« Le patronyme est devenu [...] un signe distinctif qui s'est détaché de la personne physique qui le porte, pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue et devenir ainsi objet de propriété incorporelle », tel est l'effet dégagé du principe énoncé par cet arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 mars 1985, et relatif à une action menée en défense du nom contre son utilisation commerciale par une société. Deux frères, porteurs donc du même nom patronymique, ont, par acte sous seing privé, en 1946, choisi de donner leur nom à une société d'édition dont ils étaient les fondateurs. L'un des deux associés, après s'être retiré de la société, demande qu'il soit ordonné sous astreinte à la société d'édition dont il est un cofondateur de cesser toute utilisation du nom dans sa dénomination sociale et, à cette société et à la société de diffusion, de cesser toute utilisation de ce nom dans leurs « dénominations commerciales ». La Cour d'appel reçoit cette demande, énonçant qu' « il n'y a eu aucune convention sur l'usage du nom [...] par la société ou sur l'inclusion de ce nom dans la dénomination sociale » et se fondant sur les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du nom.
L'associé cofondateur d'une société pour la dénomination de laquelle son nom a été choisi peut-il, lorsqu'il s'en retire, exiger de la société qu'elle cesse toute utilisation du nom dans ses dénominations sociale et commerciale ?
La Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d'appel, sans ordonner de renvoi, et statue dans un sens contraire, au motif en effet de la violation par la Cour d'appel de l'article 1134 du Code civil et de l'article 1er de la loi du 28 juillet 1824, selon que « le patronyme est devenu [...] un signe distinctif s'est détaché de la personne qui le porte » (l'associé cofondateur de la société), « pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue et devenir ainsi objet de propriété incorporelle » (...)
[...] L'inaliénabilité du nom est un principe fort, proclamé par l'article premier, jamais abrogé, de la loi du 6 fructifor an II : Aucun citoyen ne pourra porter de nom, ni de prénom, autres que ceux exprimés dans son acte de naissance Bien qu'il puisse se prêter à certaines modifications (changement de l'état de la famille : mariage, divorce, adoption ; possibilité du changement de nom ouverte par la loi par exception), le nom reste, en principe, immuable, et nul ne peut changer de nom à sa guise. D'autre part, l'imprescriptibilité du nom réside dans le fait qu'un individu ne peut pas perdre le droit de porter son nom, que le nom ne s'acquiert pas par voie de prescription acquisitive, ou encore qu'un nom ne se perd pas par le non usage. [...]
[...] C'est ainsi que la Cour de cassation motive sa décision. Le nom est donc ici considéré comme une propriété incorporelle ce qui expliquerait qu'il se détache de la personne physique qui le porte pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue, en l'occurrence la société d'édition. Dans cette vision, la propriété du nom échappe à l'ancien associé cofondateur de la société, qui pourtant le porte, sans pour autant revenir à la société d'édition. Par ailleurs, la Cour relève la conclusion d'un accord quant au choix de ce nom pour la société, en 1946 : il y a bien eu insertion le 23 janvier 1946 dans les statuts de la société signés de [l'associé qui en est titulaire] du patronyme. [...]
[...] Cependant, ce rappel ne sert pas de fondement à l'arrêt, mais au contraire à introduire une exception au principe énoncé. L'exception Le principe [ ] ne s'oppose pas à la conclusion d'un accord portant sur l'utilisation de ce nom comme dénomination sociale ou nom commercial. Bien que le nom soit incessible, comme il en est fait rappel, cela ne s'oppose pas, du point de vue de la Cour de cassation, à la conclusion d'un accord quant à l'utilisation de ce nom à des fins commerciales. [...]
[...] En établissant une exception au principe de l'indisponibilité du nom patronymique, la Cour de cassation se voit devoir instaurer par la même occasion un nouveau principe quant à l'utilisation commerciale du nom qui est visée ; ce domaine du droit au nom va s'en trouver bouleversé. II Un nouveau principe en matière d'utilisation commerciale du nom Un nouveau principe se trouve donc établi quant à l'utilisation rendue plus largement possible du nom patronymique comme dénomination sociale ou nom commercial pour une société. [...]
[...] Malnoy Louis-Arthur Droit Civil Commentaire d'arrêt : Cass. Com mars 1985 Introduction : Le patronyme est devenu [ ] un signe distinctif qui s'est détaché de la personne physique qui le porte, pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue et devenir ainsi objet de propriété incorporelle tel est l'effet dégagé du principe énoncé par cet arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 mars 1985, et relatif à une action menée en défense du nom contre son utilisation commerciale par une société. [...]
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