Le problème ici était de remédier au conflit de lois qui pouvait apparaitre lorsque la loi de chaque époux contenait des dispositions différentes à celle de l'autre. Certains auteurs prospéraient une application cumulative des lois. Ainsi, si la loi du mari permettait le divorce mais pas celle de la femme, cette application s'opposait au prononcé du divorce.
Donc la Cour de Cassation préféra une application distributive des lois. En effet, l'arrêt Ferrari du 6 juillet 1922 consacre cette solution dans le cas d'une française qui avait demandé devant le TGI de Lyon la conversion de la séparation de corps en divorce, contre son mari italien. Mais cette application distributive conduisait à des situations « boiteuses ». En effet, par exemple si le mari relevait d'une loi autorisant le divorce, alors que celle de la femme l'interdisait, le mari était considéré comme étant divorcé et non la femme.
La Cour de Cassation consciente de la nécessité d'unifier le statut des époux en cas de nationalité différente revint sur la solution Ferrari dans l'arrêt Rivière de 1953.
En l'espèce, une émigrée russe naturalisée française, épouse en France un émigré russe non naturalisé. Les époux transfèrent leur domicile en Equateur où ils obtiennent la dissolution de leur mariage par consentement mutuel, en application de la loi équatorienne. Chacun d'entre eux s'est remarié par la suite. L'épouse se remarie au Maroc avec un Français (le sieur Rivière). Elle demande par la suite le divorce devant le tribunal de Casablanca (juridiction française). Le sieur Rivière réplique par une demande reconventionnelle en annulation de son mariage pour bigamie. Il soutenait de ce fait que le mariage précédant n'avait pas pu être valablement dissous, par application de la loi équatorienne, dont les dispositions contrevenaient au demeurant aux conceptions fondamentales de l'ordre juridique français. Le tribunal de Casablanca suivit le Sieur Rivière mais la Cour de Rabat infirma ce jugement. La Cour d'appel de Rabat va refuser de se ranger à la jurisprudence Ferrari, elle va considérer que cette jurisprudence était intellectuellement convenable mais en pratique c'était absurde parce que cela revenait à appliquer aux deux époux la loi la plus sévère. La Cour d'appel trouve une solution en disant qu'autant il est normal d'appliquer la loi nationale lorsque les époux ont la même nationalité (exemple des époux Patiño), autant lorsqu'il n'y a pas de loi nationale commune, on va écarter la loi nationale et appliquer la loi du domicile commun (...)
[...] En France, le divorce est judiciaire. Par conséquent, l'effet principal de l'ordre public aurait interdit à une juridiction française de prononcer le divorce. Cependant, Petrov et Lydia, de nationalité étrangère, étaient allés se fixer en Equateur. S'ils se sont adressés à l'officier d'état civil pour divorcer par consentement mutuel, ils l'ont fait sans fraude. Ainsi, la Cour de cassation considère que l'ordre public n'a pas la même brutalité des lors qu'il s'agit de donner considération aux droits acquis sans fraude à l'étranger par l'application de la loi compétente à nos yeux. [...]
[...] Par exemple, en vertu de l'article 147 du Code civil, on ne peut célébrer un second mariage qu'après dissolution du premier. La polygamie est contraire à l'ordre public français. Ainsi un musulman étranger ne peut pas souscrire valablement une union polygamique en France. La Cour de cassation suggère une distinction que l'on synthétise en parlant d'effet principal et d'effet atténué de l'ordre public. Ce que le juge ne peut pas constituer en France en vertu de l'effet principal de l'ordre public, il peut parfaitement en admettre les effets dès lors que la situation s'est constituée sans fraude à l'étranger. [...]
[...] Il se trouvait que la loi du domicile coïncidait avec la lex fori puisque c'est une autorité équatorienne qui a prononcé le divorce et ce divorce a été application de la lex fori. Avec ces deux attendus, on voit que le renversement complet de la jurisprudence Ferrari est effectué. La Cour rappelle qu'en vertu de la nouvelle règle de conflit jurisprudentiel, c'est la loi du domicile commun qu'il convient d'appliquer. Certes directement saisi de la question, le juge français n'aurait pas pu divorcer Petrov et Lydia puisque l'ordre public s'y serait opposé, mais dans la mesure où le divorce est intervenu sans fraude à l'étranger, il est parfaitement valable à nos yeux. [...]
[...] - rattachement : loi nationale commune des époux. - Rattachement s'ils n'ont pas de nationalité commune, on va recourir à la dernière loi nationale commune qu'ils auraient pu avoir. - Rattachement s'ils n'ont jamais eu de nationalité commune, on applique la loi du domicile commun - Rattachement on applique la loi du dernier domicile commun s'ils n'en ont pas actuellement. II- L'abrogation de la Jurisprudence Rivière par la réforme du divorce de 1975 L'abrogation de la jurisprudence Rivière pour la réforme du divorce intervenue en 1975 a considérablement réduit pour le juge français les occasions d'appliquer une loi étrangère. [...]
[...] Si l'on prend l'exemple de la polygamie : un mariage polygame a été valablement célébré au Maroc (Arrêt Chemouni). Est-ce que ce mariage, incompatible avec nos conceptions fondamentales peut produire des effets secondaires en France ? L'effet atténué de l'ordre public permet de donner considération à la loi étrangère que nous aurions écartée si on était amené à en faire application directe. La loi équatorienne compétente présente à l'égard de la loi française des différences absolument fondamentales : différences non pas de degré mais de nature. [...]
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