« On est responsable non seulement du dommage que l'on a causé par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde », article 1384 alinéa 1.
De cet article, la Cour de cassation a découvert un nouveau principe de responsabilité civile : le principe de responsabilité du fait des choses, affirmé dès l'arrêt Teffaine du 16 juin 1886 et consacré par l'arrêt Jand'heur.
En l'espèce, il s'agit bien de responsabilité du fait des choses. En tombant d'une balançoire improvisée, un infans (l'enfant est âgé de trois ans) crève l'oeil d'un camarade avec un morceau de bois qu'il tenait à la main. Le demandeur, père de l'enfant blessé, engage la responsabilité des parents puis, les conditions de responsabilité parentale étant contestées, engage celle de l'auteur du dommage en tant que gardien de la chose ayant causé le dommage. La question qui se pose alors au juge est de savoir si un enfant de trois ans peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 ? Ou autrement dit si un individu privé de discernement peut être considéré comme le gardien d'une chose au sens de l'article 1384 alinéa 1 ? La Cour d'Appel d'Agen retient la responsabilité de ce très jeune enfant considérant qu'il peut être gardien d'une chose. Le pourvoi ayant opposé que « l'imputation d'une responsabilité présumée implique la faculté de discernement », l'Assemblée plénière rejette ce motif et affirme que « Mais attendu qu'en retenant que le jeune Éric avait l'usage, la direction et le contrôle du bâton, la Cour d'Appel qui n'avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur, à rechercher si celui-ci avait un discernement a légalement justifié sa décision. » Par cet arrêt, la Cour de Cassation admet la possibilité qu'un infans puisse être gardien (I) et montre l'étendue considérable de son pouvoir d?appréciation (II).
I. L'infans comme gardien d'une chose
Dans cet arrêt, l'Assemblée Plénière fait une stricte application de la notion de garde en rappelant la définition de la garde (A) et en affirmant la garde de l'infans (B) (...)
[...] Cet arrêt montre le pouvoir exceptionnel de la Cour de Cassation qui joue un rôle essentiel dans la responsabilité du fait des choses. II. Le juge comme acteur souverain dans la notion de garde Le juge a des pouvoirs multiples et peut bénéficier de certaines libertés dans un but d'indemniser la victime quant à la détermination du gardien et quant à la définition même de la garde A.Une détermination souveraine du gardien 1. (La détermination du gardien) La jurisprudence joue un rôle essentiel en matière de responsabilité civile et plus précisément en matière de responsabilité du fait des choses. [...]
[...] Le gardien est celui qui maîtrise la chose (définition donnée par l'article 1354-2 de l'avant projet de réforme du droit des obligations et de la prescription) car il s'en sert (l'usage), qui décide de la finalité de son emploi (la direction) et est en position d'éviter qu'elle ne fonctionne pas anormalement (le contrôle). L'Assemblée plénière confirme que l'infans disposait de ces trois prérogatives sur la chose et affirme la responsabilité du fait des choses de l'infans, gardien. B.L'affirmation du gardien infans 1. (Une évolution inévitable consécutive à la consécration du gardien dément) Par cet arrêt, la Cour de Cassation affirme qu'un infans peut être gardien. [...]
[...] Malaurie. Le Tourneau explique que l'objectivisation de la responsabilité des parents (les parents peuvent être responsables du fait licite de leur enfant à l'origine du dommage) et que le relais que constitue la responsabilité des parents à qui l'enfant est confié font qu'il n'est plus nécessaire de condamner l'infans pour que la victime soit indemnisée. [...]
[...] La CC, se fondant sur l'article 489-2, retient la responsabilité du mineur. La reconnaissance de la responsabilité du fait des choses d'un infans paraissait inéluctable puisque la Cour de Cassation retenait la responsabilité d'un enfant et même d'un enfant dément. C'est donc dans les suites logiques de la jurisprudence que l'Assemblée Plénière a pu retenir la responsabilité du fait des choses d'un infans. Dès lors, la garde peut donc se définir par un pouvoir de fait exercé de façon exclusive par une personne consciente ou non en toute indépendance. [...]
[...] Dans un arrêt du 14 janvier 1999, alors qu'un client a été blessé par la chute d'un chariot qu'il utilisait et des marchandises, la Deuxième Chambre Civile refuse de retenir la responsabilité de la société propriétaire du chariot puisqu'il y avait eu un transfert de propriété le chariot en cause ne pouvait être considéré comme une chose intrinsèquement dangereuse Le juge exerce un pouvoir souverain pour déterminer la garde et il apparaît que les conditions d'usage, contrôle et direction sont des alibis interprétés par le juge afin d'indemniser la victime. C'est ainsi qu'en interprétant souverainement la définition de la garde, le juge a pu retenir la responsabilité de l'infans. B.Une interprétation souveraine de la notion de garde La Cour de Cassation, comme le rappelle A. Tunc, crée le droit, doit élaborer des règles aussi satisfaisantes que possible. [...]
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