L'arrêt de rejet rendu le 7 octobre 1998 par la Première chambre civile de la Cour de cassation concerne le régime de la nullité du contrat pour illicéité de la cause, sur lequel la Cour apporte un élément nouveau.
En l'espèce, des époux ont conclu entre eux un contrat de prêt de somme d'argent remboursable en une fois par le mari à sa femme moyennant le respect d'un préavis de trois mois. Après leur divorce, les ex-époux ont convenu de convertir le prêt en versements mensuels conjointement à l'obligation de l'ex-mari (le mari) de verser à son ex-femme (la femme) une pension alimentaire. Quelques années plus tard, la femme assigna le mari en remboursement du solde du prêt.
Par arrêt rendu le 23 février 1996, la Cour d'appel de Versailles a fait droit à la demande de la femme et a prononcé, pour illicéité de la cause, l'annulation de la convention de conversion du prêt. Le mari a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.
A l'appui de son pourvoi, le mari fit valoir, d'une part que, en ne constatant pas que l'accord (annulé) avait eu pour motif déterminant des déductions fiscales illégales et en ne recherchant pas s'il n'avait pas eu pour motif déterminant de réaliser l'étalement du remboursement du prêt dont le paiement était susceptible d'être réclamé à tout moment, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil et, d'autre part, qu'une convention ne peut être annulée pour cause illicite que lorsque les parties se sont engagées en considération commune d'un motif pour elles déterminant ; qu'ayant constaté que l'épouse déclarait à l'administration fiscale l'intégralité des sommes reçues de lui, il s'en évinçait que celle-ci ne pouvait avoir eu pour motif déterminant de son accord la déductibilité, par le mari, des sommes à elle versées, en sorte que la Cour d'appel, en retenant une cause illicite, a violé l'article précité.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a dû répondre à la question de savoir si une convention peut être annulée pour cause illicite alors que celle-ci n'a pas été le motif impulsif et déterminant de l'une des parties au contrat annulé ?
Au terme de son contrôle en droit, en se prononçant par le rejet du pourvoi, la Cour de cassation a estimé qu' « un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l'une des parties n'a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat ».
Dans le cadre de ce commentaire, nous verrons que la solution rendue par la Cour de cassation pose un renouvellement partiel des conditions d'annulation du contrat pour cause illicite ou immorale (I). Ce renouvellement, constitutif d'un allègement du régime de l'action en nullité du contrat pour cause illicite ou immorale, s'explique par le souci d'assurer à la cause subjective l'effectivité de son rôle moralisateur et sanctionnateur (II).
[...] instituant la notion de choses hors du commerce, posent des interdits sociaux au nom de la protection de l'intérêt général. Elles fixent ainsi la limite au-delà de laquelle la liberté contractuelle ne saurait permettre aux individus de passer valablement un acte juridique que la société réprouve, soit par des règles d'ordre public (question de licéité), soit par des règles tirées des bonnes mœurs (question de moralité). En cas de violation de l'une ou l'autre règle, l'acte n'est pas valablement formé et doit en conséquence être annulé. [...]
[...] Un arrêt rendu le 4 décembre 1956 par la Première chambre civile de la Cour de cassation avait en effet jugé qu' un contrat de bail ne comporte pas une cause illicite dès lors qu'il n'est pas prouvé que l'exploitation dans les lieux loués d'une maison de tolérance ait été convenue entre les parties (NB : la cause est bien illicite mais en tant qu'elle n'est pas convenue, elle ne peut entraîner la nullité du contrat). Il devait ainsi s'ensuivre en l'espèce que la nullité du contrat litigieux ne pouvait être prononcée puisque l'ex-épouse n'avait pas connaissance de l'intention de l'ex-mari de déduire fiscalement les mensualités (non déductibles) du prêt. [...]
[...] Il est vrai qu'en vertu de la jurisprudence ancienne, posant la condition de communauté, les impératifs légaux ou moraux demeuraient la plupart des cas hors de l'office du juge puisqu'il suffisait alors, en cas de mauvaises intentions, de les cacher à tous et à jamais. Ainsi, l'annulation du contrat pour cause illicite se réduisait dans l'ordinaire judiciaire à une pétition législative de principe. L'ordre public et les bonnes mœurs étant des limites nécessaires à toute société civilisée (dans des mesures variables selon les cultures), sans quoi l'on pourrait par ex. [...]
[...] En allégeant significativement le régime de l'action en nullité du contrat pour cause subjective illicite, la Cour de cassation réunit les conditions nécessaires pour une annulation quasi- systématique des conventions concernées. En ce sens, il convient de rappeler que le contrat nul pour cause subjective illicite ou immorale étant nul de nullité absolue, la solution ici commentée trouve dans le régime juridique de la nullité absolue un élément supplémentaire favorisant l'effectivité du rôle moralisateur de la cause subjective. En effet, lorsque la nullité est absolue, non seulement chacune des parties peut agir en nullité, mais encore tout intéressé, ce qui élargit considérablement le champ des demandeurs potentiels en nullité. [...]
[...] Il eut donc été juste en l'espèce que l'épouse puisse conserver les mensualités perçues (bien qu'une objection d'enrichissement sans cause puisse finalement être soulevée, de manière non décisive selon-nous) et que corrélativement le mari ait à exécuter le contrat initial comme s'il n'avait jamais existé que ce contrat initial : c'est en tout ce à quoi conduisent en bonne logique une annulation et une privation du droit à restitution. [...]
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