En l'espèce, M. Y, conducteur d'une voiture automobile, a renversé M. X qui se trouvait au milieu d'une route départementale. Sa voiture a ensuite été heurtée par une camionnette appartenant à la société Harscoat. M. X, blessé, a alors assigné M. Y en réparation de son préjudice, lequel a appelé la société en garantie. L'accumulation d'imprudences de la part d'une victime non conducteur, à l'occasion d'un accident de la circulation, exonère-t-elle le conducteur de sa responsabilité ?
[...] X s'est vu débouté de sa demande d'indemnisation, jugement confirmé par la suite par la Cour d'appel de Rennes mais cassé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 5 juin 1991. La Cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi, a confirmé, dans un arrêt du 16 mars 1994, le jugement de la première juridiction saisie, réaffirmant sa volonté de ne pas indemniser les ayant-droits de M. décédé entre-temps, et s'opposant de ce fait à la haute juridiction. [...]
[...] Déjà, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait, dans un arrêt du 4 mai 1987, déclaré l'autonomie de ce droit à indemnisation automatique pour les victimes d'accidents de la circulation. Elle avait également, à travers les onze arrêts rendus le 20 juillet 1987, restreint la faculté pour les défendeurs d'opposer aux victimes non conductrices leur faute inexcusable. La rigueur de la Cour de cassation depuis cette date s'analyse dès lors comme une nécessité pour conférer son entière efficacité au droit à indemnisation de la victime, cette dernière occupant une place prépondérante. [...]
[...] Le raisonnement mené par la Cour de cassation quant à la définition de la faute inexcusable s'inscrit donc dans une certaine logique au regard de la place occupée par cette faute dans la hiérarchie précédemment évoquée. L'appréciation in abstracto du caractère inexcusable de la faute par les juges A travers sa définition de la faute inexcusable, la Cour de cassation a posé les quatre éléments cumulatifs qui forment cette notion. En effet, elle exige une faute volontaire, c'est-à-dire caractérisée par l'effort accompli en vue de violer les règles de sécurité qui démontre le caractère prémédité et réfléchi de la faute commise (Civ.2e juillet 1987) ; il faut par ailleurs que cette faute soit d'une exceptionnelle gravité, donc objectivement dangereuse et que l'imprudence commise soit exceptionnelle ; la Cour de cassation énonce par ailleurs que son auteur doit s'être mis en danger sans raison valable, c'est-à-dire par simple commodité ; enfin, la haute juridiction énonce que l'auteur doit s'être exposé à un danger dont il aurait dû avoir conscience, à savoir que l'auteur doit avoir eu un comportement qu'un homme raisonnable n'aurait pas eu en pareilles circonstances. [...]
[...] caractérisant le caractère volontaire de son comportement, son exceptionnelle gravité, l'absence de raison valable et la présence du discernement de M. X malgré le fait qu'il se trouvait sous l'emprise d'un état alcoolique. Cependant, il semble que la Cour d'appel ait évalué ces critères de manière trop souple ou trop large. En effet, la Cour de cassation, saisie du pourvoi des ayants droit de M. estime que la faute inexcusable n'a pas à être retenue dans le cas présent. La haute juridiction considère que la Cour d'appel n'a fait que retenir le caractère inexcusable de la faute de M. [...]
[...] Cependant, la sévérité de l'interprétation de la Cour de cassation réside également dans des raisons d'opportunité, et c'est en cela que de nombreux auteurs militent pour un maintien de la position actuelle de la jurisprudence. En effet, la plupart font valoir que si on considère comme inexcusables des comportements quelconques, on risque d'ouvrir dans le droit d'indemnisation une brèche dans laquelle risque de tomber un contentieux considérable, et ce au préjudice de nombreuses victimes. Par là, la doctrine comme la jurisprudence estiment que le fait d'assouplir la conception des critères de la faute inexcusable avantagera les principaux demandeurs au pourvoi, à savoir les assureurs des conducteurs, car ils chercheront systématiquement à faire valoir le caractère inexcusable de la faute de la victime. [...]
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