L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 10 juin 1987 nous donne une nouvelle illustration des limites de la compensation légale.
Une employée de maison est licenciée et ses employeurs se voient déclarés débiteurs de celle-ci d'une certaine somme correspondant à des indemnités. Les débiteurs proposent de ne lui verser qu'une partie de cette somme au motif que leur créancière est elle-même leur débitrice. En effet, l'employée certifie avoir reçu une somme d'argent et emprunté des objets à ces anciens employeurs. Le Tribunal d'instance saisi accepte cette compensation après examen des éléments la composant. L'employée créancière forme alors un pourvoi en cassation.
La Cour casse le jugement du Tribunal du 16 mai 1984 au motif qu'il viole l'article 1291 du Code civil en acceptant la compensation d'une créance d'une somme d'argent avec un prêt à usage.
Par cet arrêt, la Cour apporte des précisions quant à la recevabilité de la compensation légale.
Mais quelles sont les conditions d'application de ce procédé de simplification des créances ? Quels sont les obstacles à la compensation légale?
La situation de l'espèce semblait rassembler pour le Tribunal d'Instance les conditions nécessaires à l'application de la compensation légale (I) mais la Cour de cassation a montré que celle-ci pouvait être remise en cause si l'une des conditions n'était pas remplie, notamment celle de la fongibilité(II).
[...] La recevabilité de la compensation A. Définition La compensation est définie par le Code civil : lorsque deux personnes se trouvent débitrices, l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes ( ) jusqu'à concurrence de leur quotité respective. (Articles 1289 et 1290) Ainsi, lorsque deux personnes sont créancières et débitrices l'une envers l'autre, la compensation a pour effet d'éteindre les deux dettes à concurrence de la plus faible. Elle évite ainsi deux paiements en sens contraire. [...]
[...] Le recours à la compensation conventionnelle est une solution souvent utilisée en cas de faillite imminente de son cocontractant. Mais la conclusion d'un tel accord pendant la période suspecte risque d'entraîner son annulation, et l'obligation pour le créancier du débiteur défaillant de reverser les sommes perçues auprès des organes de la procédure. En l'espèce, le juge du fond du Tribunal d'Instance a vu dans la situation des parties une possible compensation légale de leurs dettes. Comme nous l'avons vu, les conditions énoncées à l'article 1291 sont cumulatives pour que la compensation légale puisse s'appliquer. [...]
[...] Les dettes doivent donc être non seulement certaines dans leur principe, mais également dans leur montant. La compensation ne peut jouer tant que le paiement de l'une des deux dettes n'est pas dû, n'est pas exigible, par exemple parce qu'elle est encore conditionnelle ou à terme ou parce qu'elle n'est pas par nature exigible (comme les obligations naturelles). En revanche l'existence d'un terme de grâce n'est pas un obstacle à la compensation. Une chose n'est pas fongible ou non fongible en elle-même, elle l'est avec une autre. [...]
[...] C'est donc sur l'absence de fongibilité entre les obligations des parties que la Cour de cassation va refuser la compensation. La fongibilité des obligations réciproques est assurément l'une des conditions essentielles du mécanisme compensatoire. II/ Les limites de ce mode de simplification des dettes La non-fongibilité de dettes est souvent à l'origine de l'impossibilité de compenser et ce même si les dettes sont connexes A. La non-compensation stricte des dettes non fongible L'article 1291 est formel quant à la nécessité de fongibilité des dettes lorsqu'il précise que la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et ne réserve en second alinéa que la seule exception des prestations en grains ou denrées, non contestées, et dont le prix est réglé par les mercuriales lesquelles peuvent alors se compenser avec des sommes liquides et exigibles La Cour de cassation, dans un arrêt du 11 janvier 1937, a repoussé toute possibilité de compensation entre le droit réel de copropriété qui appartient à l'un des cohéritiers sur l'ensemble de la succession, et la dette en numéraire d'une société envers l'Etat et de sa créance envers lui d'une nationalisation, laquelle s'exprimait en obligations remboursables en cinquante ans. [...]
[...] La jurisprudence a étendu de manière décisive la notion de connexité en la libérant des relations contractuelles strictement synallagmatiques. Elle a admis la compensation renforcée des dettes connexes alors, pourtant, que celles-ci n'étaient pas nées d'un même contrat. C'est ainsi qu'il peut y avoir compensation dès lors que les créances et les dettes nées de plusieurs conventions, constituent les éléments d'un ensemble contractuel unique, servant de cadre général aux relations d'affaires entre les parties (Arrêt de la Chambre commerciale du 14 mars 2000). [...]
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