La Première chambre civile de la Cour de cassation rend, le 10 mai 2005, un arrêt relatif au rapport entre les tiers et les dispositions des conventions auxquelles ils sont étrangers.
La société Home Garden SCI vend, par l'intermédiaire du notaire SELARL X, des appartements qui seront achetés par des personnes qui empruntent, pour ce faire, auprès de certaines banques.
Certains de ces acquéreurs ont demandé et obtenu la nullité de ces ventes pour dol. Les juges ont retenu la responsabilité de l'architecte Y ainsi que du notaire SELARL X et ont fait jouer la garantie de son assurance.
Les acquéreurs ont aussi assigné les banques en nullité des contrats de prêt. L'arrêt attaqué a prononcé cette nullité (en écartant la prescription quinquennale), décidé que les sommes prêtées seraient restituées, mais que les frais accessoires et le remboursement des intérêts seraient à la charge des banques.
Enfin, il a également condamné la SCI, l'architecte Y et le notaire SELARL X (avec son assureur) à payer à titre de dommages et intérêts aux banques les frais et indemnités de remboursement anticipé, les primes d'assurances et la restitution des intérêts.
Après un procès en première instance où les acquéreurs ont obtenu la nullité des contrats de prêt. L'affaire est portée devant la Cour d'appel Toulouse, qui rend, le 10 décembre 2001, un arrêt confirmant le premier jugement et condamne la SCI, le notaire et l'architecte à payer des dommages et intérêts aux banques concernées. Ces derniers se pourvoient en cassation et la Banque populaire du Sud-Ouest (BPSO) forme un pourvoi incident.
La BPSO se pourvoit en cassation car elle estime que les indemnités auxquelles elle aurait pu prétendre n'ont pas été calculées convenablement par les juges du fond. En effet, ces derniers auraient fait application de certaines clauses des contrats de prêt pour calculer ces indemnités versées par le notaire, M. X, alors qu'il n'a jamais été partie à ces contrats.
La question soulevée par le pourvoi est celle de l'application du principe de l'effet relatif des contrats. En effet, il trouverait vocation à s'appliquer, d'une part, à l'égard de la clause de réparation forfaitaire (I), d'autre part, à l'égard des clauses organisant une réduction de l'indemnité de résiliation (II).
[...] Au lieu de procéder à cet examen, les juges du fond auraient simplement appliqué au notaire, qui est étranger au contrat de prêt conclu entre l'établissement bancaire et l'emprunteur, les dispositions contractuelles ayant pour objet de réduire l'indemnité de résiliation qui sont légalement imposées dans l'intérêt exclusif de l'emprunteur ; en d'autres termes, la réduction de l'indemnité en cas de résiliation est réservée à l'emprunteur et ne peut pas être invoquée par les tiers au contrat de prêt. La banque s'estime donc victime de l'application fautive de dispositions contractuelles qui ont pour effet de réduire les indemnités qu'elle aurait pu espérer alors que ces dispositions ne sont pas applicables aux tiers. Pourtant, le raisonnement des juges du fond sera suivi par la première chambre civile de la Cour de cassation qui estime qu'ils n'ont en rien violé ni l'article 1165 ni l'article 1382. [...]
[...] L'application du principe de l'effet relatif à la clause de réparation forfaitaire Loin d'être absolu, ce principe supporte certaines limites, notamment celle constituée par la théorie de l'opposabilité du contrat. Les demandeurs au pourvoi demandent que le principe de l'effet relatif des contrats de prêt soit appliqué à l'égard de la clause de réparation forfaitaire, mais la position des juges ne sera pas celle escomptée Pourtant, les conséquences de la position adoptée par les juges à ce propos peuvent amener certaines remarques Les différentes façons d'analyser ce principe L'article 1165 du Code civil dispose : Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121.» Dans le cas présent, ce principe trouve à s'appliquer dans le cadre des contrats de prêt auxquels le notaire, l'architecte et la SCI Home Garden sont des tiers mais reste limité, notamment lorsque ces contrats sont envisagés par les juges comme des faits pouvant jouer un rôle à l'égard de ces tiers Le principe de l'effet relatif des contrats doit s'appliquer pleinement à la clause de réparation forfaitaire En vertu de ce principe, un contractant ne peut pas exiger d'un tiers l'exécution d'une prestation promise par son cocontractant, mais, réciproquement, un tiers au contrat ne peut pas demander l'exécution à son profit d'une obligation issue de ce contrat. [...]
[...] ) pour déterminer le montant des dommages et intérêts qu'ils allaient allouer à la Banque populaire du Sud-ouest. Ce rapprochement paraît encore plus discutable lorsqu'il s'agit des indemnités que doivent verser les personnes responsables de l'annulation des contrats, à savoir les notaires, l'architecte et la SCI Home Garden, ceci pour deux raisons principales. D'une part, si l'on peu aisément admettre que la résiliation équivaut, d'un point de vue purement financier, à l'annulation pour la banque, il reste qu'en tenant compte de cette réduction le montant obtenu ne correspond plus à la réalité du dommage subi par la banque lors de la neutralisation des contrats de prêt, que ce soit par résiliation ou par annulation (l'équivalence n'étant exacte que lorsque l'indemnité de résiliation n'est pas minorée par la réduction imposée par la loi). [...]
[...] En effet, ces derniers auraient fait application de certaines clauses des contrats de prêt pour calculer ces indemnités versées par le notaire, M. alors qu'il n'a jamais été partie à ces contrats. La question soulevée par le pourvoi est celle de l'application du principe de l'effet relatif des contrats. En effet, il trouverait vocation à s'appliquer, d'une part, à l'égard de la clause de réparation forfaitaire d'autre part, à l'égard des clauses organisant une réduction de l'indemnité de résiliation (II). [...]
[...] Cependant, bien que cette démarche paraisse tout à fait justifiée du point de vue du droit, il reste néanmoins que les conséquences du raisonnement des juges sont gênantes en apparence. En effet, bien que les contrats n'aient pas été appliqués à l'égard des notaires, le résultat est exactement le même : les dommages et intérêts que doit verser le notaire (et les autres parties responsables de l'annulation) sont limitées par le montant prévu par les clauses de réparation forfaitaire inscrites dans les contrats de prêt (censées ne pas s'appliquer à l'égard des tiers) et les tiers responsables de l'annulation vont également profiter de la réduction de l'indemnité de résiliation prévue pour l'emprunteur, puisque les juges évaluent la somme que les responsables vont verser à la banque en fonction de cette indemnité minorée par la réduction (et non de l'indemnité en elle- même). [...]
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