« Le doute chasse l'erreur » est le principe ressortant de l'arrêt célèbre de la Cour de cassation du 24 mars 1987, bien connu sous le nom de l'arrêt « Fragonard ». Cet arrêt jurisprudentiel posait la question de l'aléa, du doute émis et admis par les deux parties sur l'objet du contrat, sur la substance même de la chose vendue. Cette jurisprudence nous éclairait alors sur les erreurs sur la substance de la chose vendue. Notre arrêt en cause s'inscrit également dans cette thématique de l'erreur et est en quelque sorte un prolongement de cette jurisprudence de l'arrêt Fragonard. En effet la Cour de cassation va plus loin, elle précise sa jurisprudence et vient enrichir une jurisprudence pourtant déjà bien fournie sur les demandes de nullité de vente pour erreur dans l'attribution d'une oeuvre d'art.
Dans cet arrêt de cassation du 28 mars 2008 rendu par la 1ère Chambre civile, un acquéreur agissant pour le cadre de sa société, a acquis le 10 septembre 1984 auprès d'une venderesse un portrait de Claude Monet réalisé par Sargent. Mais le 13 mai 1985, la société assigne la venderesse en nullité de la vente pour erreur sur la substance, car des experts ont émis des doutes sur l'authenticité de l'oeuvre. Alors, par acte du 11 mars 1986 les parties ont signé une transaction confirmant la vente à moitié prix du tableau attribué à Sargent par sa propriétaire. La société ne cache pas que ce tableau sera donné à un musée. Mais en 1996, constatant que le tableau avait été inséré dans un catalogue publié par la société de l'acquéreur étant décrit comme un autoportrait de Monet, la venderesse assigne alors l'acquéreur et sa société en annulation de la vente pour erreur sur la substance et pour dol.
L'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 6 septembre 2005 l'a débouté de ses demandes. Ne statuant que sur la possible erreur sur la substance, l'arrêt attaqué par la demanderesse énonce que le doute apparu sur la paternité de l'oeuvre en raison des refus émis par les experts d'attribuer l'oeuvre à Sargent justifiait l'acceptation de la venderesse à rembourser la moitié du prix à l'acquéreur. Et que cette transaction intervenue alors que l'attribution à Sargent était incertaine, les parties étaient convenues de ne pas faire de cette attribution une qualité substantielle du bien (...)
[...] Cette baisse du prix de départ signifie que le doute intégré par les parties se limitait à ce que l'œuvre attribué à Sargent ne soit pas en fait de lui, mais d'un auteur d'une moins bonne notoriété. Les parties s'accordent sur un aléa qui laisse un doute sur le véritable auteur de l'œuvre, dans l'esprit des parties l'œuvre est au mieux, dans le meilleur des cas ,celle de Sargent, dans le pire des cas celle d'un peintre inconnu. Mais au moment précis de la baisse du prix par la venderesse, les parties excluent de l'aléa, la possibilité que l'œuvre soit celle de Monet lui-même. [...]
[...] C'est donc plus ou moins logiquement que La cour d'appel déboutait selon ce raisonnement la demanderesse de sa demande en nullité de l'action de vente et ce à tort. C'est ce que la cour de cassation fait comprendre à la cour d'appel par sa solution et donc par la cassation de l'arrêt d'appel. II) L'éclaircissement fourni par la Cour de cassation sur la question de l'aléa du doute. La cour de cassation va alors devant cette incompréhension manifeste, donner sa solution et donc éclairer la question problématique de l'aléa en l'espèce et bien que ne jugeant pas sur ce point dans l'arrêt, elle laisse sous-entendre que l'appréciation d'une œuvre, son authentification, peut être faite postérieurement à la vente de celle-ci L'erreur reste possible si l'aléa n'est défini qu'étroitement Dans sa solution la cour de cassation énonce qu'en statuant comme elle la fait, sans expliquer en quoi la réduction du prix n'était pas exclusive de l'attribution possible du tableau à un peintre d'une notoriété plus grande que celle de Sargent, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision La cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel pour défaut de base légale, car la cour aurait dû expliquer dans sa décision pourquoi il pouvait y avoir une réduction du prix tout en admettant le fait que le tableau pouvait avoir pour auteur un peintre plus connu que Sargent. [...]
[...] Car au moment de la vente la conviction était que le tableau était un Sargent, alors que la réalité c'est que c'est un Monet, et que donc ça a toujours été un Monet. La réalité n'a pas évoluée, c'est la croyance qui diffère entre le moment de la vente où règne le doute, et le moment de l'authentification par des experts où la vérité fait surface. L'arrêt traite de cette possibilité l'attribution à ce peintre étant intervenue postérieurement En matière d'œuvre d'art on comprend donc que la réalité s'appréciera au jour de la vente mais en tenant compte des expertises et études postérieures à la vente de l'œuvre. [...]
[...] On peut alors comprendre qu'il y a eu vente dans la conviction erronée qu'il ne s'agissait pas de l'œuvre de Sargent et qui plus est dans la certitude que l'œuvre n'était pas de Monet. La cour d'appel par son arrêt ne semblait pourtant pas commettre d'erreur de jugement car elle suivait à la lettre la jurisprudence de la cour de cassation tirée de l'arrêt Fragonard du 24 mars 1987 qui pose le principe qui est que l'aléa chasse l'erreur, selon l'arrêt , le fait que les parties s'accorde lors de l'acte sur un doute ne permet plus de fonder l'erreur de la substance sur ce doute qui est reconnu réciproquement par les parties. [...]
[...] C'est notamment dans l'affaire Poussin que ce principe a été dégagé. Le régime de la sanction de l'erreur en droit civil prend alors ce principe en compte car la victime lésée à une prescription de 5 ans à compter de la découverte de l'erreur pour agir en nullité de la vente. [...]
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