Jusqu'en mars 1991, seules quelques décisions isolées de juges du fond ont pris parti pour une extension de la liste des cas de responsabilité du fait d'autrui, la Cour de cassation ayant maintenu son refus initial. Ce sont essentiellement deux jugements rendus respectivement par le tribunal pour enfants de Dijon, le 27 février 1965, et par le tribunal pour enfants de Poitiers, le 22 mars 1965, qui ont opté pour une extension, fondée sur l'article 1384 alinéa 1, de la liste des cas de responsabilité pour autrui résultant des alinéas 4 et suivants du même texte. Alors que la Cour de cassation avait toujours décidé le contraire notamment dans l'arrêt du 15 février 1956, l'Assemblée Plénière va dans sa décision du 29 mars 1991 affirmer implicitement qu'il existe un principe général de responsabilité du fait d'autrui, lequel repose comme la responsabilité du fait des choses, sur l'article 1384 alinéa 1er. En l'espèce, il s'agissait d'un handicapé mental majeur qui avait été confié a un centre d'aide par le travail et qui, au cours d'un travail qu'il effectuait en milieu libre, avait provoqué l'incendie d'une forêt.
Il s'agissait de savoir si le centre d'aide de Sornac devait répondre de la faute de l'enfant dont il avait la charge. En d'autres mots, la faute de l'enfant pouvait-elle engager la responsabilité de l'association gérant le centre au regard des cas de responsabilité du fait d'autrui prévus par la loi ?
L'action en responsabilité dirigée contre l'association gérant le centre et contre son assureur avait été accueillie par le tribunal civil de Tulle sur le fondement d'une soi-disant faute de surveillance qui n'avait pas une véritable consistance, le principe même de la méthode libérale appliquée en l'espèce étant de ne pas surveiller l'intéressé pendant son travail. Aussi bien, est-ce la raison pour laquelle la Cour de Limoges, saisie en appel le 23 mars 1989, tout en maintenant la condamnation, a voulu la motiver autrement. Elle a invoqué le risque social créé par les méthodes libérales de rééducation et elle en a déduit que ce risque permet d'appliquer « les dispositions de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil, qui énoncent le principe d'une présomption de responsabilité du fait de personnes dont on doit répondre ». C'était finalement reprendre presque textuellement la motivation du jugement du tribunal pour enfants de Dijon de 1965 en l'appuyant sur l'affirmation selon laquelle « le principe de l'indemnisation des victimes s'inscrit désormais dans l'éthique politique et sociale ». Un pourvoi en cassation fut formé contre cet arrêt et le moyen présenté était le suivant : « Il n'y a de responsabilité du fait d'autrui que dans les cas prévus par la loi. La Cour d'appel aurait violé l'article 1384 alinéa 1er du Code civil ». Ce pourvoi posait une question capitale. Fallait-il dégager de l'article 1384 alinéa 1 un principe général de responsabilité du fait d'autrui ?
La deuxième chambre civile estima qu'il était préférable de soumettre cette question à l'Assemblée Plénière afin que la Cour de cassation s'engage toute entière sur l'opportunité d'un éventuel revirement. C'est ainsi que l'Assemblée Plénière a été invitée à statuer le 29 mars 1991 ce qui donne lieu à l'arrêt étudié. Elle a considéré que l'association avait accepté la charge d'organiser et de contrôler a titre permanent le mode de vie de l'auteur du dommage. En rejetant le pourvoi et en approuvant la condamnation sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1, la Cour de cassation a abandonné sa position antérieure relative au caractère limitatif de l'énumération légale des « personnes dont on doit répondre ».
Il s'agit donc dans un premier temps d'étudier l'éventuelle création d'un principe général de responsabilité du fait d'autrui (1) pour ensuite analyser la mise en œuvre de cette nouvelle responsabilité (2) en dégageant de manière claire et précise les conditions d'engagement dégagées par l'arrêt et le régime de cette responsabilité.
[...] Si les victimes trouvent dans l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil une protection équivalente ou supérieure a celle que leur procurent actuellement les régimes particuliers visés par les alinéas 4 et suivants, elles auront évidemment tendance a délaisser ceux-ci qui pourraient bien, pour peu que la jurisprudence y prête la main, tomber plus ou moins en désuétude ainsi que cela s'est produit pour l'article 1386 après la découverte du principe général de la responsabilité du fait des choses. Il y a donc dans l'arrêt Blieck du 29 mars 1991, le germe d'une évolution peut-être considérable. Il a cependant fallu pour affiner le régime et la portée de la responsabilité des choses initiée dans l'arrêt Jand'Heur des coups d'arrêts et revirement ce qui en va nécessairement de même pour la responsabilité du fait d'autrui. [...]
[...] Fallait-il dégager de l'article 1384 alinéa 1 un principe général de responsabilité du fait d'autrui ? La deuxième chambre civile estima qu'il était préférable de soumettre cette question à l'Assemblée Plénière afin que la Cour de cassation s'engage toute entière sur l'opportunité d'un éventuel revirement. C'est ainsi que l'Assemblée Plénière a été invitée à statuer le 29 mars 1991 ce qui donne lieu à l'arrêt étudié. Elle a considéré que l'association avait accepté la charge d'organiser et de contrôler a titre permanent le mode de vie de l'auteur du dommage. [...]
[...] Cependant, il s'agissait en l'espèce d'une mineure dangereuse. On peut être tenté de limiter l'article 1384 alinéa 1 aux personnes dangereuses ce qui serait donc un cas spécial. Mais dans l'arrêt du 22 mai 1995, il est admis une responsabilité des associations du fait des sportifs. Il s'agissait cependant de rugby d'ou l'application de l'article. Cette notion de dangerosité est abandonnée finalement dans l'arrêt Les Majorettes du 12 décembre 2002. Ce n'est plus une condition d'engagement de la responsabilité fondée sur l'alinéa 1. [...]
[...] En sortant du domaine de cet article initialement prévu pour les parents, les commettants ou les enseignants, on est passé d'une responsabilité du fait des choses a une responsabilité du fait d'autrui Il faut cependant nuancer l'affirmation de ce principe général car certains éléments porteraient à faire croire que seul un cas spécial a été soulevé par l'Assemblée Plénière Du principe général du fait des choses au général du fait d'autrui L'Assemblée Plénière, dans sa décision du 29 mars 1991 admet le fait qu'il peut y avoir des cas de responsabilité délictuelle du fait d'autrui autres que ceux qui sont spécifiquement visés par les alinéas 4 et suivants de l'article 1384 du Code civil. C'est là un revirement dont la portée est considérable. Elle peut être comparée à celle de l'arrêt Teffaine de juin 1896 en ce qui concerne la responsabilité du fait des choses. Cette jurisprudence Teffaine sera confirmée par l'arrêt Jand'Heur le 13 février 1930 qui aujourd'hui est considéré comme l'arrêt de principe quant a la responsabilité du fait des choses. [...]
[...] Reste que, à la lecture de la décision de l'Assemblée Plénière, on est passé a partir d'un même fondement de la responsabilité du fait des choses à la responsabilité du fait d'autrui. La position de l'Assemblée Plénière demeure cependant prudente ce qui nous conduit à se demander si un principe général du fait d'autrui a bien été dégagé et affirmé Un principe général du fait d'autrui contestable De nombreux auteurs et professeurs se sont penchés sur la difficile question de savoir si oui ou non un principe général de responsabilité du fait d'autrui a été dégagé dans l'arrêt Blieck. [...]
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