L'arrêt du 6 octobre 2004 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation s'inscrit dans un processus d'élargissement de la recevabilité de l'action paulienne.
Dans l'espèce de cet arrêt, un immeuble est vendu sous seing privé le 12 août 1976. Alors que 12 ans après cette promesse de vente n'avait toujours pas été réitérée, les vendeurs font une donation de cet immeuble à leur fils par acte notarié du 2 juin 1988.
Les acquéreurs agissent en annulation et subsidiairement en inopposabilité de cette donation sur le fondement de la fraude paulienne. Après le décès de son mari la veuve reprend l'instance.
La Cour d'appel déclare irrecevable son action au motif que l'article 1167 du Code civil ne pouvait être appliqué du fait du défaut de justification de la créance par la demanderesse et que le litige avait trait à la propriété d'un bien ayant fait l'objet de deux mutations successives de la part de son propriétaire initial et devait donc se résoudre par les règles régissant la publicité foncière. La donation est donc confirmée.
La veuve forme alors un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation est alors amenée à statuer sur la question suivante : l'action paulienne est-elle recevable lorsque le débiteur a rendu impossible l'exercice du droit spécial dont disposait le créancier sur la chose aliénée?
La Cour de cassation casse la décision de la Cour d'appel au motif que celle-ci a violé l'article 1167 du Code civil en déclarant irrecevable l'action paulienne alors que même si le débiteur ne s'est pas rendu insolvable, il a rendu impossible l'exercice du droit spécial dont disposait le créancier sur la chose aliénée ce qui justifie l'application de l'action paulienne.
La troisième chambre civile montre ainsi que l'action paulienne garantit les créances mais aussi les droits de toute nature comme l'exécution d'un avant-contrat.
On peut alors se demander quels sont le fonctionnement et les conditions d'application de l'action paulienne ? En quoi la Cour étend le champ de l'action paulienne ? Et enfin quelles sont les conséquences possibles de cette expansion ?
De par l'étude du fonctionnement et des conditions de l'action paulienne originels, il semble que la jurisprudence opère une expansion de l'application de celle-ci (I), en effet cette nouvelle application parait être motivée par un souci de garantir au mieux l'exécution de toute obligation en dérogeant quelque peu au droit commun qui devrait s'appliquer dans certaines situations (II).
[...] Il semblerait que ce soit dans un souci de plus grande protection des créanciers et une volonté jurisprudentielle de développement du domaine de cette action. II/ La mise en œuvre de cette garantie d'exécution par un détournement du droit commun La Cour de cassation, en l'espèce, met de côté les règles de publicité foncière qui, pourtant, résolvaient le litige en appliquant l'action paulienne, non sans faire apparaître certaines contradictions A. Rejet des règles de publicité foncières pour expansion de l'action paulienne Les règles de la publicité foncière ont été pragmatiquement construites par l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 sur le modèle textuel de l'article 1141 du Code civil. [...]
[...] Il en va de même en présence de la double vente. En effet le second acte n'est pas frauduleux mais illicite au regard de l'article 1559 du Code civil qui dispose que la vente de la chose d'autrui est nulle C'est ce à quoi dérogent les règles de publicité foncière pour fournir une solution pragmatique. Il faut noter que la primauté de l'inscription ne se produit pas si l'acquéreur second en date avait connaissance de la première aliénation. En l'espèce, il est facile de le supposer car la donation postérieure à la vente est faite à l'enfant du vendeur Le recours à l'action paulienne n'est donc qu'une autre façon de répondre à la fraude, qui n'emporte pas de résultats supérieurs, sinon peut- être plus de facilité dans l'action. [...]
[...] Il n'est pas obligatoire que la créance soit exigible, il suffit que son exercice soit menacé. Il n'est pas non plus nécessaire qu'elle soit liquide s'il ne s'agit pas d'une somme d'argent ⋄(Première chambre civile avril 1988 et 10 décembre 1974). Il n'est même pas nécessaire qu'elle soit certaine, il suffit que son principe le soit (Première chambre civile janvier 1984) _ Un acte d'appauvrissement du débiteur. Il doit causer un appauvrissement caractérisé et non un refus de s'enrichir, même si ce dernier est frauduleux. [...]
[...] La décision de la Cour de cassation vient alors ajouter une nouvelle dérogation en sortant de son champ traditionnel l'action paulienne pour trancher un conflit déjà pris en charge de façon satisfaisante par la construction publicitaire. Le fils aurait pu opposer la donation faite par acte notarié du 2 juin 1988 aux premiers acquéreurs qui n'avaient pas réitéré la vente. Mais la Cour de cassation en a décidé autrement. En renonçant à l'appauvrissement effectif ou à l'insolvabilité, elle essaye de lutter contre des actes licites du débiteur, qui ne porte pas moins préjudice au créancier. [...]
[...] La Cour de cassation casse la décision de la Cour d'appel au motif que celle-ci a violé l'article 1167 du Code civil en déclarant irrecevable l'action paulienne alors que même si le débiteur ne s'est pas rendu insolvable, il a rendu impossible l'exercice du droit spécial dont disposait le créancier sur la chose aliénée ce qui justifie l'application de l'action paulienne. La troisième chambre civile montre ainsi que l'action paulienne garantit les créances mais aussi les droits de toute nature comme l'exécution d'un avant-contrat. On peut alors se demander quels sont le fonctionnement et les conditions d'application de l'action paulienne ? En quoi la Cour étend le champ de l'action paulienne ? Et enfin quelles sont les conséquences possibles de cette expansion ? [...]
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