Si en mariage trompe qui peut et que l'erreur du consentement à mariage est difficile à prouver, la famille peut veiller efficacement à l'existence du consentement comme le montre l'arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation en date du 4 mai 2011. L'affaire est exemplaire de l'exploitation d'un homme en état de faiblesse pour obtenir ses largesses et le mariage de la part d'une maîtresse peu scrupuleuse.
Le 29 octobre 2004, un homme est placé sous sauvegarde de justice. Il est ensuite placé sous tutelle par un jugement du 28 janvier 2005. Pendant la période écoulée entre ces deux dates alors qu'il disposait encore de sa capacité juridique, il fait des dons importants à sa maîtresse avant de l'épouser le 3 janvier 2005, à l'insu de sa famille. Les 23 et 27 mai 2005, les frères et soeurs ont engagé une action en nullité de mariage, sur le fondement de l'article 146 du Code civil, pour défaut de consentement du mari et défaut d'intention matrimoniale des époux. L'homme est décédé le 30 septembre 2008. Les frères et soeurs de l'incapable obtiennent gain de cause devant les juges du fond qui estiment recevable leur demande en nullité et annulent le mariage pour absence de consentement en raison de l'incapacité médicalement prouvée du marié. La veuve se pourvoit en cassation contestant l'intérêt à agir et l'annulation du mariage. La famille de l'homme incapable entend défendre leur intérêt familial car à défaut de mariage, les frères et soeurs sont les héritiers du marié bientôt défunt. S'appuyant sur plusieurs expertises médicales et la décision de mise en tutelle peu de temps après la célébration du mariage ils démontrent l'absence d'intention matrimoniale de marié. L'épouse conteste la recevabilité à agir de la famille de son mari en soulignant que les frères et soeurs de son époux n'ont pas un intérêt né et l'actuel à agir comme l'exigent les articles 184 et 187 du Code civil. Sur le fond, elle conteste le défaut de capacité de son mari à consentir au mariage.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que la famille avait un intérêt né et actuel à agir puisqu'elle est appelée à la succession de l'incapable. Elle prend acte de l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'incapacité du mari au regard des éléments de preuve apportés (...)
[...] La décision de placer le mari sous tutelle renforce a posteriori son incapacité à donner son consentement. L'absence de consentement au mariage est d'autant plus prouvée que la tutelle intervient presque immédiatement. Si la tutelle avait été prononcée avant le mariage, l'intervention du conseil de famille aurait été tout aussi indispensable que le consentement du majeur comme l'a déjà jugé la Cour de cassation par un arrêt du 24 mars 1998. La solution de la Cour d'appel approuvée par la Cour de cassation ne surprend donc pas au regard des règles de droit applicables. [...]
[...] Mieux, comme le montre la lecture attentive de la décision, la Cour d'appel pour apprécier l'intérêt à agir des collatéraux s'est bien placée à la date ou elle statuait. La précision est particulièrement importante au regard des faits de l'espèce. En effet, le mari décède le 30 septembre 2008 et la Cour d'appel de Bordeaux se prononce le 5 mai 2009 soit après la survenance du décès. Les collatéraux d'héritiers présomptifs étaient devenus des héritiers en l'absence du conjoint survivant. Or l'appréciation de l'intérêt né et actuel à agir aurait été plus délicate avant le décès de l'époux incapable. [...]
[...] Il faut envisager l'appréciation souveraine des juges du fond et l'influence de la tutelle pour prouver l'inexistence du consentement. L'appréciation souveraine des juges du fond: La Cour de cassation pour rejeter le pourvoi constate que la Cour d'appel a souverainement apprécié l'incapacité de l'homme à consentir à son mariage. La reconnaissance de l'appréciation souveraine des juges du fond est posée par la jurisprudence de longue date, notamment par un arrêt du 29 janvier 1975 de la Cour de cassation à propos de l'appréciation des conséquences de la schizophrénie sur le consentement à mariage. [...]
[...] Elle a un double effet: changer la situation matrimoniale du défunt et, par ricochet, modifier la dévolution successorale en faveur de ses frères et sœurs qui du coup héritent, après avoir écarté l'épouse manipulatrice L'arrêt n'évoque pas, le pourvoi ne s'y prêtait pas, l'influence de la tutelle. Pourtant, son intervention peu de temps après la célébration de mariage apporte un élément de plus en faveur de l'annulation de ce dernier. L'influence de la tutelle: Elle n'est pas évoquée, mais on peut deviner l'influence en filigrane. En effet, le jugement de tutelle intervient moins de quinze jours après la célébration du mariage. [...]
[...] L'intérêt à agir des collatéraux est exigé par l'article 184 et surtout par l'article 187 qui précise encore qu'il doit être né et actuel. L'intérêt à agir né et actuel au moment où l'action est engagée: La Cour de cassation rappelle expressément que l'intérêt à agir des collatéraux agissant en nullité du mariage doit être né et actuel reprenant les termes de l'article 187 du Code civil. Ce rappel est d'autant plus intéressant que la Cour s'appuie ensuite sur l'appréciation souveraine des juges du fond pour apprécier l'intérêt à agir né et actuel. [...]
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