Le principe de la force obligatoire des conventions, principe fondamental du droit des contrats consacré à l'article 1134 du Code civil, doit être assorti de dispositions sanctionnant les défaillances contractuelles et assurant ainsi son efficience. Parmi les sanctions communes à tous contrats, la responsabilité contractuelle occupe une place essentielle. Elle est prévue à l'article 1147 du Code civil, qui dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ». L'article fixe les conditions et les effets de la responsabilité contractuelle. Il envisage également les conditions d'exonération du débiteur, une lecture a contrario révélant que le débiteur est libéré de sa responsabilité s'il justifie que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.
La force majeure, à laquelle on assimile le cas fortuit, est l'une des causes d'exonération. Si son régime est explicité dans les articles 1147 et 1148 du Code civil, il n'en existe aucune définition légale. Les juges, et la doctrine, ont donc été amenés à préciser les contours de la notion, ses éléments constitutifs. Ainsi, selon une définition traditionnelle, la force majeure est « un évènement imprévisible et irrésistible, qui provenant d'une cause extérieure au débiteur d'une obligation (...) le libère de son obligation ou l'exonère de sa responsabilité ». Toutefois, à la lecture des décisions jurisprudentielles, son contenu demeurait encore incertain. Tentant de mettre un terme aux vicissitudes prétoriennes en la matière, la Première Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 30 octobre 2008, a rappelé les conditions requises à la constitution d'un cas de force majeure exonératoire de responsabilité contractuelle.
En l'espèce, la société Figeac Aéro, exerçant une activité industrielle, conclut pour l'exercice de son activité un contrat de fourniture d'électricité avec la société EDF. Les 15 et 24 juin 2004, des mouvements sociaux contestant le projet de privatisation de la société EDF provoquent deux coupures d'électricité affectant le fonctionnement de la société cliente.
Assignée par le fournisseur en paiement de factures impayées, la société cliente forme une demande reconventionnelle en indemnisation du préjudice subi du fait des coupures d'électricité, recherchant ainsi la responsabilité contractuelle du fournisseur du fait de la mauvaise exécution du contrat de fourniture d'électricité. La Cour d'appel d'Agen, dans un arrêt du 7 mai 2007, rejette la demande reconventionnelle au motif que les coupures d'électricité constituaient un cas de force majeure puisqu'elles étaient dues à des mouvements sociaux. Selon les juges, la grève, bien que prévisible puisqu'elle avait été annoncée publiquement, était « irrésistible, inévitable et insurmontable », de sorte que la condition d'imprévisibilité n'était pas requise et la force majeure constituée. La société cliente forme un pourvoi en cassation contestant le fait que les mouvements sociaux puissent constituer un cas de force majeure de nature à exonérer son fournisseur de sa responsabilité contractuelle, dès lors qu'ils présentaient un caractère prévisible (...)
[...] En l'espèce, la cour d'appel avait retenu que les ruptures dans la fourniture d'énergie ( ) étaient irrésistibles, inévitables et insurmontables dans les conditions de leur survenance L'affirmation du caractère irrésistible de l'événement n'est pas véritablement motivée et aurait pu donner lieu à discussion. EN effet, dans la mesure ou l'événement ici en cause est la rupture d'énergie et non la grève elle-même, le fournisseur aurait peut être pu déployer des moyens pour éviter les ruptures d'électricité par, notamment, la réquisition du personnel ou le recours à des personnes extérieures. En tout état de cause, la Cour de renvoi devra à nouveau apprécier le caractère irrésistible de l'événement que constitue la rupture du courant. [...]
[...] La question qui se posait en l'espèce était donc de déterminer les conditions requises pour qualifier un évènement de force majeure. Plus spécialement, le litige est l'occasion de préciser si la condition d'imprévisibilité est toujours exigée. La Première Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 30 octobre 2008, casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel. Au visa des articles 1147 et 1148 du Code civil, elle énonce que seul un événement présentant un caractère imprévisible, lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution, est constitutif d'un cas de force majeure de sorte qu'en décidant que la condition d'imprévisibilité n'était pas requise pour retenir la force majeure, la cour d'appel a violé les textes visés. [...]
[...] La solution mérite approbation car il n'apparaît pas normal d'exonérer un débiteur qui pouvait prévoir l'événement qui l'a empêché de contracter Plus techniquement, elle repose sur une analyse littérale du principe de force obligatoire des conventions tel qu'il est exprimé à l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil: dès lors qu'un engagement a été souscrit, les parties doivent assumer leurs obligations ainsi que les risques inhérents à celles-ci. La solution vient alors nuancer l'adage selon lequel à l'impossible nul n'est tenu en réservant l'hypothèse ou l'impossibilité était raisonnablement prévisible à la conclusion du contrat. Les conditions étant cumulatives, le domaine de la force majeure se réduit. [...]
[...] L'interprétation aboutissant à l'exclusion de la condition d'extériorité de la force majeure est toutefois fragile. En effet, elle repose sur un argument a contrario parfois ténu, d'autant qu'il découle ici du silence de la Cour de cassation qui peut s'expliquer par le principe dispositif. Celle-ci, en effet, ne répond qu'au moyen soulevé, lequel ne semblait pas, en l'occurrence, discuter le critère de l'extériorité. Au demeurant, l'éviction pure et simple de la condition d'extériorité paraît douteuse au regard de la jurisprudence récente qui y fait toujours référence. [...]
[...] La Cour de cassation a posé comme conditions de la force majeure l'imprévisibilité d'une part, l'irrésistibilité d'autre part. La teneur de ces conditions ayant été précisée, reste à en préciser la valeur. II- La valeur des conditions constitutives de la force majeure: Si la Cour de cassation confère explicitement un caractère cumulatif aux conditions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité elle semble leur attribuer implicitement un caractère exclusif Des conditions cumulatives: Le fondement du cumul: En exigeant le caractère imprévisible ( ) et irrésistible de l'événement, la Cour de cassation affirme explicitement le caractère cumulatif des conditions de la force majeure et, implicitement mais nécessairement, leur caractère distinct. [...]
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