L'article 1110 du Code civil énonce que « L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ».
L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 24 mars 1987 intervient alors qu'un problème relatif à une erreur faisait litige sur l'authenticité d'un tableau. En effet, Jean, André Vincent, décédé depuis, a vendu en 1933 aux enchères publiques un tableau ‘attribué à Fragonard', intitulé Le Verrou. Des experts s'étaient penchés sur le tableau pour tenter de vérifier son authenticité, et ils avaient conclu que cela ne pouvait être un original, mais des réserves avaient du être posées, puisque cette mention 'attribué à‘ laissait planer un doute. L'authenticité du tableau a été avérée bien plus tard, et les héritiers de M. Vincent demandent l'annulation de la vente pour erreur.
Les héritiers de M. Vincent ont donc engagé la procédure, mais le tribunal de première instance leur a donné tort, ils ont alors fait appel; La Cour d'Appel de Paris a confirmé le jugement précédent, le 12 juin 1985. Ils décident donc de former un pourvoi en cassation.
Ils reprochent à la Cour d'appel de Paris d'avoir rejeté leur demande au motif que l'expression « Attribué à » laisse planer un doute sur l'authenticité de l'œuvre, mais n'en exclut pas la possibilité. La Cour d'appel aurait du selon eux chercher à connaître la conviction du vendeur au moment de la vente, qui était erronée puisque des experts avaient annoncé que le tableau n'était pas authentique. La Cour a selon le pourvoi violé les articles 1110 du code civil et 455 du Nouveau Code de procédure civile. De plus, ils ajoutent dans leur moyen que « Le vendeur commet une erreur quand il vend sous l'empire de la conviction que l'authenticité est discutable alors qu'elle est en réalité certaine et que tout aléa à ce sujet est inexistant ».
La question qui se posait à la Cour de cassation était donc « L'erreur est-elle invocable comme cause de nullité en présence d'un aléa portant sur la chose dans le champ contractuel lors de la formation du contrat ? ».
Les magistrats répondent que les cocontractants ont en l'espèce accepté un aléa sur l'authenticité de l'œuvre, et que les héritiers de M. Vincent ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que leur auteur a consenti à a vente de son tableau sous l'empire d'une conviction erronée quant à l'auteur du tableau en question. Ils ajoutent que l'aléa sur l'authenticité était entré dans le champ contractuel, et que dans ce cas aucune des deux parties ne pouvait soulever l'erreur en cas de dissipation ultérieure de cet aléa. Ils donnent donc tort aux ayant cause de M. Vincent et rejettent leurs pourvoi. Il convient, pour avoir une approche analytique de la décision de la Cour de cassation, de constater que l'erreur est inopposable sur la substance de la chose dans un contrat aléatoire (I), car les magistrats souhaitent préserver une certaines sécurité contractuelle en vue de la protection des cocontractants (II).
[...] B - Une solution logique La solution retenue en l'espèce par la Cour de cassation intervient comme la suite logique de l'arrêt Poussin (1ère Civ février 1978). Dans cette espèce, la Cour avait retenu que peu importe le fait qu'on ne puisse ni établir qu'un tableau soit de Poussin, ni exclure qu'il fût de lui, si la vente a été consentie dans la conviction erronée que le tableau ne pouvait pas être une œuvre de Nicolas Poussin; en l'absence de toute recherche sur ce point, le rejet de la demande en annulation pour erreur formée par les vendeurs manque de base légale On peut rapprocher les deux solutions dans le sens où la jurisprudence ici commentée, donc l'arrêt Fragonard, pose le cas où la recherche sur la conviction des contractants a été effectuée. [...]
[...] La mise en vente découle de l'acceptation du prix fixé par le vendeur, et approuvé par l'acheteur. La famille du vendeur ne peut donc faire prévaloir la lésion du fait que le consentement de la vente du tableau a été expressément donné par lui. Comme le dit donc l'adage : L'aléa chasse la lésion il a été consenti par les deux parties contractantes, et n'est donc pas invocable l'erreur face à la nouvelle nature du bien vendu, même si une partie peut se sentir légitimement lésée. [...]
[...] Les magistrats de la Cour de cassation énoncent en outre que l'appréciation des juges du fond est souveraine, qu'ils ont souverainement apprécié les faits. B - L'aléa chasse la lésion La Cour dit dans sa décision que L'aléa sur l'authenticité de l'œuvre avait été dans le champ contractuel; qu'en conséquence, aucune des deux parties ne pouvait alléguer l'erreur en cas de dissipation ultérieure de l'incertitude commune, et notamment par le vendeur ni ses ayants cause en cas d'authenticité devenue certaine Elle sous entend qu'un risque existe implicitement dans ce genre de contrat, puisque les deux parties avaient la chance ou la malchance de voir plus tard avérée l'authenticité ou pas. [...]
[...] On est donc forcé de croire que la Cour aurait de toutes façons put refuser l'annulation au motif que les 30 ans étaient largement dépassés. On est en droit de penser que cet arrêt vient uniquement compléter la jurisprudence Poussin, que c'est en fait un prétexte des juges pour préciser cette jurisprudence de 1978, au lieu de ramener les parties devant le fait que le délai d'action était dépassé. Cette jurisprudence a en tous cas été suivie, puisqu'un arrêt de la première chambre civile du 21 mars 2001 faisait état d'une facture faisant référence explicite au rapport d'expertise qui énonçait qu'il n'y avait que des certitudes partielles et relatives sur l'authenticité des œuvres vendues, et que la demande en annulation de la vente devait être rejetée. [...]
[...] Des experts s'étaient penchés sur le tableau pour tenter de vérifier son authenticité, et ils avaient conclu que cela ne pouvait être un original, mais des réserves avaient dû être posées, puisque cette mention 'attribué laissait planer un doute. L'authenticité du tableau a été avérée bien plus tard, et les héritiers de M. Vincent demandent l'annulation de la vente pour erreur. Les héritiers de M. Vincent ont donc engagé la procédure, mais le tribunal de première instance leur a donné tort, ils ont alors fait appel; La Cour d'Appel de Paris a confirmé le jugement précédent, le 12 juin 1985. [...]
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