La manipulation par un client d'un objet offert à la vente dans un magasin en libre-service ne suffit pas à opérer un transfert de la garde. Tel est l'apport de l'arrêt que nous avons à commenter, datant du 28 février 1996 et rendu par la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation.
Une cliente inconnue a accidentellement fait tomber une bouteille en verre d'un rayon dans un magasin Continent en libre-service. La bouteille a éclaté au sol et les éclats de verre ont blessé une autre cliente.
La victime a assigné la société Continent en réparation de son préjudice devant une juridiction de première instance.
L'appel a été interjeté devant la Cour d'appel de Caen. Cette dernière a décidé de retenir la responsabilité de la société Continent sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil (...)
[...] Or, dans notre cas, le client à l'origine de la chute de l'objet étant resté inconnu, il fallait que la Cour de cassation trouve néanmoins un moyen de fournir une réparation à la victime. Elle l'a trouvé en se fondant sur la présomption de garde. La jurisprudence en effet, posé une présomption de garde à la charge du propriétaire d'un objet dans un arrêt de la chambre des requêtes datant du 12 janvier 1927. Dans cet arrêt, la Cour de cassation énonce que si en principe le propriétaire est réputé avoir la garde de la chose, rien ne s'oppose à ce qu'il prépose un tiers à cette garde Cette présomption est simple, c'est-à-dire qu'elle peut être renversée dès que la preuve inverse est apportée. [...]
[...] Un arrêt de la deuxième chambre civile datant du 16 mai 1984 en effet, considéré que lors du passage en caisse, le magasin avait la garde des objets sur le point d'être acquis par le client. Cet arrêt permet donc d'éviter des transferts de garde incessant entre le supermarché et le client en considérant qu'en principe, seul le supermarché a la garde des objets mis en vente, et ce jusqu'à ce que leur prix soit acquitté par le client. Ce n'est qu'à ce moment là qu'un transfert de garde sera effectué. [...]
[...] Comme nous l'avons vu précédemment, les critères retenus par la Cour de cassation dans l'arrêt Franck appartiennent essentiellement à la théorie de la garde matérielle. Le fait que la Cour de cassation retienne essentiellement la garde matérielle pour définir la garde signifie que cette dernière n'est pas nécessairement associée à la propriété. Des discussions relatives au transfert de la garde peuvent donc s'engager, comme le moyen du pourvoi le préconise. En déterminant, par principe et dans les conditions d'une simple manipulation de l'objet, que le client ne peut se voir transférer la garde de la chose responsable du dommage, la Cour de cassation coupe cours aux discussions tout en mettant en place une jurisprudence assez souple pour se laisser une marge de manœuvre dans les cas particuliers qui pourraient le nécessiter. [...]
[...] L'utilisation du verbe suffire laisse sous-entendre que, dans d'autres circonstances, la garde de la chose pourrait être transférée au client. Mais quelles pourraient alors être ces circonstances ? Les circonstances visées par la Cour de cassation dans cet arrêt doivent nécessairement dénoter, de la part du client, une volonté particulière d'acquérir la garde de la chose, volonté plus manifeste et plus explicite que la simple manipulation. Dans cette hypothèse, des actes de dégradation, de vandalisme ou de consommation de produits périssables sur place semblent dénoter la volonté de l'individu d'acquérir un contrôle suffisant sur les choses pour qu'il puisse être qualifié de gardien. [...]
[...] Elle considère en effet que, dans un magasin où la clientèle peut se servir elle-même, la manipulation d'un objet offert à la vente n'est pas suffisante pour opérer un transfert de garde. Elle a ainsi considéré que la Cour d'appel avait, à bon droit, déduit que la société Continent était responsable des conséquences dommageables de l'accident en tant que gardienne de la bouteille. Il arrive fréquemment qu'en circulant entre les rayons encombrés de supermarchés, des clients fassent tomber des articles qui se brisent. [...]
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