Assemblée plénière de la Cour de cassation, 17 novembre 2000 - l'existence du préjudice personnel de l'enfant d'être né

Extraits

[...] La Cour de cassation se prononce en faveur des plaignants et accorde l'indemnisation personnelle de leur enfant par les praticiens dont les fautes médicales sont en relation de causalité avec son préjudice. En rendant un tel arrêt, la cour consacre l'existence du préjudice personnel de l'enfant d'être né, et accorde donc au foetus qui n'est pas encore né le droit subjectif de ne pas naître. Après avoir recherché les causes et la nature du préjudice subi par l'enfant il conviendra de s'interroger sur le droit d'indemnisation du préjudice d'être né (II). [...]

[...] Cette naissance non désirée constitue pour les parents un préjudice moral et financier indemnisable. Si cela est entendu, il convient néanmoins de déterminer si l'enfant a personnellement subi le préjudice d'être né, et s'il lui est possible d'être indemnisé d'un tel préjudice. En effet, si l'enfant dispose d'un droit de se plaindre d'être né handicapé au lieu de ne pas naître, cela implique qu'il disposait en tant que foetus du droit subjectif de ne pas naître. Or même si l'on peut accorder la personnalité juridique, c'est-à-dire l'ouverture des droits d'une personne, avant sa naissance, peut-on aller jusqu'à considérer que l'embryon peut se prévaloir du droit subjectif de ne pas naître? [...]

[...] Le préjudice de l'enfant d'être né La Cour de cassation rend son jugement en ayant observé l'article 1382 c.civ. Stipulant que “tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.” Mais en plus de la réparation des dommages financiers et moraux subis par les parents, la Cour de cassation accorde également l'indemnisation de l'enfant pour avoir été victime du préjudice d'être né. Car en ne permettant pas à la mère de recourir à une interruption de grossesse, les praticiens ont porté préjudice à l'enfant d'être né au lieu de ne pas naître. [...]

[...] Les positions les extrêmes allèrent jusqu'à considérer ce jugement considérant la naissance d'un handicapé comme préjudiciable comme de la discrimination. L'arrêt perruche soulève de nombreux problèmes éthiques relevant de la vie et de la mort. Il pose la question de l'avortement, c'est-à-dire du droit de la mère de décider de la vie ou de la mort de son enfant, plutôt que d'accorder à l'enfant un droit de vie subjectif. Il pose également la question de l'euthanasie, qui peut être également considérée comme la solution au préjudice de vivre. [...]

[...] On indemnise quelqu'un pour la vie qu'il est en train de vivre. La reconnaissance d'un tel principe peut entraîner certaines dérives inquiétantes. En effet si on reconnait le droit de réclamer une indemnisation pour le préjudice d'être né, alors toute personne handicapée pourrait assigner sa mère de l'avoir laissé naître Pour ces raisons, les associations pour handicapés ont pris position contre cette jurisprudence dans la mesure où elle ôte toute dignité et toute reconnaissance à la vie que mène un handicapé. [...]