Une procédure de liquidation des biens est ouverte à l'égard d'un associé d'une SCI le 26 avril 1976, et clôturée pour insuffisance d'actif le 19 mars 1980. Postérieurement, cette clôture de procédure de liquidation des biens, le syndic de la liquidation apprend que l'intéressé était associé d'une SCI et qu'il possédait donc des parts sociales de cette société. Le syndic, représentant de l'associé en faillite, saisi la SCI et le liquidateur judiciaire de l'autre associé, afin d'obtenir le retrait de l'associé en faillite et la nomination d'un expert pour déterminer la valeur des droits sociaux.
La Cour d'Appel de Paris, par un arrêt du 11 octobre 1996, a accueilli la demande du syndic de la liquidation des biens en retirant à l'associé intéressé sa qualité d'associé et en ordonnant l'expertise des parts sociales détenues par lui.
La société et le second associé se pourvoient en cassation au moyen que l'associé en faillite ne peut se voir retirer sa qualité d'associé avant d'avoir obtenu remboursement de ses parts sociales.
Il s'agit alors pour la Cour de Cassation de déterminer à quel moment l'associé en procédure de liquidation perd sa qualité d'associé : au moment du remboursement des parts sociales qu'il détient, ou antérieurement à ce remboursement ?
La Cour de Cassation casse la décision de la Cour d'Appel. Elle affirme que « la perte de la qualité d'associé ne saurait être préalable au remboursement des droits sociaux ».
La Cour de Cassation se fonde sur l'article 1860 du Code civil qui énonce que lorsqu'un associé de société civile se trouve en déconfiture, faillite personnelle, liquidation des biens ou règlement judiciaire, la société peut décider soit la dissolution anticipée, soit l'exclusion de l'associé intéressé de la société, en procédant alors au remboursement de ses parts sociales. La question de la date à laquelle l'associé perd sa qualité d'associé est à l'origine d'un débat doctrinal et la Cour de Cassation tranche ici nettement le débat en faisant une lecture stricte de l'article 1860 du Code Civil, cette lecture est cependant préjudiciable à la protection des créanciers sociaux (I). On peut également reprocher à cet arrêt de méconnaître les principes fondamentaux qui régissent le droit des sociétés civiles qui sont souvent soumises à un fort intuitu personae (II).
[...] Cet arrêt de la Cour de Cassation semble donc aller à l'encontre des fondements même du droit des sociétés civiles qui sont avant tout des sociétés formées sur un intuitu personae fort. La décision est très discutable puisqu'elle ne permet pas une protection des créanciers sociaux pendant la période de transition et met la société en danger en raison par la perte de l'affectio societatis de l'associé en déconfiture. Cependant la solution proposée par l'autre partie de la doctrine ne semble pas plus convaincante en raison des difficultés à définir ce qu'est exactement la déconfiture, et du fait que l'exclusion au jour de l'ouverture de la procédure collective a pour conséquence de ne laisser aucun choix à la société. [...]
[...] Or, dès l'ouverture de la procédure collective, et si la société a renoncé à la dissolution, l'associé en déconfiture sait qu'il finira, à terme, par perdre sa qualité d'associé. Il peut donc participer à la vie sociale et voter alors qu'il sait qu'il ne demeurera pas associé de la société. On peut donc penser qu'il a perdu l'affectio societatis. Or, dans la société civile cette perte est grave puisque ce type de sociétés se caractérise principalement par l'intuitu personae et donc par un affectio societatis particulièrement développé, en raison du risque qu'encoure chaque associé en entrant dans la société. [...]
[...] Si la lecture faite par la Cour de Cassation de l'article 1860 du Code civil était peu convaincante du point de vue de la protection des créanciers, il en est de même du point de vue du droit des sociétés La réponse apportée par la Cour de Cassation n'ayant pas satisfait une partie de la doctrine, une solution alternative aux deux courants doctrinaux déjà existant a été proposée à l'occasion de cet arrêt A –L'application stricte de l'article 1860 et les caractéristiques de la Société Civile. On a donc vu que durant la période entre l'ouverture de la procédure collective et l'exclusion définitive de l'associé en déconfiture, ce dernier conserve tous ses droits sociaux. [...]
[...] Cette solution est d'ailleurs tout à fait conforme au mécanisme proche de la cession de parts sociales : l'effet translatif de propriété et la perte de la qualité d'associé du cédant ont lieux au jour de la conclusion du contrat de cession. Cette solution permet donc de faire disparaître la période de transition où l'intéressé demeure associé tout en étant insolvable et dépourvu d'affectio societatis. [...]
[...] Cependant, la décision de la Cour de Cassation, en adoptant une telle solution de droit, laisse la société choisir à quel moment l'associé en déconfiture sera remboursé de ses parts sociales et donc à quel moment il perdra la qualité d'associé. La loi n'ayant prévu aucun délai, la période de transition, durant laquelle l'associé en déconfiture conserve sa qualité d'associé tout en étant destiné à disparaître de la société, peut être très longue. Or cette période peut être à l'origine de nombreux problèmes pour la société et notamment quant aux garanties qu'elle peut apporter à ses créanciers avec l'obligation solidaire aux dettes sociales incombant aux associés. [...]
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