[...]
La responsabilité générale du fait des choses déduite de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ne repose pas sur l'implication quelconque d'une chose dans la réalisation du dommage.
Si je m'approche d'une scie électrique en fonctionnement, que je trébuche et me blesse au contact de la lame, je ne peux évidemment pas me borner à faire constater que mon dommage est dû au fait de la scie. La responsabilité du gardien de la scie suppose ainsi que je prouve un fait actif de la chose.
La première des conditions d'application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil est donc que la victime prouve que son préjudice est dû au fait actif de la chose qu'elle incrimine. C'est une application pure et simple de l'article 1315 du Code civil selon lequel la charge de la preuve incombe au demandeur.
Pour faciliter la tâche de la victime, la jurisprudence a procédé à une décomposition de cette preuve en deux éléments : l'intervention matérielle de la chose d'une part et son rôle causal d'autre part.
La victime doit toujours établir le premier de ces éléments, mais bénéficie souvent d'une présomption en sa faveur en ce qui concerne le second.
S'agissant de la preuve de l'intervention matérielle de la chose, la victime doit établir qu'elle a été heurtée par telle chose ou par un caillou projeté par tel véhicule, la jurisprudence se contentant à ce stade de la démonstration d'une participation matérielle quelconque de la chose.
Par exemple, l'ouvrier qui travaille aux abords d'une voie de chemin de fer et qui est blessé lors du passage d'un train, doit établir que ce train est à l'origine de son dommage.
Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, y compris des indices provenant de l'absence d'autre cause possible. Ainsi, il a été jugé que l'effondrement d'un mur n'avait pu avoir d'autre cause possible que le bang supersonique d'un avion au moment où il franchit le mur du son (...)
[...] 2ème octobre 2001, RTDCiv p D p note Prat). On a d'ailleurs pu penser que ce dernier arrêt généralisait la présomption de responsabilité à toutes choses inertes, et pas seulement aux surfaces vitrées. L'ambiguïté de la position de la Cour de cassation a été maintenue par Cass. civ. 2ème septembre 2003, Bull., II, 287 RTDCiv p obs. Jourdain D p note Damas. En sortant d'un magasin, une personne heurte un plot en ciment situé à côté d'un passage pour piétons. [...]
[...] Au contraire, il n'existe pas de présomption de causalité au profit de la victime soit lorsque la chose était inerte au moment du dommage, soit lorsque la chose n'est pas entrée en contact avec la victime. Il faut donc distinguer les deux situations. Première situation : la chose n'est pas entrée en contact avec la victime. La victime doit donc établir comment, en dépit de l'absence de contact, la chose a été néanmoins la cause génératrice du dommage. C'est le caractère anormal de la chose qui permet le plus souvent de prouver cette causalité. C'est par exemple le cas d'une chose qui tombe d'un chargement et qui provoque l'embardée d'un cycliste qui tentait d'éviter l'obstacle. [...]
[...] La Cour de cassation casse l'arrêt en énonçant qu'il résultait des propres constatations des juges du fond que la vitre était fragile, ce dont il résultait que la chose "en raison de son anormalité" avait été l'instrument du dommage. Cette décision a déjà confirmé très clairement le maintien de la condition d'anormalité de la chose inerte. En outre, il a indiqué que la Cour de cassation ne renonçait pas à sa jurisprudence en matière de bris de vitres, mais l'intégrait aux conditions classiques de la responsabilité du fait des choses (affirmation selon laquelle l'anormalité de la baie vitrée résulte de sa seule fragilité - la fragilité d'une vitre est donc un état anormal). [...]
[...] S'agissant de la preuve de ce rôle causal de la chose, la jurisprudence vient parfois en aide aux victimes en créant à leur profit une présomption de causalité. Cependant cette présomption n'est pas générale et ne joue que dans des cas précis. Il y a présomption de causalité lorsque la chose était en mouvement et est entrée en contact avec la victime. C'est la réunion (en pratique très fréquente) de ces deux circonstances qui emporte la présomption de causalité au profit de la victime. Cette présomption repose sur le jeu normal des probabilités. [...]
[...] Seconde situation : la chose était inerte au moment du dommage. Cette inertie peut être essentielle (revêtement du sol, escalier, vitrage fixe etc.) ou accidentelle (véhicule à l'arrêt). La victime doit alors rapporter la preuve du rôle causal de la chose inerte dans la réalisation du dommage. Pour cela, elle doit prouver que la chose inerte présentait un caractère anormal : soit du fait de sa position anormale (marché mal ou pas éclairée, chose placée à un endroit gênant) ; soit du fait de son mauvais état (sol glissant, escalier défectueux) ; soit du fait de son comportement anormal (en raison d'un vice de conception ou de fabrication. [...]
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