L'arrêt de cassation rendu le 12 juillet 1991 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation concerne la question controversée de la nature juridique de l'action en responsabilité intentée par une personne victime de l'inexécution d'une obligation née d'un contrat auquel elle n'est pas partie.
En l'espèce, une personne (M. Besse) avait confié à un entrepreneur du bâtiment (M. Alhada) le soin de construire un immeuble à usage d'habitation, mission que ce dernier a sous-traitée à un tiers (M. Protois) dans sa partie plomberie. En raison du caractère défectueux des travaux de plomberie, le maître de l'ouvrage a assigné l'entrepreneur et le sous-traitant en réparation de son préjudice.
Par arrêt rendu le 16 janvier 1990 par la Cour d'appel de Nancy, le maître de l'ouvrage a été débouté de ses demandes formulées notamment à l'endroit du sous-traitant, au motif pris de ce que « dans le cas où le débiteur d'une obligation contractuelle a chargé une autre personne pour l'exécution de cette obligation, le créancier ne dispose contre cette dernière que d'une action nécessairement contractuelle, dans la limite de ses droits et de l'engagement du débiteur substitué ». Aussi, la Cour d'appel en a-t-elle déduit que, en l'espèce, « le sous-traitant était en droit d'opposer au maître de l'ouvrage tous les moyens de défense tirés du contrat de construction conclu entre ce dernier et l'entrepreneur principal, ainsi que des dispositions légales qui le régissent, en particulier la forclusion décennale ». Le maître de l'ouvrage forma un pourvoi en cassation.
Dans cette affaire, la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si l'action intentée directement par le maître de l'ouvrage contre le sous-traitant est nécessairement une action de nature contractuelle ?
Aux termes de son contrôle en droit, la Cour de cassation, se prononçant, au visa de l'article 1165 du Code civil, par la cassation de l'arrêt d'appel, a estimé, en sens exactement contraire à l'arrêt attaqué, que « le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage ». Ce faisant, la Cour opère un important de revirement de jurisprudence.
Pour rendre compte de ce revirement dans le cadre du présent commentaire, nous procéderons d'abord à une analyse technique de l'arrêt ( I ), à la suite de quoi nous pourrons en proposer une analyse politique ( II ).
[...] une clause limitative de responsabilité est stipulée pour un montant différent dans chaque contrat, on parlera en revanche ici de fongibilité des stipulations), elle conduisait à un résultat particulièrement si ce n'est systématiquement désavantageux pour la victime puisque, nous citons un auteur (P. Ancel, préc.), l'addition des clauses aboutissait en réalité à une soustraction des droits. Si par ex. le droit à indemnité du maître de l'ouvrage contre l'entrepreneur principal était limité par la stipulation d'une clause limitative de responsabilité dans le contrat de construction à 100 unités, le maître de l'ouvrage ne pouvait pas demander plus au sous- traitant défendeur qui pouvait lui opposer cette limite. [...]
[...] A tout le moins, l'arrêt du 8 mars 1988 précité est-il explicitement visé puisque les faits de l'espèce Besse concernaient comme dans cet arrêt une chaîne homogène de contrats non translatifs. Mais implicitement, l'arrêt du 21 juin 1988 est nécessairement remis en cause également car si la solution ancienne ne vaut plus pour les chaînes contractuelles, modèle de groupe de contrats par excellence, a fortiori ne vaut-elle plus en présence d'un simple ensemble contractuel ne constituant pas une chaîne. Techniquement exacte, la solution nouvelle doit maintenant être analysée sous l'angle de la politique juridique. Autrement dit, quelles raisons ont justifié ce revirement ? [...]
[...] 1ère juin), en présence d'un ensemble contractuel non translatif ne constituant pas une chaîne contractuelle, elle qualifia là encore l'action en responsabilité de contractuelle. La généralisation de l'action contractuelle en responsabilité était ainsi achevée : dans tous les cas de figure, la tierce- victime de l'inexécution dommageable d'un contrat du groupe devait pour agir en responsabilité exercer une action de nature contractuelle. Du moins, il le devait si, en cas de pourvoi, son cas ne parvenait pas à la connaissance de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation puisque, par quatre arrêts (22 juin oct. [...]
[...] A la vérité, sauf à considérer le fondement de la transmission accessoire comme fragile (v. P. Ancel, Les arrêts de 1988 sur l'action en responsabilité contractuelle dans les groupes de contrats, quinze ans après, Mélanges Ponsard), ces extensions n'avaient rien de choquant puisqu'elles constituaient une suite logique de l'idée d'accessoire. Cependant, l'extension du domaine de l'exception ne se limita pas aux groupes de contrats translatifs, puisque l'on s'est encore interrogé sur le point de savoir s'il ne convenait pas de qualifier de contractuelle l'action en responsabilité dans les groupes de contrats non translatifs (v. [...]
[...] On relève d'ailleurs expressément cette idée dans l'arrêt du 21 juin 1988 affirmant dans son attendu que ( ) le débiteur ayant dû prévoir les conséquences de sa défaillance selon les règles contractuelles applicables en la matière, la victime ne peut disposer contre lui que d'une action de nature contractuelle, même en l'absence de contrat entre eux Or de ce point de vue, il est curieux que l'unilatéralisme de la prise en compte des intérêts de l'une des parties au litige soit en faveur du responsable et non de la victime. A priori, quitte à ne tenir compte des intérêts que de l'une des parties au litige, le bon sens eût commandé de tenir compte des intérêts de la victime et non de ceux du responsable. Théoriquement ensuite, il fallait sans doute faire observer que la méconnaissance des intérêts de la victime impliquait nécessairement la méconnaissance de la relativité du lien contractuel. [...]
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