Lors de la présentation du Code civil en 1804, Portalis déclarait que " les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois ". Dans le cadre plus restreint des contrats et notamment des ventes, deux catégories d'individus s'étant distinguées, à savoir les acheteurs et les vendeurs, il apparût également nécessaire de déterminer aux dépens desquels imposer des obligations et en faveur desquels, au contraire, étendre la protection de la justice et ce, par l'interprétation, parfois sujette à controverse, de textes très généraux. L'arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 2000, rendu en sa première chambre civile, en constitue une application.
Le dol est un vice du consentement en cela seul qu'il est la cause du consentement : il élargit le domaine de l'erreur, en ce que, si l'erreur est provoquée par un dol, on pourra la sanctionner sur le fondement du dol ( art 1116) même si elle n'a pas porté sur les qualités substantielles. C'est la déloyauté du consentement qui est alors invoquée pour élargir le domaine de l'erreur quand elle est provoquée par ces manœuvres : fondement moral qui est d'ailleurs au cœur de l'arrêt rendu par la 1ère chambre de la cour de cassation le 3 mai 2000.
En 1986, madame Boucher a vendu aux enchères publiques 50 photographies d'un certain Baldus au prix unitaire de 1000 francs. En 1989, après des recherches elle retrouve enfin l'acquéreur, M. Clin, et lui vend successivement 35 puis 50 autres photographies du même artiste, chacune au prix de 1000 francs, qu'elle avait elle-même fixé. Mais, par la suite, elle apprend que Baldus était un photographe d'une très grande notoriété, et n'hésite pas à porter plainte devant une juridiction pénale pour escroquerie contre son acquéreur.
Une ordonnance de non-lieu ayant été rendue, madame Boucher assigne alors M. Clin devant une juridiction civile en invoquant le dol dont elle estime avoir été victime. La cour d'appel de Versailles, en 1997, condamne M. Clin à lui payer la somme de 1 915 000 francs représentant la restitution en valeur des photos vendues lors des ventes de gré à gré de 89 après déduction des 85 000 francs encaissés par elle.
Le problème de droit qui se pose à la Cour est donc de savoir si le silence de l'acheteur sur la valeur de l'objet de la transaction est constitutif d'une réticence dolosive.
A cette question, la Cour de cassation répond négativement en cassant l'arrêt rendu par la Cour d'appel, estimant qu' " en statuant ainsi alors qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur, la cour d'appel a violé "l'article 1116 du Code civil. Pour fonder leur décision les magistrats relèvent qu'avant de conclure avec Mme Boucher les ventes de 89, M. Clin avait déjà revendu des photos de Baldus qu'il avait acquises en 86 aux enchères publiques à des prix sans rapport avec leur valeur d'achat, de sorte " qu'il savait en 1989, qu'il contractait à prix dérisoire ". M. Clin, par sa réticence à lui faire connaître la valeur exacte des photos aurait donc manqué à son obligation de contracter de bonne foi, et " avait incité Mme Boucher à conclure une vente qu'elle n'aurait pas envisagée dans ces conditions ".
Il convient alors d'analyser, d'une part , la négation de l'obligation d'informer, que la Cour de cassation pose ici en principe (I), avant d'étudier, d'autre part, les conséquences particulières et générales qui en découlent (II).
[...] Même si dans cette affaire, l'un des contractants était un professionnel, la jurisprudence a écarté une quelconque distinction selon la nature des parties. Cependant dans cet arrêt, la cour soulignait que l'acquéreur était dirigeant social et qu'il a manqué au " devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société à l'égard de tout associé, en particulier lorsqu'il en est intermédiaire pour le reclassement de sa participation " et qu'un tel devoir ne semble pas exister dans les rapports entre madame Boucher et monsieur Clin. [...]
[...] L'arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 2000, rendu en sa première chambre civile, en constitue une application. Le dol est un vice du consentement en cela seul qu'il est la cause du consentement : il élargit le domaine de l'erreur, en ce que, si l'erreur est provoquée par un dol, on pourra la sanctionner sur le fondement du dol ( art 1116) même si elle n'a pas porté sur les qualités substantielles. C'est la déloyauté du consentement qui est alors invoquée pour élargir le domaine de l'erreur quand elle est provoquée par ces manœuvres : fondement moral qui est d'ailleurs au cœur de l'arrêt rendu par la 1ère chambre de la cour de cassation le 3 mai 2000. [...]
[...] L'arrêt de 1974 le rappelle : " l'erreur provoquée par le dol peut ne pas porter sur la substance de la chose Cette admission fut à l'origine de nombreuses critiques. Le dol supposait une erreur provoquée par un comportement positif : " qui ne dit rien, ne trompe pas " comme l'exprimait au début du Siècle Marcel Planiol. En outre, la morale ne saurait imposer, en révélant à l'autre les inconvénients qu'il aurait à contracter, de lui fournir des " armes " cotre soi-même. [...]
[...] Cet arrêt respecte la volonté du législateur de 1804, qui refusait la lésion du vendeur en matière mobilière. Au détriment de la transparence contractuelle. On peut également supposer qu'un glissement va s'opérer en raison des conclusions différentes apportées par la jurisprudences aux requêtes formulées en s'appuyant sur l'article 1110 du Code civil et sur celui 1116, les acheteurs arnaqueurs, ayant tout intérêt à se tourner vers cette dernière. [...]
[...] Clin, par sa réticence à lui faire connaître la valeur exacte des photos aurait donc manqué à son obligation de contracter de bonne foi, et " avait incité Mme Boucher à conclure une vente qu'elle n'aurait pas envisagée dans ces conditions Il convient alors d'analyser, d'une part, la négation de l'obligation d'informer, que la Cour de cassation pose ici en principe avant d'étudier, d'autre part, les conséquences particulières et générales qui en découlent (II). I. La négation de l'obligation d'information quant au refus de prise en compte du dol par réticence Le dol se définit comme des manœuvres déloyales sans lesquelles le contractant n'aurait pas conclu ou dans des conditions déloyales. On parle alors d'erreur provoquée. Le silence peut-il constituer l'une de ces manœuvres déloyales ? [...]
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