L'arrêt permet de déterminer si un acquéreur averti peut encore réaliser une bonne affaire au détriment du vendeur ignorant la valeur exacte de la chose vendue. La question se pose surtout en matière de vente de meubles de prix ou d'oeuvres d'art. Tel était le cas en l'espèce. Une Dame Boucher avait d'abord fait vendre, en 1986, aux enchères publiques des clichés du photographe Baldus. Celles-ci ont été acquises par un Sieur Clin pour le prix de 1000 francs l'unité. La venderesse a pris contact, en 1989, directement avec cet acheteur pour lui céder d'autres photos au même prix. Elle s'aperçoit ultérieurement que la valeur de ces clichés est très supérieure. Elle demande la nullité de la vente. La Cour d'appel saisie fait droit à sa demande en estimant que M. Clin avait manqué à son obligation de contracter de bonne foi et le condamne à restituer en valeur les photographies. La Cour de cassation censure cette décision au visa de l'article 1116 du Code civil (...)
[...] Toutefois, l'ignorance de celui qui se prévaut de l'inexécution de l'obligation d'information doit être légitime (Cass. 3ème civ novembre 1979: Bull. III, n°215). Or, en l'espèce Mme Boucher connaissait l'auteur des photographies, entre la vente aux enchères et les ventes subséquentes, à son initiative, elle disposait de tout le temps nécessaire pour se renseigner sur la valeur des clichés. Néanmoins, l'acquéreur aurait-il du renseigner la venderesse au nom d'une prétendue obligation de contracter de bonne foi? Obligation d'information et bonne foi dans la formation du contrat: Il appartiendrait aux contractants de livrer toutes les informations qu'ils détiennent afin de ne pas manquer à un principe émergent en droit des obligations: la nécessité de contracter de bonne foi. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation le 3 mai 2000: L'arrêt permet de déterminer si un acquéreur averti peut encore réaliser une bonne affaire au détriment du vendeur ignorant la valeur exacte de la chose vendue. La question se pose surtout en matière de vente de meubles de prix ou d'œuvres d'art. Tel était le cas en l'espèce. Une Dame Boucher avait d'abord fait vendre, en 1986, aux enchères publiques des clichés du photographe Baldus. [...]
[...] II- La nature de l'erreur du vendeur: La Cour de cassation ne pouvait que censurer l'arrêt d'appel afin d'éviter de consacrer l'erreur sur la valeur; il ne s'agissait pas en l'espèce d'une erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue. Le rejet persistant de l'erreur sur la valeur: La venderesse connaissait l'auteur des photos, elle ignorait simplement la valeur des clichés. Or, en droit français, l'erreur sur la valeur n'est pas cause de nullité (Cass. Com mars 1974: Bull. IV, afin de ne pas réintroduire la possibilité de rescision pour lésion dans tous les contrats. Il ne fallait donc pas qu'au travers d'une prétendue violation de l'obligation d'information il ne soit, en réalité, sanctionné une erreur sur la valeur. [...]
[...] Le problème de droit posé par cet arrêt est simple: le défaut d'information du vendeur par l'acheteur sur la valeur exacte du bien cédé constitue-t-il un dol par réticence? La réponse donnée par la Cour de cassation est négative: il ne pesait sur l'acheteur de photographies de Baldus aucune obligation d'information. On doit donc insister sur deux points: l'absence d'obligation du vendeur par l'acheteur et la nature de l'erreur du vendeur. L'absence d'obligation d'information du vendeur par l'acheteur: La décision marque un coup d'arrêt à l'extension de l'obligation d'information et permet de relativiser l'importance de la bonne foi dans la formation du contrat. [...]
[...] Toutefois, un expert avait certifié aux vendeurs qu'il ne s'agissait pas d'un Poussin, ils avaient donc commis une erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et cette erreur sur leur propre prestation ouvrait droit à la nullité de la vente (Cass. Civ. 1ère février 1978: D p.601). En l'espèce, il n'y avait pas d'erreur sur la propre prestation de la venderesse, mais sur sa valeur. Il est donc encore permis de chiner en toute quiétude. Dès lors qu'acheteur et vendeur connaissent l'origine de l'œuvre; ils peuvent alors légitimement dissimuler sa valeur. [...]
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