L'erreur, disait Pothier, est « le plus grand vice des conventions ». On sent bien, cependant, par simple intuition, que toute erreur commise par un contractant ne doit pas permettre l'annulation du contrat. Précisément, l'alinéa 1er de l'article 1110 du Code civil ne retient, s'agissant de la chose, objet de la convention, que l'erreur sur la substance : le commerce des oeuvres d'art et des antiquités, on le sait, en est le domaine d'élection. L'arrêt soumis à notre commentaire s'insère ainsi dans une longue série, avec un certain particularisme et, nous le croyons, des éléments novateurs.
Quels étaient les faits ? En novembre 1998, lors d'une vente aux enchères publiques organisée par un commissaire-priseur assisté d'un expert, deux époux, M. et Mme X..., s'étaient porté acquéreurs d'une antiquité égyptienne : une statue de Sesostris III. L'objet était présenté au catalogue avec les mentions « granodiorite, Egypte, Moyen Empire (XIIème dynastie, 1878-1943 av. J-C) repolissage partiel (collection particulière, succession de M.H.E.) ».
Après la vente, les acquéreurs ont découvert que l'authenticité de l'oeuvre faisait l'objet de controverses; ils sollicitèrent donc la désignation d'experts. Ceux-ci confirmèrent l'origine « antique » de la statue, mais ajoutèrent qu'elle ne remontait en aucune façon au règne de Sesostris III, mais appartenait à une période plus récente. Seule image commémorative en ronde-bosse du grand bienfaiteur Sesostris Kha Koué Rê, elle aurait été exécutée dans un atelier royal et consacrée probablement à la fin du Moyen Empire, entre les règnes d'Amenemhat III et Sébékhotep IV (1850 et 1720 av. J.-C....). En présence de cette différence de datation (un siècle ...), les époux X... décidèrent d'intenter une action en nullité pour erreur sur la substance. La cour de Paris rejeta la demande, en retenant que les acquéreurs n'avaient pas prouvé qu'il existe un doute tel sur l'authenticité de l'oeuvre, qu'ils ne l'auraient pas acquise s'ils l'avaient connu. En d'autres termes, pour les juges du second degré, les époux X... n'ont pas démontré qu'ils avaient commis une « erreur déterminante ». La Cour de cassation censurera cet arrêt dans les termes les plus francs, aux visas combinés de notre article 1110 du Code civil et d'un texte beaucoup moins connu, réprimant les fraudes dans les ventes d'oeuvres et d'objets d'art, l'article 2 du décret du 3 mars 1981 qui exige que la référence annoncée à une période historique soit exacte. (...)
[...] Cette conception objective beaucoup trop étroite, fut très vite abandonnée comme telle. Ici, la granodiorite n'est pas en cause. Il existe, en effet, dans les choses que nous achetons ou que nous vendons, des qualités, des attributs, dont l'existence supposée détermine notre consentement, mais qui sont parfaitement indépendants de la matière. Ainsi de l'authenticité d'une toile de maître. La doctrine se tourna alors vers la conception que l'ont dit subjective (et qui, d'ailleurs, figure également, déjà, chez Pothier). Pour définir la substance il faut rechercher quelle est la qualité que l'on avait eue principalement en vue en contractant. [...]
[...] Le concept d'erreur inexcusable passe à la trappe en matière de transaction sur les objets d'art C'est un retour significatif à la lettre de l'article 1110, vivifié par le décret du 3 mars 1981. Pour ceux que cette solution choquerait, il convient de faire simplement observer, d'une part, que la résolution pour inexécution était sans doute possible et, d'autre part, qu'il eût été facile de déceler une réticence dolosive dans le fait que des incertitudes n'avaient pas été portées à la connaissance de l'acheteur. Or, il est admis aujourd'hui qu'une réticence (un dol) rend toujours excusable l'erreur du cocontractant qui en est victime. [...]
[...] C'est précisément cette dernière qualité qui était en débat dans notre espèce. Mais la qualité n'est pas tout. Il faut encore que l'errans rapporte la preuve que sa volonté a véritablement été viciée, qu'il n'aurait pas conclu s'il avait connu la vérité. C'Est-ce que l'on appelle, parfois, la causalité du vice Il y a là une appréciation toute subjective, qui est, on l'a vu, l'argument du pourvoi: la Cour de cassation y répond en changeant totalement de registre. Objectivation de la matière La présente espèce est assez particulière. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation février 2007: L'erreur, disait Pothier, est le plus grand vice des conventions On sent bien, cependant, par simple intuition, que toute erreur commise par un contractant ne doit pas permettre l'annulation du contrat. Précisément, l'alinéa 1er de l'article 1110 du Code civil ne retient, s'agissant de la chose, objet de la convention, que l'erreur sur la substance : le commerce des œuvres d'art et des antiquités, on le sait, en est le domaine d'élection. [...]
[...] Manifestement, le vent a tourné Cela nous amènera, dans un premier temps, à revenir sur la notion de qualité substantielle. A l'évidence, notre arrêt est inspiré par le décret du 3 mars 1981. Dans un second temps, examinant les arguments parfois opposés aux demandeurs en nullité, ce que dit l'arrêt et ce qu'il ne dit pas, nous en dégagerons un aspect classique et un aspect novateur. Un arrêt inspiré Pour qu'une convention soit valablement formée, le consentement doit être intègre, c'est-à-dire éclaire et libre. [...]
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