée qui peut être considérée comme une sévère réponse à l'inconséquence des parties et qui fait également office d'instrument juridique de régulation du flux contentieux Sévère réponse à l'inconséquence des parties La cour de cassation énonce dans son attendu de principe que il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci Cet attendu est la conséquence directe de la conception restrictive de la cause du demandeur qu'a adoptée la haute juridiction. [...]
[...] Il peut alors sembler regrettable d'empêcher certains plaideurs de bonne foi de faire entendre leur cause équitablement. Ce défaut trouve sans doute sa cause dans la volonté des Juges de droit de limiter par l'autorité de la chose jugée le flux contentieux Instrument juridique de régulation du flux contentieux L'élargissement de la chose jugée par la restriction de la notion de cause permet en l'espèce de rejeter le pourvoi du demandeur et ainsi de ne pas admettre sa seconde action. [...]
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