Dans un arrêt de cassation rendu en date du 25 mai 1948, la Chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur le critère de rattachement attaché à la responsabilité délictuelle face à une certaine carence de la loi.
En l'espèce, un camion d'essence appartenant à un français et conduit par un employé de ce dernier est entré en collision avec un train en Espagne et a explosé, ce qui entraina le décès d'un chauffeur français se trouvant à proximité et conduisant un camion appartenant également à un français. La veuve de la victime, en son nom et celui de son fils mineur, assigne le propriétaire du camion ayant explosé devant le tribunal français de son domicile afin d'obtenir réparation sur le fondement de l'article 1384 car elle n'avait pas réussi à montrer la faute ou l'imprudence. La Cour d'appel condamne le propriétaire par application du Code civil français au motif que tout d'abord l'exécution de la condamnation devait intervenir en France et que le défendeur, arguant que la loi espagnole, devait être appliquée, n'avait pas démontré que le droit espagnol posait l'exigence d'une faute prouvée. Le propriétaire du camion forme à cette issue un pourvoi en cassation. La question posée à la Cour de cassation dans cette affaire est de savoir, dans un litige international, quelle est la loi applicable en matière délictuelle. La Cour de cassation, dans un attendu de principe, fait une interprétation étendue de l'article 3 du Code civil en précisant que « la loi territoriale compétente pour régir la responsabilité civile extracontractuelle de la personne qui a l'usage, le contrôle et la direction d'une chose, en cas de dommage causé par cette chose à un tiers, est la loi du lieu où le délit a été commis ». A cet effet, les juges cassent l'arrêt de la Cour d'appel au motif que d'une part la responsabilité délictuelle est indépendante de la réparation, de la nationalité des individus et du lieu d'exécution de la décision. Ils précisent que cette responsabilité relève de l'ordre juridique interne du pays dans lequel le gardien use de la chose et en exerce la direction. La Cour de cassation se penche ensuite sur les questions de la charge de la preuve ainsi que de l'ordre public international, questions qui ne seront pas abordées dans ce commentaire. L'apport majeur de cette décision consiste en une application attendue de la méthode bilatérale (I) mais une application également opportune de cette méthode (II) (...)
[...] En effet, l'une des caractéristiques de la méthode bilatérale est, qu'étant abstraite, elle est également neutre, c'est-à-dire elle n'a pas pour objectif de privilégier une solution plutôt qu'une autre. Ainsi, la Cour d'appel avait fait application de la loi française dans une intention de privilégier la victime et avaient retenu à la charge de l'auteur du dommage de prouver que les dispositions de la loi espagnole l'affranchissait de toute présomption d'inexécution d'une obligation légale de garde. Une autre justification du choix de ce critère est que les délits, et plus généralement les comportements des individus sur son territoire intéressent l'Etat. [...]
[...] La Cour de cassation, dans un attendu de principe, fait une interprétation étendue de l'article 3 du Code civil en précisant que la loi territoriale compétente pour régir la responsabilité civile extracontractuelle de la personne qui a l'usage, le contrôle et la direction d'une chose, en cas de dommage causé par cette chose à un tiers, est la loi du lieu où le délit a été commis A cet effet, les juges cassent l'arrêt de la Cour d'appel au motif que d'une part la responsabilité délictuelle est indépendante de la réparation, de la nationalité des individus et du lieu d'exécution de la décision. Ils précisent que cette responsabilité relève de l'ordre juridique interne du pays dans lequel le gardien use de la chose et en exerce la direction. La Cour de cassation se penche ensuite sur les questions de la charge de la preuve ainsi que de l'ordre public international, questions qui ne seront pas abordées dans ce commentaire. L'apport majeur de cette décision consiste en une application attendue de la méthode bilatérale mais une application également opportune de cette méthode (II). [...]
[...] Le rattachement des délits à la lex loci delicti La Cour de cassation, dans cet arrêt, pour poser le principe de l'application de la lex loci delicti, a fait appel à la méthode bilatérale (aussi connue sous le nom de méthode conflictuelle ou savinienne) ; c'est une méthode de résolution des conflits de lois qui consiste à déterminer un critère de rattachement qui désignera l'ordre juridique avec lequel la question posée présente les liens les plus significatifs. Selon cette méthode, la solution d'un conflit de lois consiste à localiser une relation de droit privée ou plus précisément de localiser la question de droit soumise au juge. En l'occurrence, la localisation est faite en fonction de la source du rapport de droit, c'est-à-dire le lieu de délit. La loi applicable est donc la loi du lieu délit, la lex loci delicti. [...]
[...] Une application opportune de la méthode bilatérale La Cour de cassation retient tout d'abord à cette issue un critère de rattachement objectif mais la solution adoptée n'est pas sans poser quelques difficultés d'application Un critère de rattachement objectif Lorsque la Cour de cassation affirme que la responsabilité délictuelle du tiers gardien de la chose ( ) relève de l'ordre juridique interne du pays dans lequel le gardien use de la chose et en exerce la direction elle le fait dans un souci de neutralité. En effet, le choix de la loi du lieu du délit permet une certaine neutralité, tout en étant révélateur de la situation juridique considérée, dans le sens où ce critère de rattachement est le seul qui soit objectif, qui ne prend pas partie en favorisant soit la victime soit l'auteur. [...]
[...] L'arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation 1er juin 1976, Luccantoni, JDI 77.91 confirme la solution tout en la simplifiant et en posant que quelle que soit la nationalité des parties et sous réserve de conventions internationales, les obligations extracontractuelles sont régies par la loi du lieu où est survenu le fait qui leur a donné naissance Selon la conception de la lex loci delicti : un fait doit être soumis à la loi du pays où il se produit mais il y a un problème dès lors que les deux éléments du délit, à savoir le fait délictueux et le dommage, arrivent dans deux endroits différents, on parle alors de délit complexe et la jurisprudence s'est par la suite prononcée sur une solution appropriée sur ce type de délit notamment dans un arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation en date du 3 septembre 1997, Gordon & Breach La responsabilité délictuelle est domaine où il y a de plus en plus de spécialisation de la règle de conflit de lois : des règles de conflit de lois de délits spéciaux ont été créées. A cet égard, le législateur européen est intervenu et a mis en place le règlement Rome II relatif à la loi applicable aux obligations extracontractuelles. [...]
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