Jusqu'où un désordre peut-il être considéré comme apparent ? C'est tout le problème de la frontière entre le vice apparent et le vice caché, entre l'article 1641 et l'article 1642 du Code civil. Problème qui n'est pas des moindres car il détermine un régime applicable : si le vice est caché, l'acquéreur dispose d'une action en garantie contre le vendeur, garantie à laquelle ce dernier n'est pas tenu si le vice est « apparent ». Et c'est précisément à ce problème qu'a été confrontée la Cour de cassation à travers les faits qui lui ont été soumis le 27 octobre 2006.
Des acheteurs d'une maison à usage d'habitation découvrent la présence, avant la vente, d'insectes xylophages infestant la charpente ainsi que des désordres affectant toutes les tuiles, ces dernières étant qualifiées de « gélives ». Ils assignent donc le vendeur en paiement de dommages-intérêts.
La première Cour d'appel accueille leur demande mais seulement en ce qui concerne les désordres affectant les tuiles, les déboutant ainsi de leur demande indemnitaire en ce qui concerne la charpente. Ils reprochent donc, sur le premier moyen, à la première Cour de cassation de méconnaître l'autorité de chose jugée en statuant sur les tuiles gélives et les charpentes au lieu de ne statuer que sur les désordres affectant la charpente. L'assemblée plénière de la Cour de cassation, intervenue sur cassation après renvoi, énonce que la Cour de cassation était investi du renvoi de l'entier litige dans tous ses éléments de faits et de droit.
Sur le fond en revanche, les acquéreurs développent également un second moyen divisé en deux branches.
Ils reprochent tout d'abord à la Cour d'appel d'avoir, pour rejeter leur demande, retenu que si la constatation des dégradations était difficile, elle n'était pas impossible, de sorte que ces dégradations devaient être considérées comme des désordres apparents au sens de l'article 1642 du Code civil, et non cachés (article 1641). (...)
[...] Ce raisonnement, poussé à l'extrême, ne permettrait quasiment jamais de mettre en oeuvre la garantie des vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil. En effet, dans l'absolu le vice n'est jamais caché. Il n'est caché que derrière l'incompétence de l'acheteur et/ou l'utilisation de l'objet par l'acheteur. Le caractère caché du vice est une condition subjective: on ne peut le constater objectivement, à moins de nier son existence. C'est pourquoi la cour de cassation casse et annule cet arrêt rendu en application de ce principe inadapté aux réalités pratiques B. [...]
[...] C'est ce que la cour de cassation vient rappeler en énonçant qu'on ne peut ajouter à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas sans violer ensemble les articles 1641 et 1642 du code civil. De cette censure, encore une fois passive, on peut déduire par une lecture a contrario l'énoncé d'une présomption de bien non-vicié B. Un bien présumé non-vicié par la cour de cassation Si la cour de cassation n'admet pas que l'acheteur ait à être diligent eu égard des vices cachés lors de l'achat, cela revient à dire que le bien est présumé non vicié Cela est d'autant plus frappant que la jurisprudence montre que le bien n'est jamais présumé conforme. [...]
[...] Le vice apparent est bien sûr, au sens de l'article 1642 du code civil, un vice dont l'acquéreur a pu se convaincre lui même lors de l'achat. Mais qu'en est-il des critères concrets qui permettent de déterminer ce vice apparent? La cour de cassation aurait pu profiter de ce litige pour énoncer des conditions qui pourraient permettre de caractériser un vice apparent. Ces critères permettraient une sécurité juridique plus importante pour les parties à la vente d'un bien. L'analyse in concreto conduit à une casuistique trop importante. [...]
[...] Commentaire d'arrêt Cour de cassation - Assemblée Plénière - 27 octobre 2006 : le caractère caché du vice Jusqu'où un désordre peut-il être considéré comme apparent ? C'est tout le problème de la frontière entre le vice apparent et le vice caché, entre l'article 1641 et l'article 1642 du Code civil. Problème qui n'est pas des moindres car il détermine un régime applicable: si le vice est caché, l'acquéreur dispose d'une action en garantie contre le vendeur, garantie à laquelle ce dernier n'est pas tenu si le vice est apparent Et c'est précisément à ce problème qu'a été confrontée la Cour de cassation à travers les faits qui lui ont été soumis le 27 octobre 2006. [...]
[...] Mais s'il n'est jamais présumé conforme, comment peut-il être présumé vicié alors que le vice n'est qu'un prolongement de la délivrance non-conforme d'un bien? Pour preuve, avant que la cour de cassation vienne rectifier le tir, les plaideurs ont souvent agi sur le fondement de la délivrance non conforme, croyant ainsi englober le vice caché, lorsqu'ils n'étaient pas sûrs de la nature du dommage ou lorsque le délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés était éteint. Cette présomption est loin d'être la bienvenue, d'autant plus qu'elle semble irréfragable. [...]
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