"Le domaine des contrats unilatéraux tels que le cautionnement, est rempli de ces zones indécises où droit, morale, moeurs, fait-droits et non-droits, tout se mêle et s'efface." Cette citation du Doyen CARBONNIER souligne qu'en matière de sûretés, le doute est souvent présent, et ce qui a été un temps peut ensuite disparaitre, pour finir par revenir.
Elle revêt en l'espèce toute sa pertinence avec la réaffirmation d'une position ancrée, puis contredite, et enfin réaffirmée par le présent arrêt.
En effet, dans un arrêt rendu le 8 juin 2007, la Chambre mixte de la Cour de Cassation a réaffirmé le principe d'inopposabilité des exceptions purement personnelles au débiteur principal, à la défaveur de la caution, ainsi que l'impossibilité pour cette dernière d'invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal.
En l'espèce, le dirigeant M.X de la société Y s'était porté caution solidaire envers le vendeur M. Y du remboursement du solde de l'acquisition de son fonds de commerce par ladite société.
Suite à la mise en liquidation judiciaire de la société Y, M. X caution fait assigner M.Y vendeur en nullité de la vente du fonds de commerce pour dol, et réclame ainsi la nullité de son engagement, sur le fondement des articles 2289 et 2313 alinéa 1 du Code civil.
La Cour d'Appel, en se fondant notamment sur l'article 2313 alinéa 2 du Code civil, déboute M. X de sa demande et retient que « la caution ne peut opposer au créancier l'exception de nullité relative tirée du vice du consentement du débiteur principal sur le fondement du dol », puisqu'il s'agit ici d'une exception purement personnelle à la société Y débitrice principale (...)
[...] Un net conflit se dessinait donc entre la première et la troisième Chambre civile, d'où la saisine de la Chambre mixte le 8 juin 2007. B ) La résurgence de la position originelle de la Cour de cassation par l'arrêt du 8 juin 2007 La Chambre mixte, par cet arrêt, juge que la caution ne peut pas opposer au créancier la nullité pour dol de l'obligation principale, dol commis par le créancier à l'encontre du débiteur principal, et ce notamment pour empêcher la caution de se décharger trop facilement de son engagement, ce qui aboutirait rapidement à une certaine inefficacité du cautionnement. [...]
[...] Elle considère en effet, que du fait que la caution ne peut opposer les exceptions purement personnelles au débiteur principal et que M. X [ ] n'avait pas été partie au contrat de vente du fonds de commerce donc il n'était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal nullité constituant une exception purement personnelle à ce dernier. Cette solution fut vivement critiquée, notamment par rapport au caractère accessoire du cautionnement. En effet, alors que la nature accessoire du cautionnement fait naître pour la caution, un principe d'opposabilité au créancier des exceptions appartenant au débiteur principal, la Cour de Cassation a néanmoins entendu restreindre ce principe en conférant une interprétation extensive à l'article 2313 du Code civil, c'est-à-dire en retenant l'inopposabilité du dol du créancier par la caution ( I Il est alors intéressant de s'attacher aux conséquences qu'engendre cette décision au regard dudit caractère accessoire du cautionnement, en ce qu'elle conduit tout de même à le remettre en cause ( II I ) L'inopposabilité du dol du créancier par la caution La caution est de tous les contractants l'un de ceux qui souscrit l'une des obligations les plus rigoureuses. [...]
[...] B ) Une solution justifiée bien que peu opportune en l'espèce Cet arrêt de revirement du 8 juin 2007 peut de prime abord paraitre assez stricte envers la caution, et bouleverse quelque peu les principes régissant le cautionnement, notamment le caractère accessoire de ce dernier. Cependant, cette décision trouve de solides justifications en droit ( 1 même si elle est en l'espèce assez peu opportune en raison des circonstances particulières de la présente situation ( 2 ) ) Une solution justifiée au fond Certes, la Chambre mixte, par cette décision, réduit la portée du caractère accessoire du cautionnement, mais elle n'en est pas moins justifiée en droit. [...]
[...] Ainsi, si le cautionnement porte sur une obligation dont la nullité relative est opposée par le débiteur principal, celui ci s'en trouve alors déchargé, à l'inverse de la caution qui elle reste tenue de son obligation de cautionnement, ne pouvant invoquer la nullité relative de l'obligation principale. Sur le fondement de la décision du 8 mai 2007, l'obligation de cautionnement subsisterait donc malgré la disparition de l'obligation principale dont elle est l'accessoire. Par ailleurs, dans l'hypothèse où le débiteur principal n'invoque pas la nullité relative, refuser à la caution de l'invoquer reviendrait à permettre au cautionnement de porter sur une obligation non valable. [...]
[...] Le vice du consentement affecte ce que chacun a de plus personnel, sa liberté de décision De ce fait, on voit mal comment la caution appellerait le jeu d'une protection dès lors que ce n'est pas sa liberté qui a été viciée mais celle du débiteur principal. Ainsi, la Cour de Cassation rejette la recevabilité de la demande de la caution en mettant en exergue le critère de l'objet de l'exception de nullité pour dol, qui sert avant tout à protéger le débiteur et non pas à permettre à la caution de se décharger de son engagement par tout moyen. TRANSITION : La jurisprudence a été hésitante concernant la possibilité ou non pour la caution d'opposer au créancier la nullité pour dol de l'obligation principale. [...]
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