La qualification d'immeuble par destination d'un bien, par application de l'article 524 du Code civil, peut être sujette à interprétations et à des décisions douloureuses. C'est ainsi que le juge peut être amené à trancher entre deux argumentations solides, ce que nous démontre un arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 5 mai 1981.
Une propriété rurale appartenant à la société civile particulière Domaine horticole des Brulins, qui y exploitait une pépinière, a été saisie et adjugée à la société Clause le 12 juin 1972.
La société saisie a été déclarée en état de liquidation des biens le 5 juillet 1972 ; son syndic a demandé à la société Clause le paiement de la valeur de divers éléments d'actif appréhendés par cette dernière et qui, selon lui, n'avaient pas été compris dans la vente du domaine.
La Cour d'Appel de Paris, dans un arrêt du 12 décembre 1978, rejette la demande de Bénès, syndic de la liquidation des biens de la société Domaine horticole des Brulins, en paiement de la valeur d'un stock de terre de bruyère. Ledit arrêt est donc frappé d'un pourvoi en cassation émanant de Bénès.
Selon ce dernier, les juges d'appel ont méconnu l'existence de deux fonds, le domaine foncier et le fonds de commerce cultural. Des précautions ont été prises par la société saisie afin d'éviter le mélange de la terre de bruyère avec le sol, ce qui démontre la volonté du propriétaire de ne pas immobiliser ce stock, qui est acheté avec les plantes pour favoriser leur croissance et ensuite commercialisé avec elles, faisant partie du fonds de commerce cultural, par essence bien meuble, échappant ainsi à l'adjudication.
La Cour d'appel, dans son arrêt, retient que la terre de bruyère, nécessaire à la culture desdites fleurs, était placée soit dans les serres, soit dans des bacs, biens faisant partie de l'adjudication, et que ce matériau étant destiné par le propriétaire à l'exploitation du domaine, il pouvait être considéré comme un immeuble par destination sur le fondement de l'article 524 du Code civil, pouvant donc être acquis par la société Clause avec la propriété rurale (...)
[...] Une possible appartenance du bien en cause au fonds de commerce. En l'espèce, Bénès, syndic de la liquidation des biens de la société Domaine horticole de Brulins, frappe l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'un pouvoir en cassation, essayant d'y démontrer que la terre de bruyère ne correspondait pas à la qualification d'immeuble par destination. Tout d'abord, il y évoqua la méconnaissance par les juges d'appel de l'existence de deux fonds distincts, le domaine foncier, objet de l'adjudication mentionnée, et le fonds de commerce de culture florale. [...]
[...] Cependant, la Cour a du vérifier que les conditions de qualification d'immeuble par destination d'un bien étaient remplies. Ces conditions peuvent être de deux sortes : l'affectation économique ou l'attache à perpétuelle demeure. Ces deux types d'affectation présentant un caractère alternatif, seul le premier a été employé par la Cour. L'affectation économique suppose qu'un meuble est rattaché à un immeuble parce-que ce meuble est nécessaire à l'exploitation de l'immeuble. Parfois, cette affectation est présumée par la loi. En particulier, le législateur admet, à l'art du Code civil, des présomptions légales d'affectation de certains biens à une exploitation agricole. [...]
[...] Cependant, dans un arrêt de sa 3è chambre civile du 1er décembre 1976, la Cour de cassation avait considéré qu'un stock de cognac, affecté à l'exploitation du domaine en cause, ne pouvait être qualifié d'immeuble par destination car destiné à être vendu ; on peut penser que les juges de cassation l'ont considéré comme une partie intégrante du fonds de commerce. L'espèce traitée se situe à mi-chemin des deux précédents évoqués. En effet, la terre de bruyère n'est pas immobilisée au sens littéral du terme, et n'est donc pas affectée de manière définitive à l'exploitation du domaine saisi. [...]
[...] C'est ainsi que le juge peut être amené à trancher entre deux argumentations solides, ce que nous démontre un arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 5 mai 1981. Une propriété rurale appartenant à la société civile particulière Domaine horticole des Brulins, qui y exploitait une pépinière, a été saisie et adjugée à la société Clause le 12 juin 1972. La société saisie a été déclarée en état de liquidation des biens le 5 juillet 1972 ; son syndic a demandé à la société Clause le paiement de la valeur de divers éléments d'actif appréhendés par cette dernière et qui, selon lui, n'avaient pas été compris dans la vente du domaine. [...]
[...] Le motif de la Cour d'appel, confirmé par la Cour de cassation, se basait sur la conception d'affection économique de l'immobilisation d'un bien meuble. Comme évoqué précédemment, les deux types d'affectation, l'affectation économique d'une part, l'attache à perpétuelle demeure d'autre part, présentent un caractère alternatif ; elles n'ont pas à se cumuler et ne se confondent pas. Ainsi, la Cour de cassation a repris ce point de droit, ainsi que l'endroit de dépôt de la terre en cause, pour rejeter le pourvoi. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture