L'arrêt de cassation partielle rendu le 6 septembre 2002 par une Chambre mixte de la Cour de cassation concerne, à titre principal, les difficultés suscitées par la pratique grandissante des fausses annonces de gain à l'occasion de loteries publicitaires (la question soulevée par le premier moyen, relative aux règles de liquidation d'une indemnité de reparation, ne sera en conséquence pas traitée dans le cadre de ce commentaire).
Dans cette affaire, un particulier a reçu d'une société un document l'avisant explicitement de ce qu'il avait gagné une certaine somme d'argent, à la condition de renvoyer dans les délais prévus un bon de validation du gain. Bien que la formalité fut parfaitement accomplie, aucun gain ni réponse ne parvinrent au particulier. Dans ces conditions, ce dernier assigna la société, au principal, en délivrance du gain en vertu de l'existence d'un engagement volontaire et, subsidiairement en vertu de la commission d'une faute délictuelle constituée par le caractère mensonger de l'annonce de gain, en paiement du montant de ce gain à titre d'indemnite de réparation.
Par arrêt rendu le 23 octobre 1998, la Cour d'appel de Paris condamna la société à réparer le préjudice subi par le particulier en décidant l'allocation d'une indemnité d'un montant inférieur à celui du gain faussement annoncé, et ce aux motifs pris de ce qu' « en annonçant de façon affirmative une simple eventualité, la société avait commis une faute délictuelle constituée par la création de l'illusion d'un gain important et que le préjudice ne saurait correspondre au prix que M…X avait cru gagner ». Le particulier forma un pourvoi en cassation. Le moyen de cassation ayant ete relevé d'office par la Cour de cassation (et non pas formulé par l'auteur du pourvoi), il n'est pas possible de retracer avec certitude le ou les moyens qu'a formulés le particulier au soutien de son pourvoi. Mais a priori, puisque le pouvoir des juges du fond est souverain s'agissant de la fixation du montant de l'indemnité reparatrice, le ou les moyens du pourvoi ont vraisemblablement porté sur les motifs retenus par les juges pour écarter le fondement de l'engagement volontaire soutenu à titre principal par le particulier.
Pour la même raison (le motif retenu par la Cour de cassation résulte d'un moyen qu'elle a soulevé d'office), la détermination de la ou des questions juridiques posées à la Haute juridiction par le demandeur au pourvoi se revèle hasardeuse. En revanche, il est n'est pas douteux que la Cour de cassation se soit posée une question de droit qu'il est possible de formuler dans les termes suivants : quel fondement juridique d'obligation convient-il de retenir lorsque, à des fins commerciales, une personne annonce mensongèrement à une autre qu'elle a gagné, dans le cadre d'une loterie publicitaire, une certaine chose dont elle peut entrer en possession en procédant à sa réclamation selon une formalité précisée dans l'avis de gain ? Autrement dit, la fausse promesse de gain est-elle un contrat, un engagement juridique unilatéral, un délit, un quasi-délit voire un quasi-contrat ?
Au terme de son contrôle en droit, la Cour de cassation s'est prononcée par la cassation partielle de l'arrêt et ce au visa de l'article 1371 du Code civil. La Haute juridiction a en effet estimé, de manière quelque peu autoritaire puisque la cassation resulte d'un moyen de cassation relevé d'office, qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'appel a violé par inapplication le texte susvisé alors que « l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne denommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ».
De la sorte la Cour de cassation fait œuvre d'une certaine volonté de renouveler la question puisque l'on songeât volontiers qu'elle y réponde en faisant une application clarifiée de l'un des fondements juridique d'obligation jusqu'alors retenus. En consacrant l'existence d'une fausse promesse comme nouvelle source quasi-contractuelle d'obligation, la solution opte en réalité pour un fondement d'obligation inédit (I). Cependant, nous observerons également que, selon une dialectique analyse pratique – analyse juridique, ce fondement n'en est pas moins incertain (II).
[...] L'apparition d'un nouveau quasi-contrat Alors que les juges d'appel avaient en l'espèce retenu le fondement délictuel, la Cour de cassation censure ces derniers aux motifs que l'organisateur d'une loterie qui annonce à une personne dénommée et sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer [ ] Ainsi pour la Cour de cassation, aucun des fondements classiques ne devait eêre retenu en pareille hypothèse. Le souci de la Cour de renouveler le droit des obligations est criant. [...]
[...] En réalité, cette solution est plus emprunte d'une fonction dissuasive que véritablement sanctionnatrice. La Cour de cassation a sans doute pour ambition de signifier aux organisateurs de loteries que la règle de droit applicable sera de conditions d'application minimale (une promesse de gain sans annonce d'aléa) et d'effet maximal (l'intégralité du gain devra être délivré). En bonne logique, ceci devrait conduire les organisateurs de loteries à revoir leur méthode de commercialisation, notamment en annonçant l'existence d'un aléa relativement à l'obtention du gain. [...]
[...] supra II.A.), elle conduit à la déformation conceptuelle d'une autre catégorie d'obligation, celle des faits juridiques licites, à savoir les quasi- contrats. S'agissant des raisons qui tiennent à l'environnement juridique de la fausse promesse, la solution laisse de côté le fondement juridique d'obligation qui est sans doute le plus approprié, c'est-à-dire les délits. Nous avons vu en effet (cf. supra I.A.) qu'en cas de fausse promesse, les conditions de la responsabilité civile délictuelle sont parfaitement réunies : la fausse promesse constitue une faute volontaire dont il résulte un préjudice consistant dans la déception. [...]
[...] Ensuite, il est également remarquable que la Cour de cassation fasse clairement œuvre de création dans l'ordre des sources des obligations. On sait que, à un stade plus ou moins avancé dans le droit positif, certaines sources sont en devenir, ainsi de l'engagement juridique unilatéral, du principe de cohérence, ou encore de la théorie de l'apparence, variante, dans les rapports triangulaires, de la confiance légitime. On sait également que la technique créatrice de la Cour de cassation ici employée emprunte de beaucoup à celle qui lui a servi pour étendre les sources quasi-délictuelles d'obligations : les termes généraux de l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil, davantage annonciateurs des dispositions suivantes relatives par ex. [...]
[...] Mais ces dispositions visent essentiellement à prohiber le fait que les achats soient érigés en condition d'obtention du gain. Or, les retombées positives des loteries publicitaires peuvent également consister dans l'accroissement des fichiers de clientèle. Ces dispositions de droit spécial sont donc d'une protection toute relative, le droit commun entend en conséquence pallier à cette insuffisance (rapp. Directive UE 2005 prohibant les pratiques commerciales agressives ou abusives). Ensuite l'idée de sanction des organisateurs de loteries n'est pas étrangère à la solution de la Chambre mixte. [...]
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