L'obligation de respecter un équilibre dans la représentation des opinions politiques sur les chaînes de télévision trouve son origine dans une directive du Conseil d'administration de l'ORTF du 12 novembre 1969. Cet établissement public a en effet posé « la règle des trois tiers », qui réserve un tiers du temps de parole au Gouvernement, un tiers à la majorité parlementaire, et un tiers à l'opposition. Néanmoins, le temps de parole du Président de la République n'était pas pris en compte. Or l'évolution de la fonction présidentielle sous la Veme République fait émerger l'idée selon lequel le temps de parole du Chef de l'Etat doit être pris en compte, afin d'assurer le respect du pluralisme politique, comme nous pouvons le voir notamment dans un arrêt du Conseil d'Etat en date du 8 avril 2009, nommé Hollande et Mathus.
En l'espèce, deux députés socialistes ont demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de modifier sa délibération du 8 février 2000 relative aux modalités d'évaluation du respect du pluralisme politique dans les médias afin de prendre en compte les interventions du Président de la république et de ses collaborateurs, en dehors des périodes électorales.
L'autorité de Régulation n'accéda pas à cette demande en considérant que le refus de prendre en compte les interventions du Président valait par principe, notamment au regard du rôle qu'il joue dans les institutions, tels qu'il est défini à l'article 5 de la Constitution.
Les députés de l'opposition, contestant la validité de ce refus au regard du principe du pluralisme politique, décidèrent alors de former un recours pour excès de pouvoir auprès du Conseil d'Etat.
La question qui fut alors posée à la Haute juridiction administrative était de savoir si le temps de parole du Président de la République dans les médias doit être pris en compte dans la règle des trois tiers, afin d'assurer le respect du pluralisme politique ?
Le Conseil d'Etat fait droit à la demande des requérants en annulant la décision de refus du CSA aux motifs que, tout en reconnaissant la spécificité présidentielle, notamment au regard de l'article 5 de la Constitution, le Chef de l'Etat, en tant qu'homme politique, chef réel d'une majorité parlementaire, participe bien au débat politique national. Dès lors, le juge considère que le CSA ne pouvait sans méconnaître les normes de valeur constitutionnelle exclure toute forme de prise en compte de ses interventions dans l'appréciation du respect du pluralisme politique par les médias audiovisuels.
Il sera donc intéressant de voir dans un premier temps que le juge établit une distinction entre les fonctions institutionnelles du chef de l'État et sa participation au débat politique national pour assurer le respect du pluralisme politique (I), ce qui a un impact certain sur les règles de comptabilisation prévues par le CSA (II) (...)
[...] De ce fait, il n'est plus possible de considérer que les fonctions régaliennes l'emportent aujourd'hui par rapport à la conduite élyséenne de la politique de la Nation au moins sur le plan médiatique. Le symbole a cependant été maintenu intact au profit du Gouvernement, dans le texte inchangé de l'article 20. Mais, derrière le symbole, la réalité a évolué. En toute hypothèse, et a minima, on peut constater que l'Elysée est fortement présent dans le processus décisionnel, le jeu parlementaire, les structures partisanes, cette présence se traduisant logiquement au niveau des médias. [...]
[...] Toute la difficulté reste de savoir comment faire le départ entre les deux : si le Conseil d'État invite le CSA à procéder à une appréciation concrète fondée sur le contexte et le contenu des propos présidentiels, il n'indique pas pour autant quels sont les critères de distinction entre ce qui relève du débat politique national et ce qui n'en relève pas. Le Conseil d'État reste également silencieux sur les modalités de prise en compte du temps de parole Question : s'intègre-t-il à celui du gouvernement - fidèle à la pratique d'un président pleinement chef de l'exécutif voire à celui de la majorité - en concordance avec la pratique d'un président chef de la majorité avec l'incohérence qu'une telle règle comporte si d'aventure la France connaissait une nouvelle période de cohabitation ? [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Conseil d'Etat avril 2009, Hollande et Mathus, 311136 L'obligation de respecter un équilibre dans la représentation des opinions politiques sur les chaînes de télévision trouve son origine dans une directive du Conseil d'administration de l'ORTF du 12 novembre 1969. Cet établissement public a en effet posé la règle des trois tiers qui réserve un tiers du temps de parole au Gouvernement, un tiers à la majorité parlementaire, et un tiers à l'opposition. Néanmoins, le temps de parole du Président de la République n'était pas pris en compte. [...]
[...] Annulant la décision attaquée, le Conseil d'État impose au Conseil supérieur de l'audiovisuel de mettre la réglementation de l'expression des courants d'opinion en accord avec la pratique politique. Paradoxalement, l'arrêt Hollande et Mathus conduit à une forme de banalisation des interventions du président de la République qui, dorénavant, devra dans les médias être traité, pour partie, à l'image des autres pouvoirs publics : à l'instar du gouvernement, de la majorité et de l'opposition, la présidence de la République est susceptible d'exprimer une politique. [...]
[...] À la lueur de ces exemples, il est patent que l'on n'échappe pas à un cumul de critères : lorsque le Président exerce des missions qui lui sont explicitement confiées par la Constitution ou plus généralement imposées par les devoirs de sa charge, on se situe plutôt dans un rôle institutionnel : exercice du droit de grâce, promulgation de la loi, cérémonies de vœux, remises de décorations, commémorations, négociation d'un traité, etc. En revanche, les interventions présidentielles pour défendre un programme législatif, annoncer des réformes ou au cours d'une campagne électorale relèvent du débat politique. Naturellement, les lieux, les circonstances, et surtout la teneur des propos jouent un rôle essentiel. Si on comprend donc, au plan des principes, la ligne de partage dessinée par le Conseil d'État, il n'est pas possible de tirer de la seule Constitution les éléments concrets de cette partition. [...]
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