Le ‘tiers payeur' est, dans le cadre d'un accident de la circulation régi par la loi Badinter (5 juillet 1985), la personne ou l'organisme qui a été appelé à indemniser une personne victime d'un dommage corporel.
C'est dans une telle situation qu'a été rendu le 19 décembre 2003 l'arrêt de l'Assemblée plénière dit arrêt MAAF contre M. Gilbert.
Ce dernier, victime donc d'un accident de la route et médicalement déclaré en incapacité temporaire totale puis permanente partielle (28%) avec gêne professionnelle et sportive, assigne l'auteur de l'accident, son assureur ainsi que la CPAM en réparation de son préjudice corporel.
Il ressort des articles visés par l'arrêt que les caisses primaires d'assurance maladie sont tenues à réparation auprès de l'assuré ‘sauf recours de leur part contre l'auteur de l'accident'. Néanmoins, là est l'intérêt de l'arrêt, une distinction est faite entre les indemnités allouées au titre des préjudices liés à l'atteinte à l'intégrité physique de la victime soumis au recours, et, l'exclusion ‘de la part d'indemnité de caractère personnel correspondant aux souffrances physiques ou morales […] et au préjudice esthétique et d'agrément' qui demeure acquise pour la victime.
L'arrêt de la 17e chambre de la Cour d'appel de Paris du 27 février 2002 exclut du recours de la CPAM l'indemnité accordée à la victime en réparation de sa gêne dans les actes de la vie courante et de son préjudice fonctionnel d'agrément. La Cour reconnaît donc que l'incapacité comprend une part de préjudices strictement personnels, insaisissable par le tiers payeur, dont les montants d'indemnisation restent définitivement acquis à la victime. Le responsable de l'accident et son assureur ont introduit un pourvoi en cassation.
La décision de l'Assemblée plénière est donc d'une importance considérable : un rejet signifierait une amélioration notable de l'indemnisation des victimes, la cassation viendrait au secours de la sécurité sociale. C'est cette dernière solution qui a été adoptée.
L'Assemblée a estimé qu'en excluant de l'assiette du recours la réparation de la gêne de la vie courante et le préjudice fonctionnel qui répare une « atteinte objective à l'intégrité physique de la victime », la cour d'appel a violé les textes visés par l'arrêt (art 31 de la loi du 5 juillet 1985, art L 376-1 al 3 et 454-1 al 3 du Code de la sécurité sociale). Par conséquent, décide de casser l'arrêt attaqué.
Cet arrêt pose donc le problème général de frontière entre préjudice économique et non économique personnel dans le cadre d'un dommage corporel (I) mais aussi, de façon plus concrète et directement lié au cas d'espèce, celui du conflit d'intérêt entre victime et sécurité sociale (II).
[...] Il faut cependant avouer que son rôle était délicat. En effet, en faisant une lecture extensive de la loi du 5 juillet 1985, elle en aurait modifié la portée. Or il n'était pas de la volonté de la Cour de cassation de prendre la place du législateur. Il sera alors considéré que la rigidité de l'Assemblée plénière trouve sa justification dans la volonté d'exercer son rôle d'incitation auprès de celui-ci comme l'indique la conclusion du Premier avocat général qui pense souhaitable que la recommandation soit faite, lors du prochain rapport annuel de la Cour de cassation, d'une remise en ordre générale par le législateur du système d'indemnisation des dommages corporels et préconise une redéfinition des différentes catégories de préjudice indemnisable en cas d'accident. [...]
[...] Par conséquent, décide de casser l'arrêt attaqué. Cet arrêt pose donc le problème général de frontière entre préjudice économique et non économique personnel dans le cadre d'un dommage corporel mais aussi, de façon plus concrète et directement lié au cas d'espèce, celui du conflit d'intérêt entre victime et sécurité sociale (II). Distinction entre ‘préjudices économiques patrimoniaux' et ‘préjudices moraux extrapatrimoniaux' nés d'un dommage corporel En effet, cette distinction est importante puisqu'elle est opérée par la Cour d'appel de Paris qui s'en sert afin d'exclure les indemnités du recours La Cour de cassation elle ne se base pas sur cette distinction et adopte une autre vision afin de distinguer la possibilité de recours, celle du caractère subjectif ou objectif de la réparation du préjudice Distinction opérée par la Cour d'Appel En raison de la confusion certaine qui règne dans les textes, la Cour d'appel a du de façon claire distinguer d'une part les préjudices soumis au recours et d'autres parts ceux qui y étaient exclus. [...]
[...] C'est dans une telle situation qu'a été rendu le 19 décembre 2003 l'arrêt de l'Assemblée plénière dit arrêt MAAF contre M. Gilbert. Ce dernier, victime donc d'un accident de la route et médicalement déclaré en incapacité temporaire totale puis permanente partielle avec gêne professionnelle et sportive, assigne l'auteur de l'accident, son assureur ainsi que la CPAM en réparation de son préjudice corporel. Il ressort des articles visés par l'arrêt que les caisses primaires d'assurance maladie sont tenues à réparation auprès de l'assuré ‘sauf recours de leur part contre l'auteur de l'accident'. [...]
[...] C'est donc son refus de le faire à nouveau qui apparaît surprenant. Cependant, en l'espèce, l'enjeu financier est colossal et le Premier avocat général prend soin d'en avertir les juges : me paraît nécessaire que l'Assemblée plénière ait une connaissance aussi complète que possible de ces enjeux, afin qu'elle puisse évaluer l'impact financier, économique et social de sa décision avant de statuer en droit'. Les chiffres qu'il mentionne pour appuyer son argument sont tout de même assez dissuasifs : rendement de la procédure du recours des organismes sociaux a été de 866 millions d'euros, le rejet du pourvoi et le revirement de jurisprudence qui en résulteraient auraient pour conséquence la perte de euros pour les caisses et l'Etat, organisme social pour ses agents, perdrait l'intégralité des sommes versées à ses fonctionnaires lorsqu'ils sont victimes d'accidents'. [...]
[...] Qu'ainsi, il ne peu être rangé dans la catégorie des préjudices moraux extrapatrimoniaux et être écarté du recours. Cette décision sera vivement critiquée par le Professeur Yvonne Lamber- Faivre qui relève que le préjudice physiologique, atteinte à l'intégrité physique ne peut être qu'un préjudice extrapatrimonial, strictement personnel, inséparable de la ‘personne-sujet' Cet arrêt, contestable et contesté, répond surtout à des préoccupations d'ordre économique que l'on ne peut ignorer car elles sont en grande partie responsables ou du moins à l'origine de la décision étudiée. [...]
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